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Chroniques Cinéma, Recommandé par IDDBD

Chronique | Pleure ma fille tu pisseras moins (Horovitz)

On ne naît pas femme, on le devient… On ne naît pas femme, on le devient… D’accord, Mme de Beauvoir mais est-ce vraiment la vérité ? Pauline Horovitz demande à voir. Pour cela, elle ne va pas traverser le monde, mais se pencher sur sa propre condition et celle de sa famille. Elle interroge donc tantes, nièce, sœur, mère, cousine mais aussi père, oncle et frère car après tout, sont-ils contents d’être ce qu’ils sont ?

Voix, fil & image

Le titre lui-même, faisant référence à une expression très en vogue dans la tradition populaire, est déjà tout un programme. Il est remarquablement choisi car il donne immédiatement l’esprit général voulu par la réalisatrice. S’il aborde un sujet assez explosif en ce moment – la fameuse notion de  genre –  ce film a le bon goût de ne jamais se prendre au sérieux. Ce n’est pas une étude sociologique, ni scientifique, c’est juste une photo cinématographique qui, paradoxalement, est suffisamment drôle, légère et surtout ironique pour attirer notre attention.

Cet humour et cette légèreté tiennent beaucoup à la voix off. Récitée sur un ton très régulier voire monocorde par la réalisatrice, elle bénéficie d’une écriture particulièrement soignée. Par son intermédiaire, Pauline Horovitz tisse un lien entre tous les événements de son film et donne une identité originale au récit. Cette voix et cette image accompagnent les spectateurs durant les interviews, les images d’archives familiales ou les photos personnelles qui défilent sous nos yeux. Elle décrit les expériences, les impressions d’enfance et décryptent pour nous les codes familiaux. A la fois drôle et émouvant, ce petit texte illustre et est illustré par les images. Les deux se répondent et permettent de ménager des effets sympathiques car quand ce n’est pas le montage qui surprend c’est le texte qui fait réagir. Et quand on sait que Pauline Horovitz avait songé à la bande dessinée…

La familia !

Pour faire son film, elle n’a pas hésité à lancer devant la caméra sa propre famille. Elle l’avait déjà fait dans deux films courts (Polanski et mon père, Les toilettes sèches) avec beaucoup de bonheur. Ainsi, elle se lance dans des interviews à tout rompre, avec des questions aussi existentiels que : « Papa, aurais-tu aimé être une femme ? ». Vaste programme qui trouve peu à peu son intérêt dans les pirouettes du récit. Comme tout bon documentariste, Pauline Horovitz trouve son chemin à travers le discours, réussi à nous intéresser à ce qui pourtant nous importerais normalement assez peu : sa famille. Elle nous fait pénétrer dans leur schéma, nous emmène avec eux dans leurs lubies, leurs petites folies sans pour autant avoir l’impression de voyeurisme. A un certain moment, on s’identifierait presque en oubliant vite qu’il s’agit d’un documentaire tant l’histoire nous porte, tant l’histoire progresse, tant elle finit par nous accrocher.

A la fin, on sourit beaucoup et sans s’en rendre compte, on s’interroge aussi. On passe ainsi du personnel à l’universel par la magie d’un film très réussi. Un très bon documentaire à voir d’urgence !

A voir  : un extrait sur le site de Quark Productions
A écouter : l’interview de Pauline Horovitz sur le site de France Culture
A voir (encore) : un court-métrage intitulé Mes Amoureux sur ArteTV

Pleure ma fille, tu pisseras moins
un film de Pauline Horovitz (France)
Durée : 52min
Année : 2011
Production : Quark & Arte France
Prix du public CorsicaDoc 2012

Chroniques BD, Recommandé par IDDBD

Chronique | En chienneté (Bast)

En chienneté… être traité comme un chien… Cette expression est le point de départ du témoignage d’un auteur de BD venu animer un atelier dessin dans le quartier pour mineur de la prison de Gradignan. Rencontre improbable entre deux mondes qui se côtoient sans jamais véritablement se lier. Un album témoignage à la fois riche et modeste sur une parcelle de la vie de prisonniers.

Vers l’intérieur

J’ai rencontré Bast au festival d’Angoulême cette année (souvenez-vous) en faisant confiance à Mo’ et à ses toujours bonnes chroniques. Je n’avais pas lu son album et pourtant l’échange s’était fait autour de nos activités respectives. La sienne, couchée sur du papier, était à la fois du domaine du présent et du passé (avec pas mal d’avenir mais chut). La mienne commençait juste puisque j’avais le privilège d’intervenir dans le cadre de mes missions dans une maison d’arrêt. Le privilège de passer derrière ce mur. Oui, j’ai bien dit « privilège ». Bien entendu, il serait malvenu de comparer nos deux expériences. Car, ce monde « du dedans » est bien plus varié qu’on ne l’imagine. Mais c’est tout de même avec un regard différent que j’ai ouvert cet album. Et j’ai aimé ce que j’y ai trouvé. Beaucoup.

Tout d’abord, j’ai été frappé par la grande modestie de l’ensemble. Les planches sont composées presque exclusivement d’un gaufrier simple de 6 cases, donnant un rythme continue à la narration. Parfois, quelques pleines pages viennent casser cette cadence, renforçant leur impact. Le message est simple :  nous sommes dans la description des hommes, dans l’observation d’un lieu, d’un mini-théâtre où se joue une pièce, entre intimidation et confidence. Paradoxalement, cette absence voulue d’effet donne du sens. Bast pose un regard sans jugement et prend une certaine distance face aux détenus. On sent sa position d’intervenant, il pose une barrière symbolique entre sa vie et celle de ce monde intérieur aux règles établies et forcément très dures.

