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Chroniques BD, Recommandé par IDDBD

Ulysse, les chants du retour (Jean Harambat)

Ô  lecteur, rappelle-toi le mythe d’Ulysse retrouvant son Ithaque dévastée par la cupidité des prétendants après 20 ans d’un exil douloureux. Rappelle-toi de son arrivée grimée par Athéna sous les traits d’un pauvre berger. Rappelle-toi de la reconquête du trône et du cœur de sa bien-aimée Pénélope. Découvre une relecture à la fois fidèle et originale de ce mythe fondateur de la culture occidental.

« Toutes les grandes œuvres sont des Iliades ou des Odyssées »

L’Odyssée ou « comment Ulysse a galéré pour rentrer chez lui après la guerre de Troie » fait partie de notre culture collective. Même sans avoir lu en profondeur les poèmes épiques du vieil Homère, qui n’a pas entendu un jour l’histoire du Cyclope ou l’effroyable récit des envoutantes mais mortelles sirènes ?

Dans Ulysse, les chants du retour,  Jean Harambat s’attaque à un plus de 2500 ans d’histoire littéraire. Il se concentre avec fidélité épisodes couvrant les aventures d’Ulysse sur Ithaque, soit les chants 13 à 24 (pardon XIII à XXIV ça fait plus classe) pour être précis. Mélangeant textes originaux et réinvention de dialogues, on retrouve les éléments narratifs qui ont fait de l’histoire d’Ulysse, un mythe traversant les âges : la figure du roi déchu,  la noblesse de la paysannerie, la fourberie des prétendants, la fidélité et la force de Pénélope, la vengeance implacable.

Côté graphisme, si j’ai parfois eu l’impression d’influence « Nouvelle BD » – notamment par trait et le traitement de la couleur qui rappellent un peu Christophe Blain ou Joann Sfar –  j’ai surtout apprécié le rappel de représentations issues des céramiques grecques antiques. A l’image de son écriture, Jean Harambat adapte avec modernité sans dénaturer. Résultat, l’ensemble est cohérent, fluide et efficace.

Mais quel est l’intérêt de cet album sinon une énième adaptation (réussie) d’un récit connu de tous ? Le lecteur attentif aura distingué ce petit détail surprenant sur la 4e de couverture : la présence d’une camionnette remplie de poule. Je ne suis pas spécialiste de nos amis gallinacés mais des poules au 10e siècle avant notre ère ça ne me choque pas. En revanche, une camionnette…

Le jeu de la double lecture

Quelle drôle d’idée ?! Non, rassurez-vous, Jean Harambat n’a pas craqué avant la fin ! Au contraire, il doit être assez content de lui avec son idée d’intercaler entre les chants homériques des petites histoires contemporaines où nous découvrons une galerie de personnage commentant le récit à leur manière. Ils sont historiens spécialistes des mythes grecs, bibliothécaire de l’unique établissement spécialisé sur Ithaque, cinéaste, ancien otage au Liban, journaliste, architecte, écrivain et j’en oublie sans doute.

Loin d’être des anachronismes, ces petites historiettes sont des respirations plus ou moins courtes qui créent le lien entre passé et présent, comme pour éclairer le fil rouge que forme cette histoire dans notre civilisation. En ajoutant ces petites passages, Il transforme complètement notre vision et, sans oublier la narration, il nous propose d’ouvrir les portes en nous fournissant des clés d’analyse. Ainsi, Ulysse, les chants du retour dépasse largement le cadre d’une mise en image de l’Odyssée.

Car ces différents aspects montrent les richesses de l’œuvre littéraire sans sa forme, sa construction et sa symbolique. Il interroge la figure héroïque d’Ulysse. Pourquoi est-il encore plus populaire qu’Achille, autre grand héros de la Guerre de Troie ? Pour son intelligence ? Ses aventures ? Pour ce côté ordinaire qui fait d’un roi grec un simple jouet du hasard, l’anti-héros qui peine à retrouver les siens. Là encore, on aborde des thèmes dépassant le temps. Le retour à la vie normale après de longues épreuves, revenir chez soi quand tout a changé durant son absence. Dans bien des aspects, ces mythes sont d’une incroyable modernité.

La qualité du travail de Jean Harambat repose là-dessus. Montrer la modernité, l’intemporalité des grands mythes fondateurs, donner des clefs, faire parler ensemble héros de l’histoire antique et humain du 21e siècle.  Un histoire universelle, grande et marquante. Un bel hommage. Superbe !

