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Chroniques BD, Humeurs & blog

Maurice & Patapon (Charb)

Maurice & Patapon sont un peu comme Johan et Pirlouit Laurel & Hardy, Véronique & Davina, Black & Decker ou encore le père Lustucru et la mère Michèle. Ils forment un couple indissociable dans nos esprits instruits d’amateurs des belles choses, un grand couple de la littérature graphique française contemporaine, une des formes les plus méritoires de la bandéssinitude du 21e siècle, héritier direct de Töpffer, Pratt ou autres Moebius… Bref, c’est l’ultime forme de l’art séquentiel.

Faites-moi plaisir, lisez le post-chronicum en bas d’article. Non, mais c’est pour plus tard, je ne me suis pas cassé le *** à faire une chronique pour rien quand même ! Merci. C’est peut-être un peu long comme titre, non ?

Il ne faut pas plus de quelques cases pour comprendre. Oui, Maurice & Patapon est l’ultime chef d’œuvre que nous attendions tous depuis… Depuis toujours en fait. Sous la forme de petits strips, Charb interroge directement notre condition humaine à travers les discussions métaphoriques, philosophiques et poétiques de deux animaux. Chien et Chat, Maurice et Patapon. Qui mieux que ces êtres qui nous accompagnent au quotidien peuvent, sans sourciller, observer et juger nos actions, nos défauts, nos petites manies ?

En leur donnant la parole, Charb nous adresse un message d’une profonde pureté qui nous pousse à réfléchir au vivre-ensemble, à  nos interactions,  à nos différences et à nos fausses inimitiés. Avec son regard acéré, son don pour une composition complexe, son référentiel culturel profond et un trait totalement maîtrisé, il se moque de nous avec pudeur et respect. Pour toujours.

Oui, « Toujours » est bien le mot qui résume cette œuvre fondamentale, quasi-mystique, de celui qui entre aujourd’hui au Panthéon de nos certitudes d’amateur du beau. Cet auteur que nous  pleurons aujourd’hui, laisse à travers ses deux personnages un message de paix, d’amour et de légèreté. Le dessin de presse tout comme la bande dessinée sont là avant tout pour résonner dans les profondeurs de notre âme. Une lumière dans la nuit.

Nous garderons à jamais en tête ce dialogue éternel entre un Patapon couché sur un divan et un Maurice l’observant :

» – Chez moi, le cou, la tête, le dos, le ventre, les pattes sont des zones érogènes.
– Chez moi, c’est la bite. »

Hommage.

Maurice et Patapon
Dessins et Scénario : Charb
Editions : Hoebeke

Public : Grands amateurs
Pour les bibliothécaires : Indispensable dans toutes les bonnes BDthèques

Post-chronicum (je ne sais pas si ça existe mais ça fait classe) :

Cette semaine, je voulais reprendre une activité normale sur IDDBD. J’ai bien essayé mais j’étais incapable de vous parler de ceci ou de cela sans avoir une grosse boule au ventre et l’impression de trahir quelque chose. C’est ridicule, j’en conviens d’autant que je ne suis qu’un lecteur occasionnel de Charlie. J’aimais profondément le travail de Cabu, pas mal celui de Charb, un peu moins celui de Wolinski… La semaine dernière, ils ont tué ces personnes (et je n’oublie pas les autres) que je ne connaissais pas intimement mais qui comptait pour moi bien plus que je ne l’imaginais. Ils étaient là, rassurant, sans que j’ai besoin de poser les yeux sur leur travail. Un « au cas où » qui me rendait inconsciemment plus libre, un garde-fou pour l’esprit… « Charlie, défends-moi » comme chantait Noir Désir.

Alors, après ma réaction pleine de colère la semaine dernière, voici cette chronique faussement emphatique. Pas un hommage mais un humble pied de nez aux « Charlie de la nouvelle heure » pour se moquer gentiment des opportunistes, des profiteurs, des sans-gênes de l’esprit qui réunissent les autres derrière leur drapeau à la moindre occasion pour flatter leurs égos et leurs bonnes consciences. Ceux qui trouveront tellement formidables les anti-aventures de Maurice et Patapon et en feront de belles chroniques avant de les oublier dans un coin au grès de nouveaux combats.

C’est quoi le message. Bisous à tous les Charlie, les non-Charlie, les surtout-pas-Charlie… voire même les cons, tiens ! Car « la haine ça n’apporte rien et elle viendra bien assez tôt » disait Renaud…

Chroniques BD, Recommandé par IDDBD

Les vieux fourneaux (Lupano & Cauuet)

Antoine, Emile et Pierre sont de vieux amis, de très vieux amis, de très très très vieux amis même. Ancien syndicaliste, vieil aventurier ou anarchiste profond, ils ont tous les trois des personnalités et des caractères bien particuliers. A la mort de Lucette, la femme d’Antoine, ils se retrouvent après des années sans se voir… mais ce n’est pas l’unique évènement. En effet, un secret vieux de plusieurs dizaines d’années se révèle… et lance nos camarades sur les routes accompagnées de Sophie, petite-fille d’Antoine, enceinte… et qui a hérité du bon caractère de sa grand-mère (c’est de famille).

Retour vers le passé

Nous avions commencé l’année sur IDDBD en vous proposant mon coup de cœur pour de l’année 2013, le très bon Mon ami Dahmer de Derf Backderf. Pour la dernière chronique annuelle, on remet le couvert la série qui nous aura marqué en 2014 : Les vieux fourneaux de Wilfrid Lupano au scénario et Paul Cauuet aux dessins (et couleurs).