 

Art/Mur

Mais cela n’empêche pas l’empathie et même une certaine forme de tendresse. Par dans ses approches graphiques et narratives tout en retenu, il montre un vrai talent pour décrire l’esprit de ces jeunes hommes, entre gros durs et petits garçons perdues… Certaines figures frappent même profondément. On pense à Jérôme, souffre-douleur de ses camarades, condamné pour homicide. La victime avait tenté de le violer…

Les scènes se passent presque toutes au moment de l’atelier. Cet instant apparaît comme une bulle bien fragile face à un univers carcéral qui y pénètre constamment sous la forme d’un surveillant, de paroles mal contrôlés. Les lecteurs, les protagonistes et l’auteur lui-même n’oublient jamais le lieu. Et puis, l’atelier n’est finalement qu’une activité parmi d’autres dans cette ruche qu’est une prison. Les absences des détenus pour différentes raisons (parloirs, travail, jugement) renvoient l’intervenant à sa propre solitude, à sa propre impuissance. Malgré tout, Bast porte son petit monde avec toute l’énergie possible et tente, tel Sisyphe avec son rocher, de se battre contre l’impossible. Au détour d’une planche, on perçoit un espoir, une petite lueur, un moment qui aurait peut-être changé quelque chose. Rien n’est perdu, tout est toujours bon à prendre dans ce lieu, mais tout est constamment à recommencer.

Finalement, sous un aspect d’une grande simplicité, En Chienneté est un album profondément touchant. Il donne des visages de papier à ces prisonniers perçus uniquement comme des statistiques dans des rapports sur l’état déplorable des prisons française. C’est un témoignage tout en subjectivité, mais pour moi, il s’agit d’un album citoyen que je conseillerais à toutes personnes faisant un jour office d’intervenant dans un lieu de détention. Un album réussi et humaniste. Pour comprendre. Un peu.

A lire : les chroniques de Zaelle et Mo’
A découvrir : le blog de Bast (à voir la vidéo portrait sur la droite)
A voir : la fiche-album sur le site de La Boite à Bulles

En chienneté : tentative d’évasion artistique en milieu carcéral (one-shot)
Scénario et dessins : Bast
Editeurs : La Boîte à Bulles, 2012 (16€)
Collection : Contre-Coeur

Public : adultes, intervenants en milieu carcéral
Pour les bibliothécaires : du très très bon témoignage et ce n’est pas si fréquent que ça dans le genre.

Infos du jour

Info du jour : mort de Didier Comès

J’avais prévu une chronique ce soir mais certains événements demandent qu’on s’y attarde.

Voilà, après Sergio Toppi, Jean Giraud et bien d’autres, nous voici orphelins de Didier Comès. Les artistes ne sont pas des gens comme nous mais ils meurent aussi bien que les autres visiblement. Journée grise pour le monde de la bande dessinée. Je ne pense pas à celle des filles en culottes se battant sur des reptiles volants ou des héros en smoking suant sur d’improbables rebondissements. Non, je parle de la bande dessinée amoureuse des grandes histoires, héritières de grands conteurs, celle qui aime évoquer mille sentiments par une simple ligne noire sur une page blanche. Cette bande dessinée lui doit beaucoup et je pense qu’elle a aussi un coup de blues ce soir.

On pourra s’attarder longtemps sur la bibliographie pléthorique de ce grand monsieur. Certains blogs et magazines web le feront mieux que nous. Moi, je me souviens de cet Angoulême 2013 avec cette exposition fabuleuse quoique reléguer au sous-sol du théâtre. J’étais un gosse devant ces planches, voir les coups de pinceaux, les retouches, les ajouts, les traces blancs pour cacher les erreurs et cette évolution dans ce trait, et ces visages impressionnants par leur présence .

Relire Comès en ayant en tête tout ce que son travail a pu apporter aux auteurs et aux lecteurs que nous sommes, c’est déjà lui rendre hommage.

Merci Monsieur.

Humeurs & blog

Blog | Angoulême #3 Rencontres avec…

Angoulême est la plus grande librairie BD de France. Ceux qui en doutent devraient venir y jeter un œil. C’est impressionnant à tel point qu’on se demande parfois si nous ne sommes là que pour ça : acheter des livres, chasser la dédicace. Je suis mauvais langue car c’est la plupart du temps une rencontre agréable. Moins personnelles, les rencontres internationales sont aussi des moments importants. Mais cette année, le hasard m’a plus poussé à la dédicace. Je ne suis pas un chasseur mais j’aime en profiter quand l’occasion se présente (en gros moins de 3 personnes dans la file devant moi). Donc, sur le chemin j’ai rencontré…

Jason, Bast, Anthony, James, Ted, Gyll et les autres

Évidemment, mon choix se porte plus naturellement vers Le Nouveau Monde, la bulle des éditeurs indépendants (les gros requins ne fricotent pas avec les petits poissons, c’est bien connu). Chez Cambourakis, dès le jeudi soir de mon arrivée, c’est une double dédicace de Jason Shiga qui m’attend. Aussi francophone que je suis anglophone, nous n’avons pas pu échanger, quelques mots grâce à la stagiaire de Cambourakis (merci !) seulement. Mais Jason Shiga est un personnage attachant aussi haut en couleur que ses albums (Bookhunter et Vanille ou Chocolat). Au passage, je remercie les gens de Cambourakis pour les échanges durant mon temps d’attente. J’ai pu feuilleter leur stand avec un plaisir de gourmet. Je peux vous le dire, ils font du très bon boulot !