Un livre sélectionnée pour le FIBD 2015 et dans une moindre mesure, pour le prix « Hors les Murs » du festival de Darnétal 2015. Les votants sont les prisonniers des établissements de Haute-Normandie. C’est vous dire si le sujet du retour chez soi est parfois parlant.

A lire : les 32 premières pages sur le site d’Actes Sud

Ulysse, le chant du retour (one-shot)
Scénario et dessins : Jean Harambat
d’après Homère
Éditions : Actes Sud, 2014 (26€)

Public : Adulte
Pour les bibliothécaires : Essentiel.

Chroniques BD, Recommandé par IDDBD

Chronique | Les Noceurs (Brecht Evens)

Ce soir, Gert organise une soirée chez lui. Les invités arrivent, tous attendent la venue de Robbie. Robbie est LA star des nuits de la ville, LE type incontournable. Robbie fascine les foules, séduit les femmes et est copié par les hommes. Mais Robbie tarde à venir. Quant à Naomi, elle prépare sa soirée…

Fascination et témérité

Outre le fait d’avoir pu retrouver les amis de KBD à Angoulême cette année, la chose pour laquelle je n’ai pas regretté le déplacement a été sans aucun doute l’exposition consacrée à  La Boite à Gand et en particulier au travail de Brecht Evens (souvenez-vous), prix de l’audace en 2011 pour Les Noceurs. Comme je vous l’avais expliqué, j’ai été surpris par ces dessins constitués de couches successives s’empilant les uns sur les autres sans jamais se mélanger et formant pourtant un tout. J’ai été troublé par l’atmosphère spéciale émanant de cet univers. Finalement, je suis sorti complètement séduit graphiquement tout en me demandant si cette bande dessinée-là n’était pas finalement bien trop conceptuelle pour mon petit cerveau.

Bref, en terme diplomatique, j’avais juste un peu peur de m’ennuyer dans les mêmes proportions que lors d’une projection d’un film documentaire de 1933 de Dziga Vertov en russe sous-titré en anglais juste après le repas (c’est du vécu, si, si !). La qualité est là mais qu’est-ce qu’on… Bref, c’est dire si j’avais une certaine appréhension quant à l’entame de ce livre.

Sens du trait

Et bien non.

Je me suis retrouvé quelques mois plus tôt dans la salle d’exposition, retrouvant cette même fascination, cette sorte d’hypnose qui m’avait scotchée devant plusieurs tableaux. Même imprimé, le travail de Brecht Evens reste un moment d’étonnement presque enfantin. Coup de chapeau aux imprimeurs car la qualité de l’impression est indéniable. Son dessin, loin des canons académiques qui veulent que les personnages soient reconnus à leurs visages, est parfaitement adapté à l’atmosphère de son histoire. Des halos de couleurs qui forment des silhouettes, des traits pour en faire des visages humains et nous voici dans ce monde.

Car à l’image d’une œuvre comme Cages de Dave McKean, l’intérêt de cette œuvre n’est pas spécialement dans l’articulation habituelle scénario/dialogue/dessin. L’univers graphique développé par Brecht Evens au fil de ses pages est si présent, si fort de signification qu’il laisse des miettes à des dialogues dont on pourrait presque se passer. Dans les Noceurs, la place n’est pas donnée aux mots mais aux traits, parfois innombrables, parfois unique. Ils sont autant de sensations, autant d’expression du message. Car, même si l’auteur s’amuse à casser les codes habituels de la narration en bande dessinée – notamment par la multiplication de planches complètement déstructurées du point de vue de la lecture – l’album est pensé avec une grande justesse.

Carnaval de nuit

D’ailleurs, la couverture est à l’image de cet album, c’est à la fois un flot continu de perceptions contradictoires (malaise, sensualité, onirisme, perte de repères, excitation, folie…) et une progression constante vers un but. Brecht Evens ne raconte pas une histoire dans ce livre, il expose un monde. Un monde parallèle, nocturne, presque fantasmagorique, qui nous apparaît dans toute sa démesure et qui colle parfaitement au graphisme de l’auteur. D’un petit appartement où l’on attend en s’ennuyant, à la boite branchée, temple de la religion nocturne, on découvre le petit peuple des Noceurs, une société divisée en classe.

