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Chroniques BD

Chronique | Raspoutitsa

scénario et dessins de Dimitri
Albin Michel (1989)
Public : Adulte
Pour les bibliothécaires : Très bon album au graphisme vieilli. Peu plaire aux amateurs de la BD classique des années 70/80. Pas de nouvelles éditions récentes cependant.

Voyage vers la douleur

C’est au milieu de la collection de la médiathèque que je suis tombé sur cet album. Je ne flânais pas, j’auscultais le fonds histoire de voir s’il était possible de faire un peu de place dans des bacs un peu trop serrés. Je ne vais pas vous parler de la longue plainte du bibliothécaire qui, comme le jardinier à la fin de l’hiver (enfin je crois), doit tailler un peu les arbustes pour qu’ils repoussent encore plus beaux. Nous, en bibliothèque, on appelle ça du désherbage… Mais l’idée est un peu la même.

Mais bon là n’est pas mon propos. En passant machinalement les albums un à un, je découvre Raspoutitsa. Bien usé par les lectures que l’on devine nombreuses. Bien usé également par le temps :  le graphisme, le découpage,  la couleur rappelant les meilleurs Buck Danny. D’ailleurs la première planche est un survol d’avion de guerre… Clin d’œil ? Vraisemblablement, les (r)évolutions des années 80/90 ne sont pas passées par là.  Achevé d’imprimer : 1989. Oui effectivement, ça se confirme.

Et puis cet auteur, Dimitri… ça ne me dit pas grand-chose… Bon, un exemplaire candidat pour un monde meilleur alors…  Malgré tout, je lis la première planche. Un ton direct, pas de bulles ou si peu, un récit à la troisième personne ciselé, concis, efficace. Oui c’est efficace, ça saute aux yeux. Des choix de plans et détails du dessin pas besoin d’en lire beaucoup pour le voir. Gardons-le sous le coude alors, histoire de se faire une idée plus précise.

Raspoutitsa c’est l’histoire de Steinbek, un soldat allemand fait prisonnier par les russes après la bataille de Stalingrad. Mais Steinbek aurait pu s’appeler Hans ou Dieter… Il n’est pas un héros, juste un pauvre type comme tous les autres soldats. Il aurait même pu être russe, ou anglais… Mais l’histoire a dit qu’il ne serait pas le vainqueur cette fois-ci. Certes, c’est la fin de sa guerre mais pas celle de son calvaire. Une longue marche à travers la Russie s’annonce pour tout les vaincus. Une marche vers la Sibérie et surtout vers la mort et la folie.

Finalement, cet album, je l’ai terminé. Je n’avais jamais entendu parler de l’événement historique dont il traite. Sans doute pleure-t-on moins les soldats de « l’autre camp » ? Après tout, ils étaient les « méchants ». Dimitri replace la grande histoire au niveau de l’humain, loin des habituels points de vue sur la guerre. Ici on parle de survie dans cette boue née de la fonte des glaces (la raspoutitsa en russe), de l’abandon face à la mort et au destin, de faiblesse… d’humanité. Dimitri n’abuse pas des effets. Ici, ce n’est pas de l’art, c’est de l’artisanat. Les techniques de la BD sont appliquées à la lettre en cherchant l’optimisation du récit. C’est touchant et marquant. Beau. Pas superbe ni magnifique mais réalisé avec le talent de celui qui connait son métier.

Pour la petite histoire, Guy Mouminoux alias Dimitri (alias Sajer) est né en 1927 à Paris. En 1942, il est enrôlé dans l’armée allemande (tiens, tiens). Il racontera cette histoire dans son œuvre majeure : Le soldat publié en 1967. Il commence la BD en 1946 et signe rapidement des histoires dans les magazines tels que Cœur Vaillant, L’Equipe Junior, Bravo puis plus tard Pilote, Tintin, Charlie Mensuel, L’Echo des Savanes… A partir de 1987, il signe des albums indépendants (dont Haute Mer en 1993). Bref, le parcours de M. Dimitri est une vraie histoire de la BD. (source : Dictionnaire de la BD, de Henri Fillipini)

En tout cas, je m’aperçois encore une fois qu’il ne faut jamais se fier aux apparences. Malgré un dessin surprenant, pas à votre goût, dépassé ou trop moderne, une bonne histoire bien racontée peut vous emmener où elle veut. Il est bon de fouiller dans les bacs à BD des bibliothèques, dans les vieux cartons poussiéreux ou sur les étagères des bouquinistes, on tombe parfois sur des petites mines de plaisir… Comme quoi, et je me tue à le répéter, un bon livre restera un bon livre. De votre grand âge Dimitri, vous nous donnez encore une leçon. Merci.