Plus tard chez la Boite à Bulles, je rencontre Bast pour En chienneté en compagnie de Mo’ (voir sa chronique sur cet album). En Chienneté raconte son expérience comme intervenant dans une maison d’arrêt. Travaillant moi-même sur ce sujet, nous avons pu échanger quelques impressions. Une discussion passionnante ! Merci à Bast pour sa gentillesse et sa dédicace. Je n’avais pas encore pu lire le livre, maintenant c’est fait et je ne peux que soulever la justesse du propos. Je pense que nous en reparlerons un de ces jours.

Pas très loin, 6 pieds sous terre avec James. Je connais James depuis longtemps avec Comme un lundi. J’avais eu des contacts professionnels (avortés malheureusement) avec lui et j’étais très heureux de le rencontrer . Double dédicace pour 365 fois 77,8 et L’épi. (avec la Tête X) Il m’incite à aller voir son projet de revue électronique Mauvais esprit. A mon tour, je vous conseille d’aller y faire un tour, vu le nom des participants, c’est du bon ! En plus les premiers numéros sont en consultation gratuite, histoire de se faire une idée.

Enfin, je critiquais Le Monde des bulles tout à l’heure, mais j’ai quand même récupérer deux dédicaces (merci Pierrot pour l’aide) de Gyll Dillon pour le Nao de Brown (prix révélation) et surtout de Ted Naifeh, le papa de Courtney Crumrin. Très impressionné par ce dernier, ma rencontre a été quelque peu malhabile. Dommage mais c’est comme ça quand on est une groupie !

Pour terminer mon petit tour d’horizon des dédicaces, une belle dédicace d’Anthony Pastor pour Castilla Drive, prix du polar, svp ! Dédicace éclair un samedi en pleine cohue… Compliqué !

Projection sur la réalité des auteurs

Le vendredi soir, nous avons assisté avec presque toute l’équipe de KBD à la projection en avant-première du documentaire de Maïana Bidegain : Sous les bulles, l’autre visage de la bande dessinée. Dans ce documentaire, elle montre l’envers du décor et les difficultés rencontrées par les auteurs pour simplement vivre de leur art. En donnant la parole aux acteurs de la chaîne du livre (enfin, pas les bibliothécaires mais cela me semblait justifier vu l’esprit du documentaire), elle montre les différents paradoxes de la surproduction actuelle, ses causes et surtout ses conséquences. Je vous conseille de voir la bande annonce pour vous donner une idée. Ce film devrait tourner très rapidement dans les festivals.

Je trouve juste dommage que le débat qui a suivi la projection ne fut pas de la même qualité. Il manquait surtout des contradicteurs (comme souvent dans ce genre de débat, et j’en ai vu quelques un ces derniers temps) à la cause. J’aurais voir un éditeur répondre à un Fabien Velhmann très en verve (comme toujours, mais un peu trop cette fois).

Rencontre en lettonie

Petite conférence sur la BD alternative qui était en fait une présentation du prix de la BD alternative de l’an passé : le magazine letton Kush ! et son fondateur. Surprenant et très intéressant quand on apprend que Kush est le seul magazine de bande dessinée. La Lettonie n’a aucun passé, ni aucun présent de bande dessinée. Seulement 5 Tintin sont traduits dans ce petit pays. Kush est donc le seul véritable média de BD. De vraies pionniers dans un environnement totalement vierge !

Un écho intéressant au film de Maïana Bidegain.

Voilà, pour ce billet. Prochain passage consacré au bilan d’Angoulême 2012 !

Humeurs & blog

Blog | Angoulême #2 Les expositions

Pour ceux qui se demanderaient où sont les articles Angoulême in Live, ben désolé, je n’ai pas réussi le même exploit que l’an passé. Tant pis. Je vais quand même vous faire un petit topo sur les expos que j’ai pu voir durant ces deux jours passés au festival.

Comès, maître du clair/obscur

Si je suis à Angoulême cette année, c’est aussi pour voir la présentation des planches originales d’un de mes auteurs cultes. L’exposition est au sous-sol du théâtre, le lieu est un peu exigu sous les voutes. Heureusement, il n’y a pas trop de monde, juste des classes de collégiens qui ont un intérêt plutôt limité pour ce qu’ils voient malgré les explications d’un guide-conférencier qui les accompagne. Moi j’en profite et admire le travail. Devant ces planches, la maîtrise du noir et blanc si caractéristiques du Maître est évidente. Ce travail sur le noir, sur la composition, les traces de correcteur pour masquer le noir, l’abstraction… c’est magique. Que dire sinon que voir ces planches (mais aussi des affiches) dans de grands formats donnent encore plus de force à l’ensemble. Bref, hormis le lieu, je ne suis pas déçu.