On entend ici et là que la bande dessinée d’humour classique pour adulte se perd. Convenu, facile, lourd sont des adjectifs qui reviennent souvent dans les discussions. C’est vrai que si on se limite aux collections qui passent en revue toutes les professions (en particulier de la fonction publique) qui sont à l’humour ce que la musique militaire est à la musique, qu’on admet que la grande époque de Fluide Glacial est plutôt derrière nous (pas complètement mais…) et qu’on ne peut vraisemblablement pas obliger Goossens à faire 5 ou 6 albums par an, il faut avouer qu’on se marre de bon cœur avec plus de difficultés qu’il y a plusieurs années. Pourquoi ? A l’aune de l’histoire de la BD adulte, on pourrait éventuellement l’expliquer par le fait qu’elle est sortie définitivement du carcan « jeunesse » dans lequel elle était empêtrée avec les années Gotlib et consort… Je vous dis ça mais en fait, je n’en sais rien. Est-ce que les formules des anciens ne se perdent pas au fil du temps ?

Racines du rire

Visiblement, ce n’est pas le cas avec Les Vieux fourneaux. Pour rappel, cette série a presque reçu un quasi-plébiscite lors du prix des libraires 2014 (et pour la 2e fois consécutive au même scénariste d’ailleurs). Comme disait ma grand-tante Agathe : c’est dans les vieilles marmites… mais vous connaissez la suite. En lisant les deux premiers albums, j’ai immédiatement pensé à l’amour que l’on porte souvent aux vieux emmerdeurs dans les histoires en France. Les deux papys du Muppet show, les anciens du village corse d’Astérix et bien entendu, les héros de Les Vieux de la Vieille », roman de René Fallet adapté en 1960 par Gilles Grangier (avec Jean Gabin notamment). Trois vieux caractériels, une histoire bornée de bons mots et de franches rigolades…

Oui, je vous assure, il y a un air !

Oui, Les Vieux fourneaux, c’est exactement ça : des dialogues du tonnerre qui sentent le Michel Audiard, des quiproquos et des coups de sang pour finalement aboutir à une belle histoire d’amitié mais aussi de transmission avec la nouvelle génération – par le personnage de Sophie – qui semblent bien valoir la première. Au passage, les deux « pétages de plomb » en 4e de couverture proviennent bien du seul personnage féminin de – de 80 ans de cette histoire. Au bout du compte, on rit et on s’amuse avec ces personnages qui ne se refusent plus rien. Des dialogues et un scénario vraiment bien servi par un dessin comme seule la BD franco-belge est capable de sortir. Un dessin héritier des meilleures années Spirou où le réalisme s’accompagne de vraies caricatures (franchement nos héros ont des vrais gueules) tout en conservant un vrai dynamisme. C’est vraiment agréable, lisible tout en étant détaillé. Il y a parfois du Franquin dans le dessin de Paul Cauuet.

La place du vieux clown

Mais au-delà des apparences comiques, cette série ne propose pas uniquement une galerie de clown. Ses personnages ont une vraie histoire, positive ou négative, que chacun emporte avec lui. Ne pas profiter de leur expérience, de leur vécu, aurait été une vraie erreur de scénario. Cet écueil, Wilfrid Lupano l’évite avec beaucoup de maestria et en fait même le principal moteur de ses deux albums. Autre point fort, et je terminerai cette chronique (et l’année 2014) sur ce point, il ne s’agit pas ici de parler de vieux nostalgiques. Les personnages, même s’ils ont certaines préoccupations de leur âge, reste très ancré dans le monde actuel. Certes, il y a leur lien avec Sophie, la jeunesse prenant le relais un peu utopiste de leurs vieilles idées, mais ils sont toujours bien présent et tiennent leur rôle de vieux sages, de vieux philosophes… ou plus simplement de vieux emmerdeurs (oui, j’ai dit deux fois emmerdeurs dans cette chronique mais ils le valent bien). Bref, une place que l’on ne laisse plus beaucoup au 3e ou 4e âge aujourd’hui. Je pense en avoir assez dit pour cette série. Ouvrez, lisez, riez… On ne fait pas plus simple. Je n’aurais qu’un mot pour terminer cette chronique : bonne année 2015 à vous tous ! A lire : la synthèse des Kamarades de K.BD

Les Vieux fourneaux (2 volumes, en cours) Scénario : Wilfrid Lupano Dessins et couleurs : Paul Cauuet Editions : Dargaud, 2014 (12€) Public : Ado-adulte Pour les bibliothécaires : Prix des libraires 2014. Indispensable !

Mini-chronique

Mini-chroniques | Saucisse, patrimoine, rail et goodbye…

Quelques jours avant Noël, je vous propose une petite série de mini-chroniques, comme ça, sans prise de tête, juste histoire de se faire une petite synthèse de mes dernières lectures. J’ai lu beaucoup de choses mais pas forcément de quoi en faire une chronique intéressante… positive ou négative. Bref, rien qui me permettent d’argumenter un peu.

Du patrimoine en BD

On commence avec Les mystérieux mystères insolubles de Grégoire Kocjan (scénario) & Julie Ricossé (dessins) chez Les ateliers du Poisson soluble publié en 2014.

Cette série en 6 volumes (j’ai reçu les volumes 5 & 6 en service presse) propose de suivre les aventures des agents de la ZIZEMPC (Zorganisation Internationale et Zecrète des Enfants qui en ont Marre d’être Pris pour des Imbéciles) dans des enquêtes étranges à travers le patrimoine de la région Centre. Oui, ça ressemble bien à une commande. Les deux volumes que j’ai eu entre les mains ont pour cadre la ville de Blois et à la Cathédrale de Chartres.

Je dois avouer que je suis assez mauvais client de ce type d’ouvrage pédagogico-ludique. En général, ils sont assez mal fait. Sous couvert d’aventure, on nous propose des un discours bourré de poncifs et pénible comme la pluie. Dans le cas de cette série, je dois avouer que j’ai été plutôt agréablement surpris par les premières planches. Une histoire dynamique qui ne s’essouffle pas, un humour léger qui devrait plaire au plus jeune, quelques clins d’œil. Bref, ça s’assume.