A lire : la bio-bliographique de Dimitri sur BD Gest’

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Chronique | Comédie Sentimentale Pornographique

scénario et dessin Jimmy Beaulieu (Québec)
Editions Delcourt (2011)
Collection Shamphooing
Public : Adultes
Pour les bibliothécaires : un très bon album d’un auteur québécois. Pas essentiel dans un fonds moyen.

Histoire de Q

Je ne partage pas vraiment l’enthousiasme des foules sur le retour de la BD érotique. C’est vrai que  ça revient à la mode, d’ailleurs même les éditeurs de BD bien commerciales vendues chez Carrefour entre les légumes et les pots de haricots verts (bios de préférence) s’y sont récemment remis… Comme quoi les popotins, ça marche toujours.
Bref, c’est vous dire, si le titre « Comédie sentimentale pornographique » ne me donnait pas franchement envie de découvrir pour la première fois l’œuvre du québécois Jimmy Beaulieu.
Mais ne cherchez pas, en ce moment je suis difficile.
La preuve, j’avais tord.

Comédie Sentimentale Pornographique est même une très agréable découverte. Je ne sais pas dans quelle mesure Jimmy Beaulieu a été influencé par la « Nouvelle BD » européenne mais une chose est sûre, son album entre dans la droite ligne éditoriale de la collection dirigée par Trondheim. On retrouve un trait faussement simpliste, très énergique et expressif. Jimmy Beaulieu fait surtout preuve d’un réel talent d’écriture. Il fait cohabiter deux histoires qui ont uniquement deux points communs : une femme et un livre. La femme c’est Corrine, petite amie de Louis Dubois, réalisateur de film pour l’argent et auteur de BD pour le plaisir. Tous les deux sont fans des romans de Martin Gariépy, lui-même amoureux d’une lesbienne nommée Annie qui est en fait l’ex de …. Corrine ! Ah oui, j’oubliais, Louis quitte Montréal pour s’affranchir de la civilisation dans un hôtel perdu (qu’il vient d’acheter) d’une région perdue.

Comédie sentimentale pornographique est donc une suite de scènes et une série de portraits liées par ces hypothétiques fils rouges que sont l’amour, les souvenirs, les fantasmes, une sexualité très assumée. Mais ici, le sexe n’est pas bardé de toute moralité ou immoralité. Il est vécu bien simplement, à la fois comme plaisir, dialogue et terreau de créativité. En fait, l’album est bien plus « érotique » que « pornographique ». Car la créativité est aussi un thème récurrent de cet album. Entre l’écrivain et le dessinateur, l’un se nourrissant du souvenir fantasmagoriques de la petite amie de l’autre, la différence n’est finalement pas si grande. La présence d’un extrait du roman écrit par Martin à chaque début de chapitre fait écho à l’une des scènes où Louis parle de son travail à Corrine.

Je ne résiste pas à vous retranscrire le dialogue :

–    Sérieux ! J’comprends pas pourquoi tu t’entêtes à faire un nouveau livre ! T’en as déjà fait 10000 !
–    Pffff ! C’est du dessin ! ça intéresse personne! Les gens veulent qu’on leur raconte des histoires!
–    Mais c’est super beau !
–    Beau, beau… on s’en fout que ce soit beau… il y tellement plus que ça dans le dessin quand on a appris à regarder au-delà de la surface.

Si au début de l’album on se dit : où va-t-on ? On se laisse entrainer peu à peu par ces vagues de sentiments et de situations contradictoires. C’est très plaisant de parcourir les envies et les sentiments de ces personnages. Et pour reprendre les propos de Louis, sous le vernis du dessin érotique on trouve une grande pudeur chez des personnages auxquels on s’attache très rapidement. Si tous ont des manières différentes de chercher, tous sont en quête de sens  par l’écriture, l’isolement ou l’amour.

