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Chroniques BD, Recommandé par IDDBD

City Hunter (Tsukasa Hojo)

Quand vous n’avez plus d’espoir, que la justice ou la police ne peuvent plus vous aider, alors laissez le message XYZ à la gare de Shinjuku. Car dans la jungle du quartier tokyoïte, le duo City Hunter règle les affaires sensibles. Derrière ce pseudonyme se cache le sage Hideyuki Makimura et l’exubérant Ryo Saeba. Un duo de choc dans une ville menacée par les cartels de la drogue sud-américains.

De Nicky à Ryo

City Hunter est surtout connu par le grand public grâce à son adaptation TV : Nicky Larson. Si cette version française a rendu service à la série et à l’introduction du manga en France en étant l’un des grands succès de la génération Club Dorothée (de 1987 à 1991), elle a également contribué à donner une image très décalée de l’œuvre originale. La faute à une censure et à un doublage farfelue qu’on hésite à qualifier de mythique ou de summum du ridicule. Il fallait donc se replonger dans le manga publié de 1986 à 1992 dans le Jump pour découvrir les  aventures originales de Ryo Saeba. Pour le replacer dans l’histoire du manga, il faut se rappeler que les années 1970-1980 sont un peu l’âge d’or de la bande dessinée japonaise contemporaine. Les jeunes auteurs nés dans les années 50 ou 60 bénéficient des avancées artistiques des pionniers d’après-guerre et font preuve eux-mêmes d’une grande créativité. Dragon Ball, Akira, La Rose de Versailles et City Hunter font partie des réussites majeures de cette période.

Schizophrénie à la japonaise

Le succès et le ressort même de cette série reposent sans conteste sur la personnalité de Ryo Saeba, le fameux « nettoyeur ». A la fois loup solitaire et joyeux drille, grand professionnel et détraqué sexuel, il est surtout clown qui cache sa sensibilité sous le couvert du n’importe quoi. En fait, l’apport même de City Hunter à la bande dessinée japonaise est justement la popularisation d’un héros porteur du fameux double héritage culturel (cf la première partie du texte de la formation manga). Ryo Saeba est à la fois la figure du samouraï chère à la tradition noble et bourgeoise de l’ère Edo, mais il est aussi l’héritier des personnages de récits populaires bénéficiant d’un rapport au corps très libre. Cette liberté est d’ailleurs souvent une source d’incompréhension pour le lecteur occidental de manga.  Ainsi, le lecteur de City Hunter sera constamment balancé entre scènes d’actions sérieuses et moments franchement décalés où sexualité et ridicule sont la règle. Comme symbole, le fameux Mokkori, instant de grâce ultime où Ryo Saeba réagit de manière très masculine à une situation d’excitation particulièrement érotique (pour lui). Bref, pour ceux qui ne connaissent pas… je vous laisse découvrir.

Belles formes et actions : l’art de Hojo

Durant 32 volumes, soit 336 chapitres, le cowboy au grand cœur fera régner la justice face à des adversaires toujours renouvelés à coup de gros flingues (Freud mon ami !) et de coup de poing. Même si globalement les ressorts sont toujours un peu les mêmes, Tsukasa Hojo a su entourer son personnage principal d’une galerie de second rôle tout à fait croustillant. En tête, ce faux second rôle qu’est Kaori (la fameuse Laura de l’adaptation TV française). La sœur de Hideyuki entre tragiquement dans la vie de Ryo. Sous ses airs de garçon manqué, elle prend une place prépondérante dans la série. Si City Hunter est un polar, l’auteur y fait entrer une histoire d’amour. Qui a dit que les garçons (public cible de ce manga à la base) n’aimaient pas les romances ? Cependant, cette dernière est bien cachée par le côté ouvertement érotique de la plupart des protagonistes féminins secondaires. Ce côté « belle forme » est une marque de fabrique chez Hojo. Pour rappel, il est également le créateur de jolies voleuses de Cat’s eyes. Ce choix assumé est particulièrement efficace grâce à l’approche réaliste de son dessin. En effet, il a su intégrer les codes graphiques du manga hérité de ses aînées tout en développant sa propre forme. Ainsi, on oublie (un peu) les caricatures et les grands yeux pour des personnages fortement sexués et des décors réalistes. Gardant un découpage très nerveux, Tsukasa Hojo donne beaucoup de rythme à ses aventures, ménageant avec efficacité moments d’actions et de rigolades. Et c’est vrai, on rit beaucoup tout en étant pris par les histoires (environ deux par albums). Pour conclure, un classique… et quel classique ! Bénéficiant d’une image brouillée en France, City Hunter n’en demeure pas moins une œuvre importante du shonen manga (même si je le conseille plutôt pour un public plus adulte). A la fois drôle et bourré d’action, ce manga a ouvert la voie à des personnages de « clowns nobles » (Eikichi Onizuka de GTO par exemple) et montre toutes les qualités graphiques et narratives d’un auteur incontournable. Bref, à découvrir… ou redécouvrir !

City Hunter (32 volumes, série terminée) Dessins et scénario : Tsukasa Hojo Editions : Panini, 2005-2012 (10€) Editions originales : Shueisha, Tokuma Shoten, 1986-1992 Public : Adulte Pour les bibliothécaires : Considéré comme un shonen (public ado garçon) à sa sortie. Pour moi un indispensable en rayon adulte. Sous réserve de pouvoir acheter les 32 volumes. Mais bon… un classique quand même !