De plus, l’éditeur a eu la bonne idée de proposer un format oblong assez surprenant avec une partie « histoire/BD » en haut et une bande « pédagogique/exposé photo » en bas. Un choix qui n’alourdit pas l’histoire et qui permet d’intégrer des éléments culturels intéressants. On peut facilement lire la partie BD et revenir plus tard à la partie photo et réciproquement. Côté graphisme, j’ai trouvé le dessin et le découpage plutôt intéressant, même si parfois un peu inégal sur certaines planches.

Cependant, le gros problème de cette série est la chute de chaque histoire. Pour les deux albums, j’ai eu deux fois la même réaction : une frustration devant l’impression de fin bâclée. Grégoire Kocjan arrive à nous emmener avec lui mais terminent son histoire en 2 planches quand il en aurait fallu 5 ou 6 de plus. Pour une fois qu’une série pédagogique pouvait s’avérer pas trop mal réussie, elle est gâchée par un final peu enthousiasmant. Je le répète, c’est vraiment dommage.

Boucherie, cocufiage et bande dessinée

On continue avec Crève saucisse de Simon Hureau au dessins et l’incontournable Pascal Rabaté  au scénario. Je n’oublie pas Claire Champion aux couleurs. Album publié en 2013 chez Futuropolis et qui avait fait un petit peu parler de lui à l’époque.

Si je pouvais résumer cette histoire en une phrase je dirais : il s’agit du récit de la vengeance d’un boucher cocu fan de BD. Et oui, tous les éléments sont importants.

Rabaté est vraiment un maître dans l’art de raconter les drames des gens du commun. Avec lui, pas de milliardaires bondissants ou de super-héros volants, Crève saucisse est le récit simple et déchirant d’un basculement d’un homme. Il met en scène un personnage particulièrement touchant. Un homme normal qui perd pied par trop de souffrance. Sa psychologie est remarquablement mise en place jusqu’au moment où… C’est subtil, simple mais subtil.

Côté graphisme, je ne suis pas un très grand fan du travail de Simon Hureau. C’est peut-être pour cela que je ne suis pas complètement entré dans cet album. En fait, je reste totalement hermétique  à son dessin car j’ai tendance à me perdre dans ses traits très compacts. Toutefois,  la couleur de Claire Champion réussit à rendre l’ensemble plus visible pour moi. Cependant, je trouve que le lien ne se fait pas vraiment avec le scénario.

Au final, un album à découvrir si vous aimez les drames sociaux… mais seulement si le dessin de Simon Hureau vous convient.

Cataclysme documentaire

Santetsu : 11 mars 2011 – Après le cataclysme de Koji Yoshimoto revient sur le drame japonais de l’année 2011.

Tout le monde connaît les conséquences du séisme qui a eu lieu au large du Japon en 2011. Les images du Tsunami qui ont ravagé l’archipel nippon ont fait le tour du monde. Sans parler de Fukushima. Dans ce cadre, la ligne de chemin de fer Sanriku, célèbre au Japon pour son charme, fut complètement ravagé par la catastrophe. Sorte de lien social pour toute la communauté, les ouvriers du rail ont décidé de la remettre en marche le plus rapidement possible. Ce manga-documentaire créé à partir de témoignages récoltés parmi les cheminots et les habitants racontent cette histoire.

Comme souvent après les drames, les créateurs s’approprient les histoires et les réutilisent pour raconter les évènements de leur point de vue d’artiste. Cinéma, littérature, bande dessinée, peinture, etc… Les œuvres sur le drame japonais ne manquent pas depuis 2011.Ici, Koji Yoshimoto, qui se met d’ailleurs lui-même en scène dans son manga, raconte la longue remise en marche d’un petit train. On ne peut qu’admirer cette solidarité et ce courage devant l’adversité. Peu de plainte, beaucoup d’action, de générosité et de patience. Les différents récits sont des exemples pour nous tous.

Côté artistique, je regrette juste le manque de créativité. C’est très classique, trop classique pour éveiller autre chose que de l’intérêt pour les histoires racontées. De plus, même si je ne suis pas d’une exigence folle avec les mangakas j’ai peu apprécié les dessins. Disons que c’est parfois à la limite du rétro, genre manga classique des années 70-80. Je n’ai rien contre ce style, mais en 2014…

Si on n’est pas trop exigeant sur la forme, le fond est vraiment à découvrir

Salut les artistes !

Pour finir, l’ultime volume de Bakuman de Obata et Obha chez Kana.

Ce n’est pas vraiment une chronique, même mini, mais plutôt un hommage à une shonen-manga qui se termine. Un manga sympa qui m’a tenu en haleine jusqu’au bout malgré ces 20 volumes. Beaucoup d’énergie et de qualité chez ces deux auteurs habitués au haut du panier (Death Note notamment…). J’en ai déjà suffisament parler pour ne pas revenir dessus. Vous pouvez retrouver nos chroniques.

Bref, un manga à découvrir pour découvrir d’une manière romancée (et un peu romantique) l’autre facette de la vie des mangakas !

Chroniques BD

Projet Crocodiles (Thomas Matthieu)