Détail de planche, on peut admirer le travail sur le noir

Brecht Evens et la Boite à Gand

Mais la grosse claque de ce festival c’est l’exposition consacré à La Boîte à Gand, un collectif d’auteurs belges dont le membre le plus éminent est Brecht Evens, prix de l’audace en 2011. J’avoue que j’étais passé à côté… la honte mais bon, le ridicule ne tuant pas je peux quand même rédiger cette chronique. Comment décrire le travail de Brecht Evens ? Graphiquement, c’est tout simplement fabuleux ! Déroutant mais fabuleux ! Difficile de décrire ces couches de couleurs se superposant d’une manière magique. C’est coloré et magnifique, poétique et éclatant. Bref, j’ai craqué. Si vous le connaissez pas, je vous invite à lire d’urgence ses albums ! Ceux qui doutent que la bande dessinée puisse être un art, voici une réponse.

Rien à voir mais durant la visite, Mo’ et moi avons rencontré Nancy Peña qui est très copine avec Mo’. Elle était accompagnée d’une certaine Marion. Cette dernière, très sympathique, semblait être pas mal calée en dessin. Après les avoir quitté, le flash, il s’agissait de Marion Montaigne. C’est définitif, je suis un boulet…

Les couches se superposent pour donner un effet de lumière incomparable. C’est beau !!!

Philippe Squarzoni et la BD militante

En passant dans la rue avec les KBiens (+ pièce rapportée, spéciale dédicace), nous avons vu l’affiche d’une expo Philippe Squarzoni à la Maison du Peuple et de la Paix. Assez fans de son travail (je lis moi-même Saison Brune en ce moment) nous n’avons pas hésité. Si l’expo avait le mérite de présenter les bonnes planches de ses œuvres militantes (Dol, Guarduno, Zapata, Saison Brune), l’expo ne présentait pas les planches originales. Quand on connait un peu, on n’apprend pas grand-chose. Personnellement, j’avais lui 3 des 4 albums (4e en cours) donc bon… Voilà. Lisez les livres surtout !

Vous le reconnaissez ? Extrait de Dol

La Corée à l’honneur

L’exposition sur la bande dessinée coréenne était au centre du festival dans une bulle spéciale. Cette belle exposition à la scénographique soignée était découpée en trois parties : les jeunes auteurs, les grands auteurs et l’avenir. Chaque auteur avait son propre espace avec une petite interview filmé passant sur un écran, texte de présentation d’une œuvre et planches originales. Très didactique, cette exposition montrait toutes les qualités du manhwa. Jisue Shin faisait d’ailleurs partie des auteurs présentées. La seconde partie présentait les œuvres de deux auteurs majeurs de la bd coréenne : Lee Doo-Ho (Le Bandit Généreux) et Kim Dong-Hwa (La Bicyclette Rouge…). Là encore des planches originales et une scénographique bien pensée mettent en valeur le travail de ces auteurs. Mais la partie la plus intéressante pour moi était celle consacrée au numérique. Alors qu’en France, nous en sommes encore aux balbutiements, là-bas le numérique c’est 400000 lecteur par mois et plus de 200 BD sur un portail collaboratif pour un genre baptisé Webtoon. Bref, de quoi voir l’évolution possible dans nos contrées dans quelques années. Démonstration à l’appui, des écrans et souris sont disponibles ainsi que des iPads pour voir toutes les possibilités offertes. Intéressant.

Test de lecture numérique. Intéressant !

Les « Pas vu »

Les expos phares de ce festival manquent à ma collection : JC Denis, Uderzo, Michey/Donald. Bon, deux jours c’est un peu court alors il faut faire des choix. J’ai zappé. Pour la première, le président avait choisi le lieu d’expo le plus charmant mais aussi le plus exigu avec sa jauge d’entrée minimum. Du coup, difficile d’y pénétrer même en journée calme sans perdre beaucoup de temps à attendre. Je trouve ce fait assez révélateur de l’aura du Président de cette année. En 2012, la présence d’Art Spiegelman irradiait le festival tout comme celle de Trondheim quelques années plus tôt. Nous en sommes loin cette année. JC Denis est plutôt un homme discret et nous avons retrouvé ce trait de caractère cette année. A l’image d’une affiche certes jolie mais discrète par rapport aux précédentes.

Le prochain président… bref nous en reparlerons.

Chroniques BD, Recommandé par IDDBD

Chronique | Un Printemps à Tchernobyl (Lepage)

2008, un groupe d’artiste se rend en Ukraine : direction Tchernobyl. Tchernobyl, le nom évoque la plus grande catastrophe nucléaire de l’histoire du XXe siècle, la mort et le danger invisible, la zone interdite, l’enfer sur terre… Bref, tout sauf un lieu de visite. Et pourtant, Emmanuel Lepage s’y rend avec son œil d’artiste, la grâce de son dessin et son lot de peurs. Un album fort à la fois terrifiant et riche d’enseignement.

Voyage en enfer ?

A l’image d’un Jean-Pierre Gibrat, Emmanuel Lepage est un artiste faisant le pont entre la bande dessinée  d’auteurs et la BD grand public réaliste. Ses albums de fiction se situent dans une réalité palpable, marquante, touchante. Son dessin est également l’un des plus impressionnants de la BD européenne car ses compositions de cases et de planches sont toujours remarquables. Et dans cet album, alternant paysage de campagne, friche industrielle et urbaine, il exerce la pleine mesure de ses capacités avec des dessins superbes (l’image de cette couverture), alternant nuances de gris et couleurs éclatantes.