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In God we trust (Winshluss)

Saint-Francky, saint patron des amateurs de houblons et de bandes dessinées, nous racontent la merveilleuse aventure de la Bible. Dieu, Jésus et toute la bande vous attendent dans un livre à la fois fin, didactique et intelligent. Un livre à recommander en classe de catéchisme.

God is back… alleluia !

Après avoir tordu le cou à Pinocchio dans un des meilleurs albums des années 2000 (voire du siècle, facile on est au début) joué avec la mort dans son Death Club, raconté les aventures de Monsieur Ferraille, Winshluss revient avec un livre dont lui seul – et les Requins Marteaux – ont le secret.

Reprendre la Bible, surtout quand on fait dans l’humour en BD, c’est un peu un classique. Avant lui, des noms aussi illustres que Gotlib, Franquin (dans ses Idées Noires) ou plus récemment Robert Crumb (dans une Genèse très sage) s’y sont attelés. Cependant, je ne sais pas si l’un de ces auteurs a atteint un tel niveau dans la parodie volontairement crade et iconoclaste.

Si vous êtes un fervent chrétien pratiquant, amateur des messes en latin, incapables de recul et très chatouilleux sur les respects des icônes, oubliez ce livre. Oubliez cette chronique et, s’il vous plaît oubliez ce blog également. Encore une fois, je suis totalement réceptif à cet humour salement noir développé par cet auteur. Je n’y peux rien. Je suis sans défense face à ce démon.

Le ton est immédiatement donné par ce Saint-Francky, plus proche du pilier de bar que de la statue des églises. La Bible, Ancien et Nouveau Testament vont en prendre un sacré coup. Cette idée est confirmée avec l’arrivée de Dieu : cyclope, auréole en forme de triangle et look de biker. En fait, c’est le frère caché de Chacal, le père dans Litteul Kévin. Je passe sur les réinterprétations douteuses de l’histoire officielle qui – ne nous cachons pas – rend la Bible beaucoup plus intéressante du point du vue du mécréant que je suis. C’est méchant, drôle, irrévérencieux, souvent cruel mais tellement, tellement jouissif.

Virtuosité & bon goût

Outre ce côté parfaitement iconoclaste qu’on lui connaît, Winshluss fait encore l’étalage de tous ses talents d’illustrateur. Même s’il n’atteint pas vraiment le niveau de maîtrise graphique (et narratif) de Pinocchio – mais peut-on lui en vouloir vu la totale réussite de cet album –  il nous sert des pages de très haute volée. Il varie les formes, les approches, joue avec les styles graphiques, parodiant les œuvres religieuses classiques ou les comics (il y intégre Zombie, Super-héros et même un barbare bien connu en guest star) et montre encore une fois son érudition en matière de 9e art. Winshluss sait (presque ?) tout faire.

Afin d’ajouter un petite touche de surprise supplémentaire, il a convié son ami Cizo (avec qui il avait réalisé Monsieur Ferraille) pour réaliser les publicités parodiques qui ornent ce livre et se glisse entre les différentes histoires de longueur très variable. Je ne peux que remercier l’approche ouvertement trash de cet invité qui participe aux multiples ruptures de rythme de l’album. Je suis rarement choqué mais je dois bien avouer que j’ai encore du mal à me remettre de la pub « Lubrifiant Vatican »… Je vous laisse la surprise.

Pas besoin d’en faire trop pour vous inciter à lire cette relecture très irrévérencieuse de la Bible. Si, comme moi, vous sifflotez le Mécréant de Georges Brassens avec un certain plaisir. Je ne peux que vous conseiller In God we trust. Sinon, passez votre chemin sans même vous retourner. Même les religieux les plus libéraux risquent d’en prendre plein les yeux. Mention encore une fois spéciale aux Requins Marteaux pour la très belle édition.

In god we trust (one-shot)
Scénario et dessins : Winshluss avec la participation de Cizo
Editions : Les Requins Marteaux, 2013
Public : Adulte, assurément adulte
Pour les bibliothécaires : Pour les petits fonds, je préfère Pinocchio. Pour les moyens ou les grands ce n’est pas indispensable mais fortement recommandé.

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Ma révérence (Lupano et Rodguen)

Vincent est un trentenaire paumé. Pour sortir de sa condition, il prépare l’attaque d’un fourgon blindé avec son vieux pote, Gabriel, alias Gaby Rocket, un quinquagénaire tout aussi perdu que lui. Pour cela, ils vont prendre le fils du chauffeur en otage. Mais voilà, nos deux apprentis malfrats ne sont pas des pros et les imprévus se succèdent.

Faux polar

Ma révérence a reçu le prix polar au festival d’Angoulême en 2014. Bravo à Rodguen (aux dessins), Ohazar (le coloriste) et à Wilfrid Lupano qui est décidément un scénariste qui a le vent en poupe. C’est très bien excepté que Ma révérence n’est pas un polar.