Pour les hommes c’est une sorte de légende urbaine colportée par des féministes castratrices, pour les femmes c’est une réalité dans la rue, au travail ou en soirée. Sifflements, insultes, provocations, propositions inconvenantes voire violences physiques, Thomas Matthieu propose sur son blog Projet Crocodiles de mettre en bande dessinée les histoires vraies de harcèlement et de sexisme ordinaire. Une leçon qui trouve un écho aujourd’hui en version papier.  Cela fait plusieurs mois que j’ai découvert le Projet Crocodiles et quelques temps que je souhaitais vous en faire part. Malheureusement (ou heureusement), l’actualité m’a rattrapé quand le 24 novembre dernier, les élus du conseil municipal de Toulouse ont annulé l’exposition autour de la bande dessinée Les Crocodiles prévue pour la Journée Internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes pour des raisons « d’immoralité » et de « vulgarité ». Pincez-moi… Le projet Crocodiles, c’est une idée simple : mettre en bande dessinée, à partir de témoignages reçus par l’auteur, des histoires communes de harcèlement et de sexisme. Alors oui, comme le soulignent les élus toulousains, l’immoralité et la vulgarité sont bien présentes dans ces pages. Mais elles sont surtout dans les situations, les réactions et les propos de ces fameux crocodiles. Beaucoup moins dans le travail de Thomas Matthieu. Car ces adaptations sont en revanche d’une grande sobriété. Il adopte un style graphique simple loin des canons du réalisme. Ce choix lui permet de garder une certaine distance. Et n’oublions surtout pas cette pirouette graphique qui donne le nom à ce projet. En effet, qui sont ces fameux crocodiles verts évoluant dans ce monde gris et blanc ? La réponse est aussi simple que l’idée : les hommes, tous les hommes. Doit-on y voir une stigmatisation de la gente masculine ? Oui et non. Oui, car nous sommes tous potentiellement des crocodiles. Sans forcément aller jusqu’à l’agression, n’avons-nous pas déjà eu un comportement douteux ? Et non, car par cette pirouette graphique, Thomas Matthieu ne stigmatise pas de populations. Ni grand, ni petit, ni blanc, ni noir, ni jeunes, ni vieux… Ainsi pas de polémiques inutiles et un vrai recentrage sur le vrai problème.  Au fil des pages, l’auteur aborde de multiples situations de la vie quotidienne. Des transports en commun du matin aux soirées étudiantes, de la rue à l’entreprise, à la maison, nous découvrons des situations aussi multiples que surprenantes. Mais sont-elles vraiment surprenantes pour les femmes ? Pas certain. Quoi qu’il en soit, le sujet déborde parfois la forme ou le style et de mon point de vue, cette mise en image, même si j’imagine que certains y trouveront de multiples défauts, m’a aidé à prendre conscience la réalité des femmes qui partagent ma vie de près ou de loin, les grandes comme les petites. Elle m’a aidée également à saisir les possibilités qui me sont offertes pour faire bouger les choses. Car il semble bien que la seule solution valable soit de réagir face à des comportements douteux. Les siens comme ceux des autres.  Pour que des évènements comme le décès de cette jeune femme d’origine turque en Allemagne ne se reproduisent pas. Tugce Albayrack, 23 ans, avait porté secours à deux jeunes adolescentes agressées par trois hommes dans un fast-food. La jeune femme turque avait à son tour reçu un coup de batte de baseball. Elle est décédée quelques jours plus tard. A méditer en lisant ce travail sur Internet ou sur papier, à Toulouse ou ailleurs. Cette chronique entre dans un appel lancé par mon amie Mo’, toulousaine de son état, pour une mise en lumière sur la blogosphère littéraire. Comme souvent, je réponds aux bonnes idées citoyennes. Celle-ci l’est assurément ! Merci !

Le Projet Crocodiles est d’abord un blog > http://projetcrocodiles.tumblr.com/ Et maintenant un album papier : Les crocodiles (one-shot) Adaptations et dessins : Thomas Matthieu Editions : Le Lombard, 2014 Public : Adulte (et pourquoi pas ados tiens ?) Pour les bibliothécaires : une BD citoyenne indispensable

Chroniques BD, Recommandé par IDDBD

Jane, le renard & moi (Arsenault & Britt)

Hélène est une fille à peine sortie de l’enfance qui subit harcèlement et intimidation de la part de ses « amies d’écoles ». Heureusement, pour l’aider à surmonter sa solitude, elle se réfugie dans le monde de Jane Eyre, dans le réconfort de sa mère et dans son imagination débordante. Avant de commencer cette chronique je tiens à remercier mes camarades de KBD qui m’ont poussé à relire Jane, le renard & moi sur lequel je m’étais arrêté distraitement il y a quelques mois. Fatigué, mal luné ou que sais-je ? J’avais lu et n’avais pas trouvé dans ces pages l’œuvre époustouflante dont tout le monde parlait. Je refermais donc l’album et passais à autre chose. A vrai dire, je suis peut-être un sombre blogolecteur de mauvaise foi mais il devait quand même me rester un soupçon de doute quand Mo’ proposa cet album à la lecture pour une future synthèse de KBD. Je m’inscrivais donc sur la liste en me disant qu’il faudrait bien une voix dissonante pour donner un peu de fil à retordre au rédacteur de la synthèse dominicale. Ainsi, installé sur mon canapé, je me replongeais dans la première bande dessinée du duo Isabelle Arsenault et Fanny Britt. Immédiatement, la magie opéra, m’emmenant dans cette école très commune où une enfant très commune se retrouve dans une situation, elle aussi, des plus communes. Retour vers le futur… et les mots de la petite Hélène, unique narratrice de l’histoire, qui résonne dans mon esprit. Ce sentiment de rejet que, vous, moi, elle, avons tous un jour connu avec plus ou moins de force. Et la cruauté des enfants. Et l’envie de trouver une échappatoire à l’ordinaire stupide et méchant. Les textes de Fanny Britt sont d’une justesse incroyable et prennent leurs aises grâce au travail d’illustration remarquable d’Isabelle Arsenault. Avec son utilisation très surprenante d’une couleur capable d’éclater au milieu d’un océan de gris, elle réussit à créer l’atmosphère nécessaire à l’épanouissement des mots. Une véritable osmose se créent naturellement entre les deux auteurs. Quand Hélène parle, le dessin d’Isabelle absorbe les non-dits, les descriptions, tout ce qui pourrait « polluer » ou alourdir le texte de Fanny. Mais quand le texte laisse toute la place, alors c’est une puissance créatrice – celle de l’imagination –  qui se réveille avec des doubles pages fantasmagoriques qui entrainent encore un peu plus le lecteur dans ce monde à la fois fabuleux et réaliste. Cette osmose entre les éléments graphiques et narratifs crée un album particulièrement fort, et surtout très juste. Tour à tour ou ensemble, les deux auteurs savent jouer sur les rythmes, sur la finesse des sentiments, sur les petits riens qui, sans être explicites, font toute la différence entre une simple histoire et un récit qui touche profondément. Et pourtant, si peu d’effets de style ! Beaucoup de simplicité – ou en tout cas d’épure – dans une forme qui définit pour moi toutes les qualités de la bande dessinée québécoise et plus largement nord-américaine. Si on connait depuis longtemps les qualités des auteurs américains, leurs cousins canadiens n’ont rien à leur envier. Avec un vrai souci du récit intime loin d’un nombrilisme de plus en plus pénible dans la BD européenne (dois-je vous reparler de Paul ?), une qualité graphique indéniable (ou de Jocelyn Houde ?), une forme d’autodérision et de fantaisie (au hasard Rémy Simard), on peut admettre qu’il se passe des choses Outre-Atlantique. Pour terminer sur Jane, le Renard & Moi, on ne peut être qu’admiratif devant ce travail d’une réelle justesse et d’un équilibre parfait. Un album qui saura toucher grand, petit, moyen, un travail à montrer aux apprentis auteurs. Ce récit parlera aux jeunes collégiens mal-à-l’aise dans leur peau, à leurs parents qui ont connu cela, à ceux qui l’ont fait subir aussi. Et puis, comme le monde n’est pas si noir, cette fable moderne a sa morale. Là aussi tout en naturel et en simplicité. A lire : les chroniques de Mo’, Lunch, Badelel et Bidib A découvrir : la fiche album sur le site de La Pastèque