Si Un Printemps à Tchernobyl est l’histoire d’un voyage, il est bien plus qu’un simple carnet d’illustrations. Dans cet album, Emmanuel Lepage donne une marque de confiance rare à son lecteur en le laissant complément pénétrer dans ses pensées personnelles. Dans une première partie, après une introduction et la présentation didactique de l’histoire de Tchernobyl (nécessaire pour beaucoup d’entre nous), il raconte les préparatifs de son voyage. Il y fait étalage de ses angoisses, de la peur de ses proches, de ses difficultés personnelles avant le départ. Comme un symbole, quelques mois avant le départ, il n’arrive plus à dessiner à cause d’une douleur à la main. Même si ce passage m’a semblé un peu long, avec le recul, il plante les graines qui permettront, par contraste, de mieux comprendre les évènements de ce voyage. On ne va rien dévoiler ici mais clairement, Un Printemps à Tchernobyl raconte beaucoup plus qu’une résidence d’auteur dans la région d’une centrale nucléaire, c’est une sorte de quête spirituelle, une aventure humaine et profonde qui ne trouve toute sa force qu’en toute fin d’album…

Regards sur zone

Mais avant cela, Emmanuel Lepage montre : pénétrer dans la zone interdite, voir « le monstre », la centrale éventrée et son cercueil de béton, le compteur qui monte en flèche dépassant au bout de quelques instants le seuil limite de tolérance. L’horreur d’une réalité. Mais il ne s’arrête pas là. Il montre le no man’s land d’une trentaine de kilomètres autour de la centrale, il montre les villes et villages abandonnées, les terres souillées par la pollution invisible et mortelle de la radioactivité. Il montre parce qu’il est là pour ça. Comme un témoin pour ceux qui ont peur, pour ceux qui ne peuvent pas s’y rendre. Un printemps à Tchernobyl est aussi un témoignage rare d’une réalité dure qui pose une simple question : quelle vie après un accident nucléaire ? La réponse est surprenante car la vie existe encore avec ces forêts lumineuses et belles, ces lacs, cette nature presque normale… Presque, car c’est une nature dénaturée et traitresse créée par les humains et qui peut les consumer à petit feu. Ces humains justement, Emmanuel Lepage les montre aussi. Ils sont simples, comme vous et moi. Ils souffrent mais sont attachés à une terre souillée… Leur terre.

Entre les lignes, cet album ne fait pas que montrer. Il interroge évidemment sur la question du nucléaire dans notre production d’énergie. Alors jeu de roulette russe ou vraie maîtrise du sujet ? Au vu de cet album j’ai bien ma propre idée. En tout cas, Emmanuel Lepage signe simplement un album essentiel très injustement oublié par la sélection du festival d’Angoulême. Album profond, fort, terrifiant, humain et citoyen. Essentiel tout simplement.

Pour rebondir : les chroniques de Zorg & Mo’

Un printemps à Tchernobyl (one-shot)
Scénario et dessins : Emmanuel Lepage
Editions : Futuropolis, 2012
Public : Ado-adulte
Pour les bibliothécaires : Lire la dernière phrase de ma chronique.

Chroniques BD, Recommandé par IDDBD

Chronique | 3 grammes (Jisue Shin)

En 2006, Jisue Shin est heureuse. Elle a 26 ans, la vie devant elle, un boulot d’illustratrice qui l’enchante et un petit ami adorable. La vie est belle. Mais un jour, elle remarque que son ventre a inexplicablement grossi. Après une série d’examen, le diagnostic tombe : cancer des ovaires. Première chronique BD de l’année sur un manhwa sensible et chargé d’espoir. Une petite réussite.

Carnet de voyage intime

3 grammes ce n’est rien au fond. Une plume, quelques grains de sucre. Mais pour Jisue Shin, c’est le poids d’une tumeur, d’une épreuve, d’un changement de vie. Pour, c’est une bande dessinée d’une très grande qualité.

Son album est un carnet de voyage intime dans le monde à la fois inconnu et commun de cette maladie. Le lecteur suit le récit de ce parcours presque commun. Jisue Shin raconte et se met en scène : sa vie, le doute, le diagnostic, l’opération, les chimios, les cheveux, la famille, les amis, les voisines de chambre, la vie de l’hôpital, les envies d’ailleurs, les petits détails parfois drôles ou tristes… Tout est là et chacun d’entre nous aura malheureusement déjà lu ou entendu ces mots ailleurs.

Pourtant, Jisue Shin réussit à nous emmener avec elle dans son parcours par la qualité de son travail. Son dessin est particulièrement épuré mais multiplie les trésors d’inventions graphiques. Je pense notamment à cette remarquable mise en abyme avec ce livre dans le livre. L’album est composé d’une centaine de planches aux formes et aux tons variés. D’une page à l’autre on passe d’un simple coup de crayon noir à des croquis, des pastels, des lavis aux couleurs sombres comme la déprime, à des dessins pleine planche en forme d’apaisement. Tout y passe, tout est beau, tout est là : le talent, l’art de raconter en utilisant le dessin comme expression de l’inexprimable. On aime, forcément, car on y retrouve l’essence même de ce qui fait la force de la bande dessinée.