Si on se base sur une définition stricte, à savoir qu’un polar intègre une enquête, un mystère et un policier (ou un détective) comme personnage principal. Ici, rien de cela. A y regarder de plus près, même sans cette définition stricte, cette histoire est avant tout une affaire de personnages, de contexte social, d’utopie et de quête de soi. Les deux apprentis malfrats ne sont pas des durs, mais deux types un peu paumés en décalage avec la réalité qui les entoure. Bref, de magnifiques losers comme on les aime. L’un poursuit un rêve, l’autre survit malgré tout. Nous pourrions presque nous passer du « casse de fourgon » tant il paraît anecdotique à côté de l’aspect quasi-sociologique présentant une France des années 2000 en manque de repères.

Vrai réalisme

C’est là toute la force de l’écriture de Wilfrid Lupano. Il décrit avec beaucoup de justesse, mais aussi d’humour à travers des dialogues incisifs, une société où racisme, individualisme, quête de l’apparence, manque de courage sont au cœur des préoccupations et des débats. Vincent et Gaby n’échappent pas à ce contexte mais ce sont surtout les personnages secondaires nombreux qui enrichissent tour à tour le cadre de cette histoire.

Côté récit, l’ensemble est d’une grande fluidité et on prend plaisir devant les multiples rebondissements. Le dénouement ne surprendra toutefois pas vraiment le lecteur. Ce n’est pas grave car l’intérêt de cet album est ailleurs. Graphiquement, le dessin et la couleur rappellent le travail d’un illustrateur comme Gazzotti (Seuls). Un trait plutôt classique mais qui correspond à l’esprit particulièrement réaliste de cet album. Classique mais efficace, donc !

Finalement, cette lecture est agréable. Je doute toutefois que cet album demeure dans les mémoires très longtemps. Référence politique, sociale, graphisme très classique oblige. Toutefois, on prend un vrai plaisir à suivre les aventures de ce personnage plutôt positif qu’est Vincent. Looser ? Pas tant que ça. Un bon album, ça c’est sûr !

A lire : la critique de Mo’

Ma révérence (one-shot)
Scénario : Wilfrid Lupano
Dessins : Rodguen
Couleurs : Ohazar
Editions : Delcourt, 2013

Public : Ados-Adulte
Pour les bibliothécaires : un bon album, un prix, de quoi plaire aux lecteurs.

Chroniques BD, Recommandé par IDDBD

Wet moon T1 (Atsushi Kaneko)

Dans le Japon des années 60, le jeune inspecteur Sata revient d’une longue période d’absence. Qu’est-il arrivé ? Il ne le sait plus très bien. Il se rappelle de cette femme, accusé du meurtre d’un ingénieur fabriquant des modules pour un étrange programme spatial. Mais avec ce bout de métal dans son cerveau, il n’est plus sûr de rien. Une enquête entre hallucination et réalité.

Lynch, Burns… Kaneko !

Quand un éditeur essaye de vendre son livre à travers sa 4e de couverture, il aime parfois faire des références à des œuvres ou des auteurs majeurs. Ainsi, il n’est pas rare de retrouver les mêmes créateurs sur certains genres de livres. Par exemple, dès qu’il y a un peu d’écologie et de poésie, paf, on vous balance un Miyazaki ! C’est effectivement plus facile. Miyazaki, ça rassure quant à la qualité même si la plupart du temps, on se paye un peu notre tête.

Bref, en lisant la 4e de Wet Moon, j’ai souri en voyant les références à l’univers de David Lynch et à l’univers graphique de Charles Burns. Pour ceux qui ne suivraient pas, grosso-modo, une référence « lynchienne » correspond à un univers évoluant dans des sphères entre fantasmagorie et réalité, où le lecteur se trouvera sans repère. Normalement, au bout de l’histoire, chacun aura son interprétation… ou pas. Bref, Lynch c’est beau mais personne ne comprend vraiment ce qu’il veut dire. Je caricature un peu évidemment. Je ne voudrais pas me fâcher avec la secte lynchienne qui ne me lit sûrement pas de toute façon.

Pour continuer sur des bases plus simples pour un amateur de bande dessinée comme moi, une référence graphique à Charles Burns indique une très bonne maîtrise du noir et blanc. Si l’absence de couleurs dans le manga n’est pas rare, faire référence à un artiste américain en parlant d’un illustrateur japonais est en revanche plutôt une surprise.

Créateur en liberté

Mais n’oublions pas qu’il s’agit d’Atsushi Kaneko. Après Bambi et Soil, il nous entraine encore dans un univers complètement déjanté à la limite de… de quoi d’ailleurs ? Cet auteur bénéficie vraiment d’une liberté créative rare dans le milieu du manga des années 2010 et c’est véritablement toute sa force !