Jane, le Renard et Moi (one-shot) Scénario : Fanny Britt Dessins : Isabelle Arsenault Editions : La Pastèque, 2012 Public : Tout public Pour les bibliothécaires : Vous ne l’avez pas encore ? En ados, en adultes, en jeunesse… ou vous voulez mais achetez-le ! Et faites ce qu’il faut pour le faire sortir !

Chroniques Cinéma

Silence Radio (Valéry Rosier)

Depuis 1983, Radio Puisaleine émet entre l’Oise, l’Aisne et la Somme. Ils sont 30 bénévoles à maintenir cette station de radio locale tournée vers la musique française et les informations. Mais bien plus qu’un simple média, Radio Puisaleine crée un lien social fort dans la communauté. Valéry Rosier va au-devant des auditeurs et des animateurs dans un film à la fois léger et décalé. Parfois, on reproche au cinéma documentaire de n’aborder que des thèmes négatifs : guerre, chômage, violence, mal de vivre… Si ce cinéma se nourrit en partie des difficultés du monde il sait, au détour d’une séance, nous faire également découvrir des films de qualité au sujet plus légers. Ainsi, Silence Radio plonge le spectateur dans la réalité d’une petite radio tenue par une armée de bénévole mais aussi, et c’est là tout l’intérêt de la démarche de Valéry Rosier, dans le quotidien de ceux qui les écoutent. Pour montrer ce double visage, le réalisateur belge propose un montage dynamique tout en équilibre entre plans filmés à la radio et lieux d’écoute (salons, salle de bains, voitures…) avec toujours ce souci de placer l’humain et son environnement au centre de l’écran. En fil rouge de cette aventure cinématographique, les sons de Radio Pusaleine et une bande originale de référence dans le genre (je suggère au producteur d’éditer la BO, je pense que ça devrait marcher. Grâce à ce procédé, nous sommes immédiatement frappés par ce lien fort qui unit les deux groupes : lL’un derrière le micro, l’autre derrière son poste de radio. Dans les grésillements d’un matériel d’émission à la dérive (lâchera, lâchera pas ?), la vie des uns et des autres est marquée par les appels téléphoniques à la station, les dédicaces et la musique française gentiment désuète de ces « années-là ». Car Radio Puisaleine n’est pas une radio de « djeun’s », ni même une radio libre version année 80, mais plutôt, à l’image de ses animateurs et de ses auditeurs, une élégante vieille dame qui propose des moments d’amitiés, d’écoutes et de partages. Une radio de proximité pour âme seule. Dans cet  émouvant portrait, Valéry Rosier est comme le petit-fils taquin de cette vieille dame : il l’aime bien et apprécie de la chahuter un peu. Ainsi, on rit avec tendresse devant des conversations improbables, des entretiens radiophoniques d’un autre âge ou des couacs techniques qui feront pâlir les professionnels. Mais voilà, il y a tellement de belles volontés qu’invariablement on s’attache à ces gens-là. Personnellement, je retrouve dans ces bénévoles radiophoniques les mêmes petits écarts, les mêmes petits défauts et surtout la même énergie que chez les bénévoles de bibliothèques. Au final, un film sympathique à la réalisation très propre qui vous mènera dans le petit monde de la radio associative, dans la nostalgie des chansons d’antan, dans un univers en décalage… un petit peu de simplicité dans un monde complexe. Un peu de bonheur quoi ! A noter que ce film a reçu le FIPA documentaire 2013. A écouter (en streaming) : Radio Pusaleine évidemment ! A lire : la fiche sur Need Productions

Silence Radio Réalisateur : Valéry Rosier Durée : 52′ Productions : Need Productions / Perspective films Année de production : 2013

Chroniques BD, Recommandé par IDDBD

City Hunter (Tsukasa Hojo)

Quand vous n’avez plus d’espoir, que la justice ou la police ne peuvent plus vous aider, alors laissez le message XYZ à la gare de Shinjuku. Car dans la jungle du quartier tokyoïte, le duo City Hunter règle les affaires sensibles. Derrière ce pseudonyme se cache le sage Hideyuki Makimura et l’exubérant Ryo Saeba. Un duo de choc dans une ville menacée par les cartels de la drogue sud-américains.