Pour conclure, Jimmy Beaulieu rejoint la longue liste des auteurs de BD québécois que je relirais avec plaisir ! Avec Comédie sentimentale pornographique, il signe un album d’une extrême finesse où vulgarité et voyeurisme sont complètement absents. Un très bel album où poésie et onirisme règnent en maître. Merci à Babelio et à leur opération Masse Critique de m’avoir fait découvrir cet album !

A découvrir : le blog de Jimmy Beaulieu

A lire : la chronique de Sud-Ouest

A lire : un entretien (rapide) avec Jimmy Beaulieu

A noter : cette chronique a été faite dans le cadre de l’opération Masse Critique de BabelioCliquez ici pour voir les autres critiques sur cet album

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Chronique | Village Toxique

Scénario Grégory Jarry
Dessins Otto T.
Editions FLBLB & Le Nombril du monde (2010)
Public : Adultes
Pour les bibliothécaires : Une bonne acquisition. Dans la lignée de leurs albums précédents (13€)

Il ne faut prendre les gens pour des c… (mais il ne faut pas oublier qu’ils le sont)*

En 1987, l’état français avait sélectionné d’un commun accord avec lui-même 4 sous-sols afin d’accueillir les déchets nucléaires (et juste un peu radioactifs) générés par les centrales nucléaires. Comme par hasard – ce petit malin faisant toujours bien les choses – ces 4 régions étaient plutôt du genre rurales, en théorie pas trop habituées au grand charabia politico-financier… pour ainsi dire des péquenots. Oui mais, comment dire ? Il y eu comme un caillou dans le chabichou pour les grands penseurs technocrates. Dans les Deux-Sèvres – et les autres départements d’ailleurs – les « paysans » n’étaient pas tout à fait prêt à se laisser faire. Et c’est ainsi que la lutte commença…

Nous avions quitté Grégory Jarry et Otto T. après La Conquête de Mars, une réécriture ucrhonique de l’histoire où les nazis partaient vers la planète rouge. Avant cela, nous les avions découverts avec une ré-interprétation tout aussi comique de la Petite histoire du Grand Texas. Aujourd’hui, c’est toujours avec un style et un humour propre à leur duo que nous les retrouvons dans un livre à mi-chemin entre la pochade grinçante et le documentaire cynique…

Grégory Jarry et Otto T. jouent toujours sur ce décalage constant entre un petit texte court, documenté, descriptif, quasi-journalistique (le narrateur de Village Toxique est Yves Mourrousi c’est dire !) et ce dessin dynamique, réduit à la portion congrue (des ronds, quelques traits par-ci par-là) mais toujours très expressif.  On pourrait se dire : « oui bon maintenant on connaît ça va hein ! » et bien non ! Ca marche toujours. Plus on avance dans le récit, plus les textes deviennent précis et plus les dessins partent en vrille. Ce fossé est le moteur de cet humour à part.

Mais il ne faut pas s’y tromper car sous un masque bon enfant, cet album aborde des thèmes dépassant l’histoire principale. Village Toxique est un livre politique, au sens le plus noble du terme, sur des notions comme l’engagement, le respect de l’autre, l’écoute, le partage, le devoir citoyen. Cette histoire d’éleveur de chèvres (ou de petits ouvriers) s’élevant contre les plus hautes autorités de l’Etat a des airs de Robin des Bois. Il faut l’avouer on aime bien prendre le parti du soi-disant plus faible. Cependant, cet album se veut engagé ET didactique. Ici, les traits d’humour ne sont jamais gratuits et les flèches font mouche mais elles sont surtout décochés avec le travail documentaire et le talent nécessaire pour toucher la cible. Au bout du compte, même si parfois c’est un peu jaune on sourit beaucoup et on s’attache à ces gens comme s’ils étaient nos voisins (surtout que pour ma part c’était le cas).

Bref, encore une fois, les deux lascars des éditions FLBLB ont réussi leur coup : mettre le doigt sur une histoire qui a fait mal aux uns (les politiques) et montrer la grande solidarité des autres. Seul bémol, le nouveau format « album classique » que je trouve moins pertinent que leur petit format à l’italienne. Mais peu importe, en format à l’italienne, en classique, sur des pages des 3x3m ou sur écran, nous vous conseillons de lire ce très bon album. Un album rappelant aussi que la lutte pour vivre librement dans un monde sain n’est jamais terminée.