Dès les premières planches, nous voici plongés dans l’univers d’un roman noir : meurtre sadique, gueules de monstres, moiteur d’une station balnéaire, obsessions, flics ripoux. Au milieu, la lune où les russes viennent de débarquer, où le Japon souhaite se poser. Quel rapport avec notre histoire ? Bonne question. Mais pour résoudre cette énigme, il y a notre héros. Un personnage à la hauteur de ce monde, un tout jeune inspecteur de police qui porte dans son cerveau les germes de la folie, un petit bout de métal qui se balade et qui dérègle sa réalité…

La suite ? Une perte rapide de repères entre passé et présent dans des effets de découpages souvent hallucinés. Comme Sata, nous ne savons pas vraiment où Atsushi Kaneko nous entraine et quels sont les réalités des images que l’on perçoit. Entre métaphores, souvenirs et fantasmes, le chemin sera long avant de connaître le dénouement d’une histoire déjà bien prenante. Car l’auteur, loin de nous perdre complètement, nous laisse des indices, nous éclaire peu à peu sur les zones d’ombres… mais sommes-nous assurés de recevoir les bons éléments ? De là naît l’intérêt de suivre le récit jusqu’à son terme.

Pour une fois, je dois admettre que les références choisis par les éditions Casterman sont plutôt bien vues. Avec son trait noir épais et ses codes graphiques bien plus proche de l’univers des indépendants américains, Atsushi Kaneko rappelle assurément d’un auteur comme Charles Burns (je pense à El Borbah par exemple). Quant à l’univers ? Un seul adjectif me vient en tête : lynchien !

A noter que Wet Moon a reçu le Prix Asie de l’ACBD 2014.

A lire : la chronique d’Yvan et celle de Marie

Wet Moon T.1 (séries en cours, 2/3 tomes parus, série terminé)
Scénario et dessins : Atsushi Kaneko
Editions : Casterman, 2014 (8,50€)
Collection : Sakka
Editions originales : Kadokawa, 2012

Public : Adulte
Pour les bibliothécaires : plus court que Soil, bien parti pour être une série intéressante. A suivre mais pour 3 volumes, ça vaut le coup.

Chroniques BD, Recommandé par IDDBD

Chronique | GTO : Great Teacher Onizuka (Toru Fujisawa)

Eikichi Onizuka, 22 ans, toujours puceau ne sait pas vraiment quoi faire de sa vie. Par un improbable concours de circonstance, il devient enseignant stagiaire dans un collège privée très réputé ? Mais comment lui, issu d’une université de 5e catégorie, ancien chef de gang bosozoku (motards), va-t-il faire face aux élèves, enseignants et parents qui veulent tous sa peau ? Avec fantaisie, humour, inventivité… et pas mal de surprises.

Un classique des 90′

Je profite de mes vacances d’été pour relire quelques classiques et GTO fait incontestablement partie de cette catégorie. Dans le style Shonen Gankuen – les histoires se déroulant en le milieu scolaire – c’est tout simplement un incontournable. De 1997 à 2002 et 25 volumes, Tôru Fujisawa et son équipe ont conquis un grand nombre de lecteur. Depuis de nouvelles séries de mangas, une anime (43 épisodes), des dramas ont vu le jour… La preuve d’un succès populaire incontestable.

Pourtant, GTO dresse un portrait particulièrement sombre du système éducatif japonais : violences, intimidations, abandons, suicides, obligations de résultats, égoïsme, parents absents, professeurs désabusés ou obsédés… Des jeunes filles sont la proie de détraqués sexuels à tous les coins de rue ou dans les transports. Des jeunes garçons sont complètement perdus dans un monde qui ne leur donne pas de repères. Nous sommes clairement dans le manga des années 90, mélange des grands thèmes d’après-guerre (la perte de confiance envers les adultes) et de cette remise en cause des valeurs du miracle japonais né avec la bombe Akira quelques années plus tôt. Pour rappel, en 1997, date du début de publication de GTO, le japon se remet à peine de l’éclatement de la bulle économique.

Héros, culottes et grandes valeurs

Au milieu de ce petit monde : Eikichi Onizuka. 22 ans, puceau, ancien chef de gang, capitaine de l’équipe de karaté d’une université pourrie où il est rentré en envoyant quelqu’un d’autre à sa place. Il est nul, ne connaît rien hormis les motos et pourtant…

Ce dernier se situe dans la droite ligne de ces héros des années 80/90 totalement anticonformiste mais porteur de réelles valeurs humaines. En fait, Onizuka est plus proche d’un Ryo Saeba (Nicky Larson en français) que du Gérard Klein dans l’Instit. Violent, obsédé sexuel, ados totalement attardé ne s’intéressant qu’à des futilités, il débarque un jour dans ce petit monde, semble mettre le bazar mais règle finalement les problèmes les uns après les autres. Au cours des 25 volumes de GTO, les soucis qui se posent à lui sont aussi variés que surprenants. Mais Tôru Fujisawa trouvent sans cesse de nouvelles façons de rebondir pour nous plonger un peu plus dans son monde. Ainsi, les nombreux cycles de cette histoire sauront vous faire découvrir de nouveaux aspects de la personnalité des personnages. Ados, profs, parents, tout ce petit monde qui forme une grande communauté à la fin de l’histoire, trouvera le moyen de vous séduire… et surtout de vous faire rire. Car c’est avant tout le but de GTO.