Le chef est Robbie le magnifique, nimbé de bleu, chef incarné, légende nourrit de mille anecdotes. A ses bottes, arrive la multitude, la cour cherchant la lumière auprès de leur Roi. Puis, les non-initiés symbolisés par la candide Naomi, jeune femme en rouge du petit peuple, découvrant ce monde. Et enfin, Gert, le loser, l’exclu aux traits verdâtres qui ne comprend rien, ni à lui-même, ni aux autres. Pourtant, il est l’ami intime du chef… Mais connaît-on vraiment les légendes ?

Au bout de l’histoire, on se pose la question de la signification de cet album. Y’a-t-il un message ? Sans aucun doute. Mais la grande force de cette « histoire-qui-n’en-est-pas-vraiment-une-ou-enfin-si-mais-non » est de laisser toute sa place aux lecteurs. Étrangement, il est facile de se glisser dans ces personnages silhouettes. Paradoxalement, ils ont beaucoup d’humanité. Finalement, le lecteur prendra la place qu’il souhaite dans cet espace, comme un jeu de rôle. Chacun aura une réponse, chacun sera marqué, car chacun a connu un jour où l’autre ce monde de la nuit où les normes et les valeurs changent… A Paris, Gand ou Tokyo, les Noceurs sont là… silhouettes dans la nuit.

A lire : les chroniques enthousiastes chez Mango et Littérature graphique
A lire (aussi) : la chronique moins enthousiaste de Legoff, compère de KBD
A voir : la fiche album sur le site d’Actes Sud

Les Noceurs (one-shot)
Scénario et dessins : Brecht Evens
Traduit du néerlandais par Vaidehi Nota & Boris Boublil
Editions : Actes Sud, 2010 (22€)

Public : Adulte
Pour les bibliothécaires : un auteur à moitié fou qui vous dézinguera votre rayon roman graphique. Indispensable !

Chroniques BD

Chronique | Las Rosas

scénario et dessins : Anthony Pastor
Editions : Actes Sud/L’An 2 (2009) – 20€
Public : adulte
Pour les bibliothécaires : un album intéressant pour un auteur qui ne l’est pas moins. Pas facile à faire sortir.

Western café

Un garage, quelques pompes à essence et autant de caravanes : bienvenus à Las Rosas, îlot perdu au milieu du désert américain. Ici, les hommes ne sont pas autorisés. Seul le shérif bedonnant et alcoolique est toléré… un peu. Un matin, ce dernier ramène dans son pick-up Rosa, une jeune femme de la ville pourchassée et enceinte. Elle s’installe, travaille au café avec Marisol la patronne et découvre peu à peu les secrets de ce lieu.

Las Rosas est un étrange objet, un western aux allures d’un Bagdad Café, un pavé imposant où l’attente reste le maître mot. Attendre le retour d’un fils, la naissance d’un enfant, la mort ou le pardon, attendre la découverte de la vérité et la disparition des fantômes : Las Rosas ne raconte presque que cela. Et pourtant, sans trop savoir pourquoi, on est entraîné dans ce récit grâce à son atmosphère à la fois repoussante et fascinante aidé par un découpage très « cinématographique » et un dessin simple mais efficace.

Las Rosas c’est aussi une galerie de personnages à la fois classiques et originaux. Si on y retrouve les grandes figures du western – le vieux shérif, le dur, le bandit mexicain, le candide et le héros arrivant sur son cheval comme un libérateur – c’est pour mieux les transformer. Ici le shérif est alcoolique, le dur est une femme (et encore je ne dis pas tout), le bandit est touché par la grâce, le candide est enceinte et le héros sort d’un hôpital psychiatrique… C’est vous dire si les codes sont transformés et si le récit emmène sur des chemins pour le moins inattendus.

Las Rosas est une œuvre pour le moins surprenante. Il faut y pénétrer tranquillement, sans être pressé par le temps car sa lecture est longue et parfois exigeante. Non pas qu’Anthony Pastor parte dans des délires métaphysiques mais le récit n’est pas constitué d’une action linéaire mais de multiples points de vue. L’histoire se battit comme un puzzle, à partir de confidences et de dialogues, à partir de non-événement beaucoup plus évocateurs que de grands rebondissements. Peu à peu, durant 3 longs chapitres, le puzzle prend forme et la vérité éclate pour révéler les blessures inavouées.

Anthony Pastor signe encore un album de qualité dans la même veine qu’Hôtel Koral. Un récit fascinant battit sur un faux rythme, distillant l’intrigue gouttes après gouttes, prenant au piège le lecteur. Bref, un album aux antipodes des milliardaires bondissant ou des agents secrets. Un univers pour les amateurs de grandes fresques.

A lire : la chronique sur sceneario.com

A lire : la chronique d’Yvan

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