A découvrir :
le site des éditions FLBLB (retrouvez les dates de dédicaces)
A découvrir : le spectacle du conteur Nicolas Bonneau tiré de cette histoire
A lire : la page consacrée au livre sur le site de Sortir du nucléaire
A lire : la chronique de Sceneario.com

ps : le titre est une citation tirée d’un sketch des Inconnus (on a les références qu’on peut, hein !)

Chroniques BD

Chronique | Sarah Cole, une histoire d’amour d’un certain type

scénario et dessins de Grégory Mardon
d’après la nouvelle de Russell Banks
éditions Futuropolis (2010)
Public : adulte
Pour les bibliothécaires : Grégory Mardon, auteur peu reconnu mais toujours très bon. Une valeur sûre !

Le Prince et la grenouille

Il est beau, musclé, calme, intelligent, riche et célibataire depuis peu. Le soir, il traine souvent dans ces bars huppés où se rencontre avocats et courtiers en bourse. Elle, la quarantaine, pas vraiment une gagnante de concours de beauté, divorcé, 3 enfants, une attitude qui cache difficilement son milieu social, populaire évidemment. Pour oublier la solitude et son boulot de mise en carton dans une imprimerie, elle sort avec ses copines. D’habitude, elle évite ce genre de bar huppé où se mêlent avocats et courtiers en bourse…

Grégory Mardon fait partie de ces auteurs peu connus des médias mais impeccablement régulier dans la qualité de leur travail. Je l’avais découvert avec Vagues à l’âme en 2000, récit biographique et imaginaire de son grand-père marin, un récit assez proche de Big Fish de Tim Burton. Depuis, c’est toujours avec plaisir que je découvre ses œuvres (Corps à Corps, Leçon de choses, Incognito…). Ici, Grégory Mardon s’attaque à l’adaptation d’une nouvelle très connue de Russel Banks, grand auteur américain dont l’un des thèmes de prédilection est la description du monde du petit peuple. Bref, c’est dire si le travail n’était pas aisé.

Dans ces cas-là, le plus difficile est de ne pas se laisser manger par l’œuvre originale. Or, Grégory Mardon évite cet écueil en très bon scénariste qu’il est. Comment ? Tout simplement en  en faisant le moins possible. Ici, les silences sont de rigueur et le trait, doublé d’un sens de la mise en scène et du découpage très précis, fait le reste. Les regards en biais, les sourires en coin, l’isolement de l’un et la vulgarité de l’autre, la lâcheté aussi… Tout cela est mis en exergue par une succession de cases, bien pensées, bien posées, silencieuses. Et c’est ainsi que les mots prononcés prennent sens dans la bouche des deux protagonistes jusqu’au moment où le monde des apparences et les fossés sociaux sont les plus forts. Les contes de fées sont pour les autres, ici, dans le monde de Russell Banks, et par appropriation dans celui de Grégory Mardon, les princes n’embrassent pas les grenouilles ou alors, c’est juste sous le coup d’une inspiration malsaine ou par pitié… jusqu’au moment où il se reveille de sa gueule de bois.

Encore une fois, Grégory Mardon est juste sur toute la ligne. Une très belle adaptation littéraire dans la lignée d’album comme Shutter Island ou Pauvres z’héros. Sans trop en faire, il restitue parfaitement l’atmosphère de cette étonnante et poignante nouvelle de Russell Banks.

A découvrir : la fiche album sur le blog Futuropolis
A lire : pour preuve qu’on ne dit pas toujours que des imbécilités sur IDDBD, voici la chronique du blog du journal Le Monde


A noter (encore une fois) : Sarah Cole
fera l’objet d’une présentation (par votre humble serviteur) lors de la soirée Rentrée Littéraire du 5 novembre 2010 à la librairie La Compagnie des Livres à Vernon (27). N’hésitez pas si vous passez dans le coin (20h30 !). J’y présenterai également Château de Sable et Fais péter les basses, Bruno !