De Nicky à Ryo

City Hunter est surtout connu par le grand public grâce à son adaptation TV : Nicky Larson. Si cette version française a rendu service à la série et à l’introduction du manga en France en étant l’un des grands succès de la génération Club Dorothée (de 1987 à 1991), elle a également contribué à donner une image très décalée de l’œuvre originale. La faute à une censure et à un doublage farfelue qu’on hésite à qualifier de mythique ou de summum du ridicule. Il fallait donc se replonger dans le manga publié de 1986 à 1992 dans le Jump pour découvrir les  aventures originales de Ryo Saeba. Pour le replacer dans l’histoire du manga, il faut se rappeler que les années 1970-1980 sont un peu l’âge d’or de la bande dessinée japonaise contemporaine. Les jeunes auteurs nés dans les années 50 ou 60 bénéficient des avancées artistiques des pionniers d’après-guerre et font preuve eux-mêmes d’une grande créativité. Dragon Ball, Akira, La Rose de Versailles et City Hunter font partie des réussites majeures de cette période.

Schizophrénie à la japonaise

Le succès et le ressort même de cette série reposent sans conteste sur la personnalité de Ryo Saeba, le fameux « nettoyeur ». A la fois loup solitaire et joyeux drille, grand professionnel et détraqué sexuel, il est surtout clown qui cache sa sensibilité sous le couvert du n’importe quoi. En fait, l’apport même de City Hunter à la bande dessinée japonaise est justement la popularisation d’un héros porteur du fameux double héritage culturel (cf la première partie du texte de la formation manga). Ryo Saeba est à la fois la figure du samouraï chère à la tradition noble et bourgeoise de l’ère Edo, mais il est aussi l’héritier des personnages de récits populaires bénéficiant d’un rapport au corps très libre. Cette liberté est d’ailleurs souvent une source d’incompréhension pour le lecteur occidental de manga.  Ainsi, le lecteur de City Hunter sera constamment balancé entre scènes d’actions sérieuses et moments franchement décalés où sexualité et ridicule sont la règle. Comme symbole, le fameux Mokkori, instant de grâce ultime où Ryo Saeba réagit de manière très masculine à une situation d’excitation particulièrement érotique (pour lui). Bref, pour ceux qui ne connaissent pas… je vous laisse découvrir.

Belles formes et actions : l’art de Hojo

Durant 32 volumes, soit 336 chapitres, le cowboy au grand cœur fera régner la justice face à des adversaires toujours renouvelés à coup de gros flingues (Freud mon ami !) et de coup de poing. Même si globalement les ressorts sont toujours un peu les mêmes, Tsukasa Hojo a su entourer son personnage principal d’une galerie de second rôle tout à fait croustillant. En tête, ce faux second rôle qu’est Kaori (la fameuse Laura de l’adaptation TV française). La sœur de Hideyuki entre tragiquement dans la vie de Ryo. Sous ses airs de garçon manqué, elle prend une place prépondérante dans la série. Si City Hunter est un polar, l’auteur y fait entrer une histoire d’amour. Qui a dit que les garçons (public cible de ce manga à la base) n’aimaient pas les romances ? Cependant, cette dernière est bien cachée par le côté ouvertement érotique de la plupart des protagonistes féminins secondaires. Ce côté « belle forme » est une marque de fabrique chez Hojo. Pour rappel, il est également le créateur de jolies voleuses de Cat’s eyes. Ce choix assumé est particulièrement efficace grâce à l’approche réaliste de son dessin. En effet, il a su intégrer les codes graphiques du manga hérité de ses aînées tout en développant sa propre forme. Ainsi, on oublie (un peu) les caricatures et les grands yeux pour des personnages fortement sexués et des décors réalistes. Gardant un découpage très nerveux, Tsukasa Hojo donne beaucoup de rythme à ses aventures, ménageant avec efficacité moments d’actions et de rigolades. Et c’est vrai, on rit beaucoup tout en étant pris par les histoires (environ deux par albums). Pour conclure, un classique… et quel classique ! Bénéficiant d’une image brouillée en France, City Hunter n’en demeure pas moins une œuvre importante du shonen manga (même si je le conseille plutôt pour un public plus adulte). A la fois drôle et bourré d’action, ce manga a ouvert la voie à des personnages de « clowns nobles » (Eikichi Onizuka de GTO par exemple) et montre toutes les qualités graphiques et narratives d’un auteur incontournable. Bref, à découvrir… ou redécouvrir !

City Hunter (32 volumes, série terminée) Dessins et scénario : Tsukasa Hojo Editions : Panini, 2005-2012 (10€) Editions originales : Shueisha, Tokuma Shoten, 1986-1992 Public : Adulte Pour les bibliothécaires : Considéré comme un shonen (public ado garçon) à sa sortie. Pour moi un indispensable en rayon adulte. Sous réserve de pouvoir acheter les 32 volumes. Mais bon… un classique quand même !

Chroniques Cinéma

Pilules Bleues (TV) | Jean-Philippe Amar

JB est un jeune dessinateur de bande dessinée. Un soir du nouvel an, il rencontre Laura. Ils tombent amoureux. Mais rapidement, elle lui annonce sa séropositivité. Commence alors le début d’une histoire d’amour pas tout à fait comme les autres, une histoire qui débouche des années plus tard sur une bande dessinée…

Avant-propos : chronique d’un aficionados

Vendredi 26 novembre, je me suis assis devant mon poste de télé. Il était 20h50 environ. J’attendais avec une certaine fébrilité l’adaptation de Pilules Bleues, MA bande dessinée culte. Je ne vais pas encore une fois répéter tout l’amour que j’ai pour cette œuvre. A chaque relecture, je suis toujours bouleversé par la justesse du propos, la qualité d’écriture et bien entendu la science de la BD étalée par Frederik Peeters. Mais ça, je le répète depuis des années maintenant et plus personne ne sera étonné de mon point de vue. Nous avons ici l’un des plus grands auteurs contemporains du 9e art.

J’ai bien conscience que ce point de vue brouille mon impression sur ce téléfilm. Toutefois, je ne peux m’empêcher de porter un regard sur ce que j’ai vu. Parce que ce livre est important pour moi.