Cet humour est parfois très pipi-caca-petite-culotte blanche et saignement de nez. On peut d’ailleurs légitimement se poser la question de la présence de GTO dans la catégorie manga pour ados tant le côté sexuel est présent dans ce manga. De quoi avoir quelques maux de têtes pour les les bibliothécaires qui choisiront de l’intégrer dans leur secteur jeunesse ou ados. Au passage, cela prouve encore toute la liberté de ton des auteurs japonais par rapport à la bande dessinée franco-belge ou américaine. GTO serait tout simplement impossible chez nous. D’un autre côté, ce manga – hors de cet humour japonais très libre – aborde des thèmes qui parleront très fortement aux plus grands : prise de responsabilités, conscience de ses actes, importance de l’amitié et de la communication. Bref, une réflexion plus intéressantes qu’il n’y paraît sur le passage à l’âge adulte (héros principal compris) et des valeurs nobles portées par un héros charismatique et totalement iconoclaste.

Bref, si vous ne connaissez pas GTO, si vous souhaitez découvrir une série un peu longue qui saura vous détendre sans pour autant être totalement débile, si vous aimez les bons personnages avec un peu de profondeur, découvrez ce Great Teacher Onizuka. Assurément, une série qui vous procurera pas mal de joie !

A lire : le dossier Manga-news
A voir : Passion-GTO, un blog consacré uniquement à l’univers d’Onizuka

GTO : Great Teacher Onizuka (25 volumes, série terminée)
Scénario et dessins : Tôru Fujisawa
Editions : Pika, 2001-2004 (Nouvelle édition double en 2012)
Editions Originales : Kodansha (1997-2002)

Public : Grands ados-adultes
Pour les bibliothécaires : un classique mais en 25 volumes (enfin 13 avec l’édition double). Série terminée. A avoir dans une mangathèque idéale malgré quelques références qui ont un peu vieillies.

Chroniques BD, Recommandé par IDDBD

Chronique | Cœur de Pierre (Gauthier & Almanza)

Il est né avec un cœur de pierre, elle, avec un cœur d’artichaut… (Synopsis éditeur)

Dans ce présent billet, je souhaitais rendre hommage
A l’écriture poétique de Séverine Gauthier
Qu’elle m’excuse par avance pour les futurs dommages
Et l’écrasement naïf de ses si jolis pieds

Bercé par un élan d’enthousiasme certain
cet album-là ma foi, a bien tout pour me plaire
Il surnage au milieu de ces vagues embruns
de BD jeunesses qui souvent m’indiffèrent.

Au milieu d’une biblio de mon quartier,
je l’ai vue exposé dans sa belle couverture.
Je m’en saisi aussitôt et d’un pas assuré
M’en allait tout gaiement vers sa saine lecture

J’avais entrevu un dessin en rondeur
Qui dès les premières planches se confirma.
Admirant tout autant ses belles couleurs,
j’aimais le travail de Monsieur Almanza

Contant les amours naissants de trois petits cœurs
Le texte était fort simple et touchant à la fois.
D’inspiration rappelant une Mécanique du cœur,
il faisait battre un rythme en tout point délicat

Pas d’excès de paroles dans des phylactères
mais une vraie osmose entre forme et histoire.
Qui malgré des thèmes parfaitement sévères
Saisit le sentiment et notamment l’espoir.

Balancé entre des cœurs d’or et de pierre
On s’identifie, on pleure et on s’inquiète.
Dans cet univers où ombre et lumière
aime à jouer ensemble jusqu’à perdre la tête.

Voici donc mon conseil à toi, ami lecteur :
Oublie donc ce billet qui vaut bien qu’on l’enterre
mais garde les noms de ces très bons auteurs
Gauthier, Almanza et leur Cœur de Pierre.

 

A découvrir : le blog de Séverine Gauthier

Cœur de pierre (one-shot)
Scénario : Séverine Gauthier

Dessins : Jérémie Almanza
Edtions : Delcourt (Jeunesse), 2013

Public : Tout public
Pour les bibliothécaires : Indispensable !

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Chronique | Terra Formars (Sasuga & Tachibana)

En 2599, le vaisseau Bugs 2 est envoyé sur Mars pour accomplir la dernière phase de la terraformation : éliminer la vermine envoyée 500 plus tôt par les scientifiques pour accélérer le processus. Mais à leur arrivée, les 15 jeunes nettoyeurs sont confrontés à un danger imprévu… et mortel. Les cafards ne semblent pas vraiment prêts à se faire massacrer.

Amis de la science, rangez vos lunettes (astronomiques), vos photos de nébuleuses et vos dédicaces d’astronautes. Amis de la science-fiction, oubliez Asimov, Herbert ou Moebius. Vous pouvez tous poser cette série et partir loin. Ici, pas vraiment de matière grise mais du muscle, de la brute, du rentre-dedans… Bref, Terra Formars s’inscrit dans la grande tradition du manga de baston. Ajoutons-y une belle pointe de Survival Horror (un mélange de Alien 2 et de Starship troopers). Bref, un Seinen avec du sang, des têtes arrachés, des tripes à l’air, de la tragédie pas vraiment tragique et bien entendu, des supers-combattant(e)s qui ne se laisseront pas défoncer par des cafards génétiquement modifiés. Faut quand même pas pousser mémé dans un trou noir !

ça c’est un cafard martien… Si, si !