Au bout du chemin…

Mais, pour moi, la qualité essentielle de ce livre est encore plus simple. Du début à la fin, jamais le lecteur ne doute un instant de l’issu de ce combat. L’espoir, la joie de vivre malgré tout, l’optimisme agréable de cette petite femme rendent ce livre forcement sympathique et porteur de message positif. Le sentiment d’empathie est immédiat et très fort car le personnage en lui-même, ses amis, sa famille inspire immédiatement la joie… paradoxe intéressant au vu du sujet. En tournant les pages, on constate qu’en dressant son autoportrait, elle réussit à trouver les mots et les traits pour rendre son histoire simple et universelle. C’est vrai Jisue Shin est coréenne. Mais elle aurait pu être américaine, suédoise ou russe. Elle aurait pu être vieille également. Elle aurait même pu être un homme.

Pour conclure, je vous invite vivement à lire et à partager ce manwha, bande dessinée coréenne qui sera mise à l’honneur cette année au festival d’Angoulême (je vous ferais un rapport). 3 grammes apportent un regard différent sur la maladie, faite d’espoir et d’optimisme. C’est surtout un album d’une très grande qualité prenant toute la mesure du média bande dessinée. Bref, lecture vivement recommandée.

Pour rebondir : la chronique de Boule à Zéro sur le même sujet
A voir : la fiche album sur le site de Cambourakis
A lire : la chronique d’Yvan

3 grammes (one-shot)
Scénario et dessin de Jisue Shin (Corée)
Editions : Cambourakis, 2012 (22€)

Public : ado/adultes
Pour les bibliothécaires : Très beau témoignage, manhwa d’auteur, intéressant dans un fonds.

Chroniques Cinéma

Chronique | Mur (Simone Bitton)

Une méditation cinématographique sur le conflit israélo-palestinien proposée par une réalisatrice qui brouille les pistes de la haine en affirmant sa double culture juive et arabe. Le film longe le tracé de séparation qui éventre l’un des paysages les plus chargés d’histoire du monde, emprisonnant les uns et enfermant les autres (synopsis producteur).

Note de début de chronique : Voilà ça commence ! Je vous avais parlé de changement, le plus éclatant étant celui-ci : IDDBD parle cinéma. Écrire sur le cinéma, c’est une première pour moi alors soyez gentil de ne pas être trop exigeant sur la forme. Nous en reparlerons quand nous serons à plusieurs centaines de chroniques. Pour l’instant, il faudra se contenter de ça.

Mur est un film documentaire mais le cinéma documentaire qu’est-ce que c’est ? Un reportage comme à la télé ? Non, pas vraiment. Ici, l’approche est celle d’un cinéaste, pas celle du journaliste. Si le journaliste démontre à coup d’interview, d’images d’archives, parfois de caméra cachée pour répondre à une question centrale, le cinéma documentaire (appelé aussi Cinéma du Réel ou Documentaire de création) est un regard posé à un instant T sur une situation. Bien souvent le déroulé du film suit la réalité et le réalisateur travaille « sans filet ». Il filme sans savoir ce qui se passera : la réalité s’impose et le documentariste travaille avec cette matière brute pour en faire son œuvre. Simone Bitton est franco-israélienne et revendique sa double culture juive et arabe. L’idée de ce film est venu en 2002 quand à la télévision, le ministre Israéliens de la défense a présenté ce « mur » comme une solution aux problèmes de la violence.

Il serait mal venue de na pas qualifier le film de Simone Bitton d’œuvre. Elle ne n’est pas seulement contenté de poser sa caméra et d’interviewer les gens. Son film est marqué par une recherche esthétique constante. Sur des musiques alliant tradition juive et arabe, de longs plans séquences montrent ce pays magique. Mais une image, symbole du film, frappe les esprits : un village sur les collines au loin, paysage magnifique et soudain des morceaux de mur qui se posent peu à peu, envahissant progressivement l’image jusqu’à remplir l’horizon de gris. C’est à la fois très simple et bien plus compliqué qu’il n’y paraît.

Outre ses longs plan séquence, la réalisatrice offre la parole aux gens du peuple. Scène ouverte, sans questions, juste une écoute de témoignages de ceux qu’on n’entend pas assez souvent. Ce ne sont pas des politiciens, ni des militants, juste des personnes comme vous et moi : habitants de Jérusalem ou de ses environs, psychiatre dans la bande de Gaza, ouvrier arabe du chantier de construction (notons l’ironie de la situation), habitant d’un kiboutz… israeliens et palestiniens mélangés. Ces personnes vivent le murs au quotidien, sa construction et les conséquences. Certains vivent près de ce mur, les autres le construisent, certains même l’ont pensé. Mais pas de discours extrémistes, simplement un constat :  l’inutilité de cette barrière. Le puzzle que forme ces témoignages est accablant. D’un côté, celui des juifs, on ressent cette peur constante de l’instabilité qui les pousse à chercher à se défendre jusqu’à s’enfermer et enfermer l’autre. On se prête alors à penser que la peur est bien mauvaise conseillère.  De l’autre, celui des arabes, on perçoit ce sentiment d’injustice et d’incompréhension quand le mur sépare les terres cultivées des cultivateurs, quand les personnes doivent parcourir plusieurs kilomètres à pied pour aller travailler, quand les citoyens israéliens n’ont plus le droit d’entrer dans les villages arabes. Chacun est sur ses gardes, chacun regarde l’autre et le dialogue semble presque impossible. Réalité du lieu, la plupart des témoignages se font en voix off. Peur de représailles ?