Anti-personnages

Donc que dire ? Déçu. Agacé aussi. Déçu par cette impression que le réalisateur, les scénaristes, la production ou je ne sais qui sont passé à côté du livre, qu’ils n’ont pas compris. Agacé que le cinéma/télévision soient souvent incapables de faire confiance aux qualités d’un auteur de bande dessinée.

Quand la Cati originale était une personnalité d’une force intérieure rayonnante, un soleil malgré ses difficultés, Laura est sombre et sans vie. Quand Fred était un personnage tout en nuance, en interrogation et en présence, JB est fade et sans profondeur. Quant au médecin, personnage fondamental du roman graphique, le pygmalion dont les interventions sont rares mais décisives… Soupir… Là encore, incompréhension. Il était humain, haut en couleur, original. Ici, c’est un acteur jouant un clone de médecin ânonnant les textes originaux avec la même force qu’un second rôle dans un épisode de Navarro. Il y a si peu de vie dans ces apparitions qu’on doute sérieusement de sa capacité à changer le regard des héros.

Ce personnage est vraiment représentatif de cette adaptation.

La subtilité, c’est comme le rhinocéros blanc…

Quand Frederik Peeters restaient dans le domaine de l’intime, jouant sur les subtilités et les interrogations du personnage, Jean-Philippe Amar explose tout cela. Le VIH rentre dans l’école, dans la famille, dans le travail. Pilules Bleues parlait d’amour, la télévision évoque un petit manuel du « vivre avec la maladie en milieu urbain ». Réussir à rendre cette histoire presque banale était un vrai exploit.

D’ailleurs, j’ai vraiment eu du mal à accrocher à l’ensemble, le jeu très moyen des acteurs déjà évoqué en est une cause mais la qualité de réalisation ne rend pas non plus hommage au travail d’écriture de Frederik Peeters. Franchement, cela manque de subtilités. Outre les textes originaux repris à la pelleteuse, les situations s’enchainent sans liens à coup d’effets répétitifs et lourds. Musiques, cadrages approximatifs, photographie rarement merveilleuse. Si le réalisateur a eu l’idée d’intégrer des dessins de l’auteur, les séquences animées tombent plutôt comme un cheveu sur la soupe.

Contenu inédit et savoureux clichés

Alors c’est vrai, l’adaptation respecte grosso-modo l’histoire originale. Elle y intègre même des éléments tout à fait inédit  abordé dans d’autres livres de Peeters. Outre un focus sur le fils de Cati et la naissance de leur fille, on découvre le monde de la bande dessinée, milieu professionnel de JB.

Mais bon [soupir n°2], la vision pourra faire grincer les quelques dents qui restent aux auteurs de BD avec un côté très « c’est pas un métier mais une passion » (d’ailleurs cette phrase fait partie d’un dialogue dans le film, priononcée par Laura elle-même).

J’aime également la séance de dédicaces faites dans une librairie chic ressemblant plus à un vernissage d’expo où l’auteur signe ses livres sans même jeter quelques traits, sans dialoguer avec ses lecteurs. Les bédéphiles suisses seraient-ils différents des français ? Peut-être. Ajoutons la subtile histoire de non-amour avec l’éditrice qu’on n’avait jamais vu venir… Bref… Subtilité est le maître mot de cette chronique.

Pour conclure, encore une fois, je suis le premier à déplorer ce qui est pour moi un vrai échec. Le format télévision/cinéma est passé à côté de l’essence même d’une œuvre majeure de la bande dessinée des années 2000. Ce n’est pas la première et certainement pas la dernière fois. A croire que les deux médias, quoique vaguement cousins, sont incapables de se comprendre. A l’annonce de l’adaptation du Combat Ordinaire, j’ai très peur. Pour en revenir à notre sujet, j’espère seulement que cette adaptation donnera à certains l’idée d’ouvrir Pilules Bleues, de le lire et d’en apprécier toutes les qualités du grand livre qu’il est. A défaut d’être un grand film.

PS : le premier qui adapte Lupus, je lui mets mon poing dans la figure !! 😉

Pilules bleues
d’après la bande dessinée de Frederik Peeters
Réalisateur : Jean-Philippe Amar
Scénario : Jean-Philippe Amar, Charlotte Sanson
Avec : Guillaume Gouix (Jean-Baptiste), Florence Loiret-Caille (Laura), Benjamin Bellecour (Guy), Timothé Vom Dorp (Oscar à 6 ans), Emmanuel Salinger (le docteur Fremont)
Durée : 105′

Chroniques BD

In God we trust (Winshluss)

Saint-Francky, saint patron des amateurs de houblons et de bandes dessinées, nous racontent la merveilleuse aventure de la Bible. Dieu, Jésus et toute la bande vous attendent dans un livre à la fois fin, didactique et intelligent. Un livre à recommander en classe de catéchisme.

God is back… alleluia !

Après avoir tordu le cou à Pinocchio dans un des meilleurs albums des années 2000 (voire du siècle, facile on est au début) joué avec la mort dans son Death Club, raconté les aventures de Monsieur Ferraille, Winshluss revient avec un livre dont lui seul – et les Requins Marteaux – ont le secret.

Reprendre la Bible, surtout quand on fait dans l’humour en BD, c’est un peu un classique. Avant lui, des noms aussi illustres que Gotlib, Franquin (dans ses Idées Noires) ou plus récemment Robert Crumb (dans une Genèse très sage) s’y sont attelés. Cependant, je ne sais pas si l’un de ces auteurs a atteint un tel niveau dans la parodie volontairement crade et iconoclaste.

Si vous êtes un fervent chrétien pratiquant, amateur des messes en latin, incapables de recul et très chatouilleux sur les respects des icônes, oubliez ce livre. Oubliez cette chronique et, s’il vous plaît oubliez ce blog également. Encore une fois, je suis totalement réceptif à cet humour salement noir développé par cet auteur. Je n’y peux rien. Je suis sans défense face à ce démon.