Si nous nous la jouons un peu scientifique, partons du principe A : les cafards envoyés sur Mars des siècles plus tôt sont devenus des humanoïdes. Mais ces derniers ont gardé leurs caractéristiques de  résistance, vitesse et force… proportionnellement à leur nouvelle taille. Autrement dit, des humains normaux n’ont aucune chance face à ces adorables bêbêtes. Ce qui fut le cas d’une première mission (n’ayez pas peur, je dévoile à peine le début). Ajoutons à A, la variante B, seconde idée d’un scénariste décidément en état de grâce : les membres de l’équipage Bugs 2 ne sont pas de simples humains comme vous et moi. Après une opération extrêmement dangereuse (30% de survie), ces jeunes et pauvres gens ont reçu des caractéristiques génétiques d’insectes qu’ils activent grâce à un sérum spécial. Évidemment, tous des insectes rares ou extrêmement dangereux (le papillon s’est joli mais faut ce qu’il faut). J’ai apprécié le côté documentaire avec des fiches complètes sur certains insectes utilisés. Marrant.

Et ça c’est un humain énervé…

Pas besoin d’avoir fait une thèse de génétique appliqué à la bande dessinée japonaise pour avoir un début d’idée quant au déroulement de cette histoire simple. Toutefois, Yu Sasuga essaye de donner une certaine profondeur à l’ensemble en jouant sur un fond de drame social à partir de focus et de flashbacks sur le passé de personnages principaux. Outre la surpopulation terrienne, la plupart des personnages sont issus de milieux très défavorisés et ont acceptés cette mission contre une grosse somme d’argent (à leur retour évidemment, de quoi faire des économies). Si ces gros plans ne sont pas anecdotiques dans l’histoire, le scénariste les intégrant plutôt bien, leur manque de surprises – voire parfois les clichés qu’ils suscitent – ne permettent pas d’y croire totalement. Bref, côté scénario… Pourrait mieux faire.

Mais, finalement, dans ce genre de manga, l’action prime davantage sur les petites histoires de cœur ou les drames humains. On pose le cerveau dans un coin et c’est parti pour une suite de combats à mort chargés de rebondissements spectaculaires et visuels. Très efficace. C’est vrai, on ne s’ennuie pas dans ces moments-là. La curiosité gagne même le lecteur en attendant que les pouvoirs génétiques des personnages soient dévoilés peu à peu… Rendons grâce également au dessinateur Ken-Ichi Tachibana pour un design character plutôt réussi et une réelle lisibilité des scènes d’actions, un élément important dans ce genre de manga.

Bref, vous l’aurez compris, un manga gros bras pour des amateurs adultes du genre. Cependant, l’ensemble manque un peu d’originalité… ou alors possède un côté parodie/kitch assumé. Heureusement, la partie graphique est bien supérieure à la partie scénario. Visuellement, c’est agréable. Toutefois, si vous aimez le manga baston qui saigne avec un timbre-poste en guise d’histoire, je vous conseille plutôt Jackals. Plus efficace et qui a eu la bonne idée de ne pas trop durer…

A lire : la critique du volume 1 par Manga-News

Terra Formars (5 volumes, 8 volumes au Japon, en cours)
Scénario : Yû Sasuga
Dessins : Kenichi Tachibana
Editions : Kaze Manga, 2013 (7,99€)
Editions originales : Shûeisha, 2011
Public : Adultes

Pour les bibliothécaires : A voir en fonction de la durée de la série. Dans le style combat bourrin pour adultes, je préfère de loin Jackals (7 volumes seulement). Peut-être pas la peine de se ruiner.

Chroniques BD, Recommandé par IDDBD

Chronique | Pendant que le roi de Prusse faisait la guerre, qui donc lui reprisait ses chaussettes ? (Zidrou & Roger)

Catherine a 72 ans, elle est veuve. Elle vit avec son fils, Michel, 43 ans, handicapé suite à un accident de voiture. La vie d’avant, Catherine y pense de temps en temps mais cela fait si longtemps. Au fil de ces petites histoires du quotidien, nous découvrons une héroïne, une vraie, de celle qu’on ne trouve pas dans les livres…

Le combat ordinaire

Il y a bien longtemps que je n’avais pas lu une BD franco-belge « classique » avec autant de plaisir. Posons les cartes sur la table, ce magnifique album bénéficie déjà du très fameux label Recommandé par IDDBD. Comment dire ? Il n’y a rien à jeter. Ni la très belle écriture de Zidrou, décidément très inspiré pour évoquer les handicaps ou la maladie (cf l’excellentissime série Boule à Zéro), ni le dessin de Roger qui par sa simplicité et une très belle mise en couleurs répond parfaitement aux propos de l’album. L’idée n’est pas d’entrer dans un pathos malvenu mais bien de parler d’un quotidien, du bon comme du mauvais, de désacraliser le handicap sans un discours démagogique et mensonger.

Pendant que le roi de Prusse… est constitué de mini-chapitres, sorte de pièce de puzzle évoquant des instants de la vie de ces deux personnages. Michel est un gros bonhomme, adepte de puissance 4, de Playstation, d’éclairs au chocolat, de gilet à capuches… et de films pornographiques (si, si). A côté de lui, Catherine, une maman, une vraie, petite par la taille, grande par l’amour, prête à tout pour aider son fils malgré les difficultés et les frustrations. Le mot qui vient immédiatement à l’esprit au fil de ces petites histoires est justesse. Justesse dans le propos, dans les sentiments et dans tout ce qui n’est pas dit mais largement évoqué par des regards, des impressions, des couleurs. Un « non-texte » qui fait toute la différence. Rassemblés, ces nouvelles dressent un portrait tout en finesse à la fois drôle et émouvant. Capables de nous faire rire (la scène du vidéo-club) ou pleurer (au choix), elles se répondent, s’enrichissent, permettent de comprendre l’historique de cette vie. Au final, on ne peut qu’admirer cette petite femme bien plus forte que mille super-héros réunis, bien plus belle que mille héroïnes top-model à air-bags intégrés et string en peau de dragon. Elle a la force du quotidien, du temps qui passe.