Finalement, le film montre toute l’absurdité d’un tel choix. Poreuse, cette barrière l’est assurément. Elle n’empêche ni la peur, ni la frustration de passer. Seul le dialogue et la rencontre se meurent, emprisonnant les uns, enfermant les autres… Et la Paix dans tout ça ?

Pour rebondir : comme la BD n’est jamais très loin je vous invite à découvrir l’album Faire le mur de Maximilien Le Roy (avec une préface de… Simone Bitton). Je laisse Mo’ ,  ainsi que Lunch et Badelel vous en parler avec leur brio habituel.
Vous pouvez également vous pencher sur la chronique d’IDDBD de Comment comprendre Israël en 60 jours (ou moins) de Sarah Glidden

La Bande annonce

Mur, un film de Simone Bitton, 2004, 1h29min

Festival de Cannes: Sélection officielle Quinzaine des Réalisateurs
Festival International FIDMarseille: Grand Prix
Festival de Sundance: Prix spécial du Jury
Festival du Nouveau Cinema de Montréal: Prix ONF du Meilleur Documentaire

Chroniques BD

Chronique | Nausicaä de la vallée du vent (Miyazaki)

Doit-on encore présenter Hayao Miyazaki ? Figure incontournable de l’animation mondiale, créateur des studios Ghibli et des personnages devenus des icônes de la culture japonaise. Pourtant, malgré son énorme talent, il n’est pas facile en 1982 pour l’animateur chevronné de faire aboutir ses projets. Une idée, une rencontre, un manga, un film… une histoire de Nausicaä de la Vallée du Vent, une genèse d’un des plus grands de sa génération.

Storyboard ou manga ?

En 1982, le magazine Animage publie les premiers chapitres d’un nouveau manga : Nausicaä de la Vallée du vent. L’esprit est assez différent des mangas habituel et le succès est quasi-immédiat. Sur la forme, le dessin comme la composition ne s’inscrivent pas dans les règles « classiques » du manga. En effet, on n’y retrouve pas le fameux grapholexique des séries à succès (le nez qui saigne, les gouttes de sueur…), le trait oscille entre réalisme et croquis, presque lancée sur la case. Résultat, pour ceux qui en ont déjà vu, on a parfois l’impression de lire un storyboard dans les premières. Mais un super storyboard où l’on ressent déjà toutes les qualités de l’auteur.

Pour la petite histoire, convaincu par son ami Toshio Suzuki, journaliste au magazine Animage, Miyazaki publie les six premiers chapitres de la série afin de convaincre les producteurs de financer son film d’animation. Devant le succès immédiat de la série, le projet est coproduit voit le jour en 1984 soit un an avant la création des studios Ghibli. Pour autant, Miyazaki ne laisse pas tomber un personnage qui lui tient particulièrement à coeur. Et si l’histoire du film se résume grosso-modo aux premier et second volumes, il la développe dans les albums suivants et créé une saga qui se termine seulement en 1994, soit 12 ans plus tard (avec de longues pauses entre les films).

Début d’une ère

Après la lecture du manga, l’univers du film paraît bien plus pauvre. On n’y voit en fait que des esquisses de l’univers développé dans l’imaginaire de Miyazaki. Le manga fait apparaître toute sa complexité… et sa violence également. Si le film est visible par un public assez jeune, le manga est en revanche beaucoup plus dérangeant.

Car, si le danger est présent dans le film, il est omniprésent dans le manga : la guerre, les combats, la menace de la mer de la désolation, la géopolitique destructrice, l’absence de bon sens des peuples humains, folies, villages gazés, villes englouties, attaques d’insectes géants… Nausicaä , héroïne homonyme d’un personnage de l’Odyssée (une jeune femme qui sauve Ulysse de la noyade… non rien de symbolique là-dedans…) se débat au milieu du chaos. Sans vous développer l’ensemble afin de ne pas gâcher le plaisir, il faudra vous tenir prêt à voyager dans un univers post-apocalyptique d’une rare complexité. Comme c’est souvent le cas avec ce genre de récit, il nous renvoie à nos contradictions présentes (l’absence de réaction face aux problèmes climatiques), à notre passé (le passage du village détruit par la mer de la désolation rappelle les tristes heures de la seconde guerre mondiale) et à notre futur (les dangers du nucléaire, du non-respect de la nature).

Bref, 1000 ans après la quasi-destruction de l’humanité durant les Sept jours de feu, Nausicaä doit encore affronter la nature humaine. Et cette nature ne fait pas rêver… et pourtant cette princesse d’un royaume perdu symbolise l’espoir. Là encore, les personnages eux-mêmes apparaissent comme plus complexes que dans le film. Nausicaä est moins parfaites, plus enclines aux doutes, à la colère, à l’erreur aussi. Mais cette remarque est valable pour l’ensemble des protagonistes apparaissant dans l’anime. Quant aux autres, ceux qui apparaissent au fil des pages, et en particulier les affiliés à l’empire Dork totalement absent du film – ils apportent une touche mystico-politco-fantastique indéniable. En cruauté comme en sagesse, ils ouvrent d’autres portes pour le développement du récit et font de Nausicaä de la Vallée du Vent à la fois un récit de guerre où se débat le personnage éponyme et le récit puissant d’une rédemption.