Le ton est immédiatement donné par ce Saint-Francky, plus proche du pilier de bar que de la statue des églises. La Bible, Ancien et Nouveau Testament vont en prendre un sacré coup. Cette idée est confirmée avec l’arrivée de Dieu : cyclope, auréole en forme de triangle et look de biker. En fait, c’est le frère caché de Chacal, le père dans Litteul Kévin. Je passe sur les réinterprétations douteuses de l’histoire officielle qui – ne nous cachons pas – rend la Bible beaucoup plus intéressante du point du vue du mécréant que je suis. C’est méchant, drôle, irrévérencieux, souvent cruel mais tellement, tellement jouissif.

Virtuosité & bon goût

Outre ce côté parfaitement iconoclaste qu’on lui connaît, Winshluss fait encore l’étalage de tous ses talents d’illustrateur. Même s’il n’atteint pas vraiment le niveau de maîtrise graphique (et narratif) de Pinocchio – mais peut-on lui en vouloir vu la totale réussite de cet album –  il nous sert des pages de très haute volée. Il varie les formes, les approches, joue avec les styles graphiques, parodiant les œuvres religieuses classiques ou les comics (il y intégre Zombie, Super-héros et même un barbare bien connu en guest star) et montre encore une fois son érudition en matière de 9e art. Winshluss sait (presque ?) tout faire.

Afin d’ajouter un petite touche de surprise supplémentaire, il a convié son ami Cizo (avec qui il avait réalisé Monsieur Ferraille) pour réaliser les publicités parodiques qui ornent ce livre et se glisse entre les différentes histoires de longueur très variable. Je ne peux que remercier l’approche ouvertement trash de cet invité qui participe aux multiples ruptures de rythme de l’album. Je suis rarement choqué mais je dois bien avouer que j’ai encore du mal à me remettre de la pub « Lubrifiant Vatican »… Je vous laisse la surprise.

Pas besoin d’en faire trop pour vous inciter à lire cette relecture très irrévérencieuse de la Bible. Si, comme moi, vous sifflotez le Mécréant de Georges Brassens avec un certain plaisir. Je ne peux que vous conseiller In God we trust. Sinon, passez votre chemin sans même vous retourner. Même les religieux les plus libéraux risquent d’en prendre plein les yeux. Mention encore une fois spéciale aux Requins Marteaux pour la très belle édition.

In god we trust (one-shot)
Scénario et dessins : Winshluss avec la participation de Cizo
Editions : Les Requins Marteaux, 2013
Public : Adulte, assurément adulte
Pour les bibliothécaires : Pour les petits fonds, je préfère Pinocchio. Pour les moyens ou les grands ce n’est pas indispensable mais fortement recommandé.

Chroniques Cinéma

Dans leur jeunesse, il y a du passé (Elsa Oliarj-Inès)

Elle a vécu et grandi avec eux avant de choisir de partir pour étudier en ville, découvrir autre chose. Elle était dans les montagnes de La Soule, au milieu du pays Basque. Elsa est partie, ses amis sont restés. Pourquoi ? Pourquoi décide-t-on de rester ? Par choix ou parce que ça va de soi ?

« Il faut avoir un pays, ne serait-ce que pour avoir le plaisir d’en partir. Un pays ça veut dire ne pas être seul et savoir que chez les gens, dans les arbres, dans la terre, il y a quelque chose de nous qui même quand on n’est pas là, nous attend patiemment ». Ces mots empruntés à Cesare Pavese (La lune et les feux) sont les premières paroles prononcées par la réalisatrice elle-même. Véritable fil rouge de ce film, cette voix off nous sert de guide dans ce pays qui semble un peu hors de ce monde contemporain, urbain, où l’on prône mobilité et vitesse.

Pourquoi ses amis sont-ils restés dans leur région natale ? Pour chercher une réponse, elle parcourt les magnifiques paysages basques, filme ses amis entre eux, en famille, dans leurs activités et montre dans le même temps cette fameuse culture basque. Sans jamais tomber dans une démonstration d’un régionalisme exacerbé digne de la balade des gens qui sont nés quelque part de Georges Brassens, la réalisatrice montre tout ce qui unit ces jeunes adultes à une culture bien vivante. Au-delà des traditions, c’est bien un art de vivre qui est transmis de génération en génération. Et si certains, comme elle, s’interroge ou se sont interrogés sur l’opportunité de départ, d’autres ne se posent même pas la question. « Parce que je suis bien » explique l’un d’entre eux. « Parce qu’il n’aurait pas pu faire de rugby à Marseille ou à Lyon » répond le père d’un autre. On sourit devant cette logique évidente.

Mais en contrepartie, Elsa Oliarj-Inès montre aussi le poids de cette société et de cette forme de « contrat social » à remplir pour « être d’ici ». On ressent entre les mots la difficulté de porter cet héritage et le tiraillement entre les univers. Une sociabilité obligatoire symbolisée par ces fêtes du samedi soir, répétitive mais liant les membres d’une même génération.

A seulement 24 ans, Elsa Oliarj-Inès signe un film d’une grande maîtrise. (photo : Gilles Choury)

Au bout du compte, je salue le beau travail de réalisation conclut par une très belle scène finale très révélatrice. Ce film trouve un équilibre entre l’environnement et l’humanité des personnes filmés. Je n’oublierai pas non plus le très bon travail d’écriture avec des textes à la fois sobres et justes. Faire un film de cette qualité à seulement 24 ans promet de belles choses pour l’avenir. J’aime l’idée, malgré l’ethnocentrisme logique vu le sujet, de cet écho qui résonne en chacun d’entre nous. Qu’importe nos origines mais qu’est-ce qui nous attache (ou non) à notre région natale ? S’il ne cherche pas véritablement à cette question, Dans leur jeunesse, il y a du passé donne des pistes à explorer.

A voir : la fiche du film sur Zaradoc
A lire : un portrait de la réalisatrice sur EHKZ

Dans leur jeunesse, il y a du passé
Réalisateurs : Elsa Oliarj-Inès
Durée : 52
Production : Zaradoc films / France TV / Aldudarrak bideo
Année de production : 2014

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