Je vais arrêter là cette chronique bien trop élogieuse, pas la peine d’en rajouter. Ce billet est court mais pour une fois, je n’ai pas d’autres arguments que « Lisez Pendant que le Roi de Prusse…« . Simplement. Pour passer un bon moment. Pour lire un bon livre. Pour pleurer. Pour rire. Et le plus important, pour rencontrer une belle personne, une vraie gentille, une grande âme, de celle qu’on ne rencontre pas assez souvent. Peu importe qu’elle soit de papier car au fond, des Catherines, il y en a des milliers. Mais ces dernières ne font jamais de bruit, ne demandent jamais rien. Alors rendons leur hommage, à notre façon, par un sourire ou une larme, par la lecture d’un livre.

A lire : la chronique de Zaelle sur 9eart, la chronique de Ginie (B&O)et celle de Choco
A voir : la fiche album chez Dargaud

Pendant que le roi de Prusse faisait la guerre, qui donc lui reprisait ses chaussettes ? (one-shot)
Scénario : Zidrou
Dessins : Roger
Editions : Dargaud, 2013 (14,99€)

Public : ado, adultes
Pour les bibliothécaires : simplement indispensable. Sans aucun doute une des meilleures BD de l’année 2013.

Chroniques BD

Chronique | Dans la prison (Kazuichi Hanawa)

En 1994, Kazuichi Hanawa est arrêté pour possession illégale d’armes à feu et emprisonné pendant trois ans. En 1998, il publie Dans la prison, récit autobiographique de son quotidien durant sa détention.

Du fabuleux au réalisme

Avant de commencer cette chronique, il me semble plutôt intéressant de situer un peu l’œuvre de Kazuichi Hanawa dans son contexte. Cet auteur est né avec le manga moderne en 1947 mais se situe du côté des alternatifs. Publié dès 1971 dans la revue d’avant-garde Garô, il est plutôt orienté vers le fantastique (voire l’érotico-fantastique en début de carrière) et propose des récits historiques peuplés de fantômes et autres êtres imaginaires. Thème assez récurrents à cette époque. Il connaît avec ses Contes fantastiques et Tensui, l’eau céleste un succès critique.

Mais en 1994, le voici incarcéré. La conséquence artistique directe est bien entendu les 230 planches que constituent Dans la prison publié par le magazine d’avant-garde AX en 1998, puis quelques années plus tard Avant la prison. Avec ces deux œuvres, Hanawa change de thématiques. Oubliées les histoires fabuleuses, il plonge le lecteur dans le quotidien répétitif d’un prisonnier japonais.

Une histoire de point de vue

J’aurais pu écrire « le quotidien sombre et obscure des prisons japonaises » mais ce n’est pas vraiment ce qui ressort de ce livre. Je suis désolé pour tous les partisans du retour aux geôles pleines de puces, de rats, de cafards, de surveillants matraqueurs et d’oubliettes moyenâgeuses mais il semble régner dans cette prison nippone un ordre, un calme et un respect qui laisse circonspect face aux réalités carcérales françaises.

Et moi, lecteur français moyen, c’est à ce moment précis que je me heurte au mur qui sépare les deux cultures. Difficile d’expliquer totalement cette sensation mais quand Hanawa écrit  » On doit être reconnaissant d’habiter dans un pays où l’on sert tous les jours un repas chaud, même à ceux qui ont mal agi et causé des troubles à la société », il ne fait aucun doute que nous rentrons dans un schéma de pensée totalement différent.

Les auteurs occidentaux évoquent souvent le milieu carcéral d’une manière négative, avec tout son côté punitif. Mais dans cet album, l’auteur choisit une approche neutre voire reconnaissante. Certes, le prisonnier est privé de liberté mais son quotidien, souvent problématique à l’extérieur, se retrouve totalement encadré par l’institution. Malgré une volonté de responsabilisation de la part des surveillants, il ne gère plus grand chose et retrouve face à lui-même dans une démarche d’expiation presque religieuse. Mais il me semble que mon explication relève plus d’un point d’occidental de culture judéo-chrétienne.