Tout est déjà présent dans cette œuvre majeure.

Allez juste pour le plaisir la bande-annonce du film (avec la superbe musique de Joe Hisaïshi)

Nausicaä de la Vallée du Vent (Kaze no tani no Naushika) (7 volumes série terminée)
Scénario et dessins : Hayao Miyazaki
Editions : Glénat, 2000-2002

Public : Ados-Adultes
Pour les bibliothécaires : Incontournable.

 

Chroniques BD, Recommandé par IDDBD

Chronique | Boule à Zéro T.1 (Serge Ernst & Zidrou)

Comment aborder des sujets difficiles comme la mort ou la maladie quand ils touchent les enfants ? Avec gravité à la manière d’un Cyril Pedrosa ou avec légèreté ou humour comme dans Boule à Zéro. Pari risqué pour le duo Ernst et Zidrou.

Je vous parle d’un temps…

Je crois que je vieillis. Au temps de ma splendeur, jamais au grand jamais je n’aurais enchaîné deux véritables chroniques sur des albums jeunesses. Ou alors c’est la faute de ma douce, bibliothécaire jeunesse de son état, qui m’influence un peu trop dans mes lectures ces derniers temps. Non, j’aime à croire que c’est un hasard qui m’a poussé à ouvrir cet album. Pourtant, graphiquement il baigne dans l’esprit « BD-à-papa » des années 80-début 90. Genre qui m’attire de moins en moins. Même les pseudos de ses auteurs ont un petit goût de madeleine de Proust rappelant l’époque où je lisais les albums Dupuis avec la liste des séries classées par héros à la fin des albums. Entre Tif et Tondu, Poussy, Yoko Tsuno… à l’époque les Tuniques bleues n’avaient qu’une petite dizaine de tomes. Je vieillis, vous dis-je !

Et pourtant, nous sommes pas chez Dupuis mais chez Bamboo. Là encore, vous m’auriez dit il y a quelques années que je ferais des éloges à un album de cette maison d’édition… Mais là, il faut reconnaître le très bon choix de cet éditeur. Soyons honnête et reconnaissons notre mauvaise foi légendaire.

Mais revenons au dessin car Ernst s’inscrit directement dans la mouvance graphique de cette époque plus ancienne par son classicisme absolu dans l’imaginaire humoristique de la BD franco-belge. Même si au premier abord je ne suis plus vraiment amateur de ce genre de dessin, je dois reconnaître son efficacité et surtout la stabilité qu’il apporte dans une histoire tout à fait particulière par son thème et la manière de l’aborder.

Urgences (sans George mais le cœur y est…)

Durant le premier volume de cette série, nous rencontrons une petite héroïne bien particulière. Elle s’appelle Zita, dite « Boule à Zéro ». Cette fille de 13 ans vit à l’hôpital La Gaufre depuis plusieurs années car elle est atteinte d’une leucémie. Ouah ! Mais dans les bandes dessinées de ma jeunesse, les héroïnes étaient toujours fraîches et en forme ! Elles gambadaient dans des petites robes (ou en scaphandre spatial), elle attrapait un méchant, rarement un rhume et au grand jamais une maladie grave.

Quand je vous disais que le scénariste prenait des risques.

Ici, Zita est chez elle. Elle connaît tout le monde et tout le monde la connaît. Ses amis, tous malades également, portent tous des surnoms amusants (Supermalade qui a une maladie rare, Wilfrite le grand brûlé, Puzzle…). Cette année, Zita fête ses 13 ans et parcourt l’hôpîtal entier pour distribuer ses invitations pour sa fête d’anniversaire. Prétexte entendu pour nous faire découvrir le petit monde de l’hôpital, véritable ville dans la ville, et surtout pour enchainer gags et bons mots à la vitesse de l’éclair. Il y a du rythme, on se laisse porter car cette bande dessinée destinée à un jeune public est une vraie réussite. Comme vous avez pu le constater son histoire est très simple et tiens surtout sur le personnage de cette petite fille malade à la fois joyeuse et tourmentée, vivante et pourtant proche de la mort (d’ailleurs la lettre d’introduction à Madame la mort est magnifique). Cette petite Zita, on l’aime pour son caractère et son inventivité. Elle représente bien cette communauté.

Car, ce qui frappe dans Boule à Zéro, c’est cette énergie et cet espoir qui en émanent. Il y a une forme d’attitude positive en même temps qu’une vigilance de tous les instants. Non, ce n’est pas rose mais il y a de la joie quand même. Le message est positif car au-delà de la maladie et de la mort, c’est l’amitié, l’amour, le rire, bref la vie qui ressortent. Zidrou, connut surtout pour son élève Ducobu (et les Crannibales) montrent toute l’étendue de son talent de scénariste dans ce premier volume.

Sélectionné dans les albums de l’été par l’ACBD en 2012, on devrait retrouver Boule à Zéro dans la sélection jeunesse d’Angoulême. Pour moi, un album jeunesse incontournable. Un vrai coup de cœur !

Boule à Zéro, T.1 Petit coeur chômeur (série en cours)
Scénario : Zidrou
Dessins : Serge Ernst
Éditions : Bamboo, 2012

Public : Jeunesse… et adultes
Pour les bibliothécaires : Incontournable. Un album qui dérangera certainement plus les parents que les enfants. A lire et faire lire.

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