An 3394 de l’ère commune, le dernier contact du Sidonia avec un autre vaisseau humain date de plus de 700 ans. Voici plus d’un millénaire que ce vaisseau-monde ère dans l’espace. 1000 ans que la Terre a été détruite par les Gaunas, une race d’extraterrestres avec laquelle les terriens n’ont jamais pu entrer en contact. Et même si aucune attaque n’a été répertoriée depuis longtemps, ces êtres restent encore une menace pour le vaisseau et l’existence même de l’humanité. Seuls les pilotes des sentinelles armés d’Aristats peuvent combattre ces envahisseurs. L’histoire débute quand Nagate Tanikaze, un jeune homme sorti des tréfonds de la colonie, est capturé après un vol de riz. Ayant vécu ses premières années isolé du reste de Sidonia, il découvre peu à peu ce monde. Mais qui est-il vraiment ? Pourquoi lui confie-ton immédiatement un ancien modèle de Sentinelle ? Quel est son rôle dans l’avenir de Sidonia ? Toute saga a son héros.
Nihei pour les nuls
« En a-vant combatant de la lumièèèèè-re, notre vie vous l’avez entr-e vos… » Euh… Désolé. En relisant Knights of Sidonia j’ai immédiatement eu un petit coup de revival version Robotech. Ah, Robotech ! THE anime avec des pilotes d’avions-robots combattants des extraterrestres ! Ça ne date pas d’hier certes mais les mechas est un peu au manga ce que le jeu de mot est à Astérix, une base incontournable. Celui qui n’a pas lu ne serait-ce que quelques pages ou vu quelques séries de ce genre, ne peut pas affirmer sans rougir connaître la bande dessinée ou l’animation japonaise.
Pourtant, j’ai été surpris de voir Tsutomu Nihei se lancer dans une longue série (déjà 11 volumes au japon) de ce style. Tellement surpris que je suis même allé vérifier si mon cerveau ne me jouait pas des tours. Tsutomu Nihei, auteur du mythique Blame ou du court Abara… C’était bien lui. Un auteur dont l’univers pourrait aisément se qualifier de SF punk apocalyptique. Un univers toujours particulier qui fait appel aux angoisses, aux songes, se basant souvent sur des métaphores plus complexes. Bref, dans mon monde de lecteur, Nihei est un chaînon entre la BD grand public et indépendante, un créateur exigeant demandant des efforts à son lecteur. Il m’a d’ailleurs bien souvent laissé à la porte.
Un Gauna sous une forme humanoïde
Ultra-monde et… litchi
C’est vous dire si j’avais quelques appréhensions à l’entame de ma lecture de cette saga spatiale. Mais très vite, j’étais rassuré par un départ plutôt classique : un vaisseau perdu, une menace qui plane, un jeune héros… Tout commençait bien même si le trait des visages et la multiplication des personnages rendaient parfois la lecture un peu complexe. C’est du Nihei me disais-je, un petit effort. Nous découvrons donc Sidonia en même temps que notre héros. Un monde vaste, riche et surprenant, ponctué d’humains androgynes, de clones et de manipulation génétique. Durant mille ans, la technologie humaine a bien évolué. Mais son monde, recréé de toute pièce dans le ventre de Sidonia (avec même un véritable monde marin, c’est vous dire la taille du vaisseau), est encore assez proche de la Terre des origines. D’ailleurs, l’auteur nous gratifie entre les chapitres de quelques Vues de Sidonia montrant ainsi toute la diversité de ce monde.
Ballade dans le monde marin
Très vite, l’histoire ne tarde pas à se mettre en route. Une action forte, teintée de peur et je dirais même d’horreur car ces fameux gaunas sont monstrueux et mortels aussi bien sur le plan scénaristique que graphique. Là encore c’est une marque de fabrique de Tsutomu Nihei qui nous a toujours habitués à des monstres aux traits très percutant. Comment vous les décrire d’ailleurs ? Euh… c’est ridicule mais bon. Grosso-modo, le gauna, structurellement parlant, c’est un peu un litchi. Le gros noyau à l’intérieur est le corps, la partie vulnérable. Ce dernier est protégé par l’Amnios, une matière blanchâtre quasiment indestructible qui l’entoure et prend n’importe quelle forme. Et quand je dis n’importe laquelle… Bref, je vous laisse la surprise mais je peux vous affirmer qu’il ne vous viendrait pas à l’idée de traiter un gauna de litchi si vous en croisez un dans la rue… Mais je m’égare.
Une sentinelle ? Vraiment ?
Le diable est dans les détails
Partant de ce principe de départ, l’auteur ponctue donc son récit de combat épique avec ces êtres venus d’ailleurs. Sans surprise, Nagate répond aux attentes placées en lui par la mystérieuse Amiral de Sidonia. Mais Knights of Sidonia n’est pas qu’une suite très classique de combats et de lasers dans l’espace. S’ils font partie du décor, les scènes à l’intérieur de Sidonia ont une importance croissante. Ceux qui ont déjà lu Tsutomu Nihei savent qu’il ne peut se contenter d’une ligne droite dans son scénario, ou du moins pas sous cette forme. Au fur et à mesure de la lecture, l’histoire gagne en effet en épaisseur et ce qui apparaissait jadis comme une partie du décor devient peu à peu un élément important d’une intrigue qui dépasse plus largement la guerre contre les Gaunas. Quant à Nagate, son attirance-répulsion pour ces extraterrestres interroge sur la nature même de ces derniers… Bref, nous entrons donc dans une sorte de jeu de guerre, jeu politique, thriller qui rend l’ensemble à la fois plus complexe et plus passionnant.
Le clonage c’est fantastique
Si Knights of Sidonia représente sans aucun doute l’une des portes les plus simples pour accéder à l’œuvre d’un auteur à l’univers très riche, elle n’en demeure pas moins une série fascinante. Comme toute bonne œuvre de SF, elle ouvre la voie vers de nombreux sujets (clonage, science, dialogue entre les peuples, ambition politique…). On s’attache à ce héros naïf et au destin de cette colonie futuriste, dernier bastion connu de l’humanité. Bref, un manga dans la plus pure tradition mais qui n’en reste pas moins passionnant… A recommander !
Knights of Sidonia (6 volumes parus, série en cours au japon)
Scénario et dessins : Tsutomu Nihei
Editions Glénat, 2013
Public : Ados-Adultes
Pour les bibliothécaires : une série qui a déjà dépassé les 10 volumes au Japon. Mais l’auteur n’est pas un habitué des séries à rallonge. A mon avis série importante dans ce genre.