Pour autant, la grande force de la démarche de Kazuichi Hanawa est justement de faire entrer le lecteur dans cette optique par la multiplication de détails sur le quotidien du prisonnier. Vous trouverez ainsi les plans d’une cellule individuelle, collective, une description des repas, des habits d’hiver et d’été, du rangement des étagères… Bon, je dois vous l’avouer, j’ai parfois sauté quelques-unes de ces pages car à la 5e description des plats de jour de l’an, j’ai craqué. Cependant, ces éléments sont importants dans la construction narrative. Comment comprendre la réalité du quotidien sans insister sur ces détails qui constituent l’essence même de la vie du prisonnier ? Les repas rythment la journée, le rangement des étagères définissent les rapports sociaux, la cellule est le lieu de méditation…

Pour conclure, j’avoue que je ne sais pas trop quoi vous dire sur cet album. Pour une fois, j’ai la pleine conscience de ne pas partager la même culture et la sensation qu’il me manque des éléments importants pour appréhender positivement cette œuvre. Toutefois, je trouve la démarche juste, bien réalisé, dans un dessin qui, comme souvent dans le manga, lie le réalisme des décors à la caricature des personnages. Une œuvre à méditer qui aurait pu, je pense, bénéficier d’un travail éditorial de décryptage.

A lire : la chronique de Sine Lege
A découvrir : les 22 premières planches sur Digibidi

Dans la prison (one-shot)
Scénario et dessins : Kazuichi Hanawa
Editions : Ego comme X, 2005 (25€)

Public : Adulte, amateur de Gekiga et autres BD alternatives japonaises
Pour les bibliothécaires : une œuvre intéressante qui demande toutefois un gros travail de médiation. Au même niveau qu’un Journal d’une disparition d’Hideo Azuma.

Chroniques BD

Chronique | Les enfants de la mer (Daisuke Igarashi)

Au début des vacances d’été, Ruka est exclue de son club de sport pour s’être battue avec une camarade. Seule, elle ère dans sa petite ville portuaire quand elle décide de partir pour Tokyo… pour voir la mer. Une fois arrivée, elle rencontre un jeune garçon qui nage dans la baie. Mais Umi n’est pas comme les autres, son frère et lui auraient été élevés par des dugongs, des mammifères marins menacés de disparition. Ruka, fascinée par cette histoire, découvre alors un monde mystérieux et fantastique qui l’entraîne à la fois vers les profondeurs marines, dans la voute céleste et en elle-même… vers les origines.

Le retour à la mer

La première fois que j’ai lu un manga de Daisuke Igarashi IDDBD devait avoir 6 mois. Je n’avais pas encore rédigé la moindre chronique BD mais je souviens encore très bien de Sorcières, une mini-série en deux tomes, puisant dans les croyances populaires et le fantastique. 8 ans et des centaines de chroniques plus tard, je retrouve avec une certaine émotion son univers teinté de retour à la nature et de merveilleux.

Je me souvenais surtout de ce dessin particulier ne correspondant pas vraiment aux standards habituels du manga. Il me restait cette troublante fascination pour un trait tortueux oscillant entre séduction et laideur. Quelques années plus tard, ce graphisme s’est encore enrichi d’un équilibre subtil entre écriture et illustration. Graphiquement, le plus impressionnant reste sans conteste les magnifiques et vertigineuses scènes sous-marines où la frontière entre mer et ciel semblent avoir complètement disparue. On ne sait plus très bien si les créatures marines flottent ou nagent dans cet espace. Daisuke Igarashi réussit l’exploit de représenter une profondeur abyssale dans une minuscule case. J’avoue avoir été complètement subjugué par l’apparition d’un requin-baleine en plein milieu d’une planche.

La profondeur du personnage

Si les décors et les éléments aquatiques  sont particulièrement soignés, on sent surtout la patte du dessinateur dans la représentation des personnages et dans l’implication qu’il leur donne. Jouant avec un découpage faisant une belle part aux regards et aux mouvements, Daisuke Igarashi proposent une palette graphique très large entre trait jeté et réalisme frisant parfois l’érotisme. Ses héros possèdent chacun une esthétique propre, parfois volontairement exagérée dans certaines situations (les nages de Umi et son frère Sora par exemple). Cette dernière évolue au cours de l’histoire, rendant plus forte la présence ou l’absence de certains personnages.

Tous ces éléments graphiques participent à la très grande qualité de cette série au thème écologico-fantastique très « miyazakien ». Toutefois, il ne faut pas limiter Les enfants de la mer à cette référence, trop facile, au grand maître de l’animation japonaise. Par son travail, Daisuke Igarashi propose une aventure fascinante et originale qui se joue à la fois dans les abysses, dans le ciel mais aussi dans l’esprit de ses protagonistes… une quête de mystères devenant une quête de soi. Ce qui rend d’autant plus fort son travail sur la représentation de ses personnages. Toutefois, il serait malvenu de ma part de dévoiler les éléments de l’intrigue tant le scénario repose sur une succession de surprises. Je vous invite à faire, comme moi, confiance à votre instinct (ou à cette chronique) et commencer cette lecture sans avoir d’éléments probants qui viendraient gâcher votre plaisir. Je confirme, ça marche ! Bref, je ne peux que vous invitez à découvrir cette série (terminée en 5 volumes) et de pénétrer dans l’univers fascinant d’un mangaka d’exception.

A lire : la chronique de Bidib sur Ma petite Médiathèque

Les enfants de la mer (5 volumes, série terminée)
Scénario et dessins : Daisuke Igarashi
Editions : Sarbacane, 2012 (15€)
Editions originales : Shogakukan, 2007

Public : Ado, adultes
Pour les bibliothécaires : Pas d’excuses de la longueur pour cette série de grande qualité. Indispensable

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