Chroniques BD, Interview

Chroniques de vacances #8 : Le Blog de Martin Singer

Bigger Than Life

Dans le monde des blogs BD, il y a ceux qui racontent leurs achats de chaussures, la vie de leur chat, leur dernière soirée, ceux qui font dans du kawaï (rien à voir avec une célèbre marque de vêtements imperméables), des mangas-camemberts ou des dessins politiques. Il y a les grands noms qui s’amusent et les petits qui cherchent à se faire découvrir. Et puis, il y a les perles, les ovnis, des blogs qui sous des couverts de normalité cachent des petits bonheurs de vachardises, de bon mots, des dessins à la finesse rare (sous réserve d’être assez ouvert pour comprendre le 6 ou 7e degré). C’est dans cette catégorie que je classerai Bigger Than Life, le blog de Martin Singer.

Il ne m’a fallu qu’une visite pour devenir vraiment fan de cet humour noir. J’ai même été parfois remué par les propos politiquement incorrects. Alcool, sexe, mysoginie,  Martin Singer rit de la vieilliesse et de la mort, fait tourner les féministes en bourrique, joue avec les valeurs morales et l’assume avec autodérision et détachement. Il est drôle, irrévérencieux comme les vrais humoristes savent l’être. Bien entendu les culs pincés auront vite fait de condamner l’espèce de folie douce émanant de ses dessins. Ils prouveront encore une fois que le regretté Pierre Desproges (le grand maître de l’humour irrévérencieux) avait raison (vous savez : « on peut rire de tout… »).

Convaincus ? Pas encore ? Alors, je vais laisser Martin Singer vous expliquer lui-même de quoi il en retourne. Ce dernier a bien voulu répondre à nos pseudo-questions pseudo-journalistiques. Et ça vaut bien toutes les chroniques écrites avec les pieds, non ?

IDDBD : Martin Singer bonjour, peux-tu te présenter ?
Martin Singer : Je suis prof dans une école d’art périscolaire de province et mon blog s’appelle Bigger than life en hommage à tous ceux qui ne rentrent pas dans les cases.

IDDBD : Alcool, sexe, déprime, misogynie, bref de belles valeurs totalement saines dans notre société où le retour à la bonne morale est au goût du jour. Peux-tu qualifier ton travail sur le blog de « mauvais goût » ?
MS : Pour faire un mot prétentieux, je dirais que je lui trouve du goût et un goût pas si mauvais que ça. Mais je m’inscris en faux: je suis pour le retour des bonnes vieilles valeurs morales ! Je milite pour des sentences qui fleurent bon la France d’antan: l’humiliation cul nu en place publique par exemple.

IDDBD : …dans la lignée des Fluide Glacial et autres Echos des Savanes ?
MS : J’aimais beaucoup Edika, son humour absurde et ses filles bien proportionnées…mais pourquoi limiter ses influences à la bd ? J’aime aussi Samuel Beckett et les Beatles.

IDDBD : Est-ce que choquer est un petit plaisir de fin gourmet ?
MS : Je ne veux pas choquer dans les dessins que je fais mais dans les sous-entendus qu’ils recèlent. C’est un réel plaisir quand j’y arrive.

IDDBD : As-tu demandé ta carte au MLF ou vraiment c’est décidé elles ne peuvent plus te sentir ? Elles ne partagent peut-être pas ton humour ?
MS : J’ai eu des commentaires agressifs de la part de certaines filles mais sans plus. Ce n’est pas qu’elles ne partagent pas mon humour, c’est qu’elles en sont dépourvues.

IDDBD : Comment les femmes de ton entourage prennent-elles tes dessins ?
MS : Je tiens à ma vie: il n’y a aucune fille dans mon entourage !

IDDBD : Déjà deux albums publiés (mais pas encore lu, désolé) et Fox, un album en publication sur le web. Dans ce dernier, tu empruntes le point de vue d’un SDF et y montre le nécessaire instinct de survie dans la rue : est-ce une BD militante ? Ou c’est simplement l’envie de montrer les choses sous un angle différent ?
MS : J’ai un copain directeur d’une structure qui aide les SDF à se loger. Quand je lui ai parlé du projet et fait lire quelques planches, il m’a encouragé à continuer car il trouvait que ça parlait des SDF d’une façon réaliste et sans fioriture, c’est tout.

IDDBD : Te considères-tu comme un auteur à la Boulet (avec un parti pris très artistique sur le blog), ou le blog c’est juste un exercice pratique d’auteur de BD ?
MS : Le blog me permet d’expérimenter au niveau graphique et il a pris de l’importance quand j’ai remarqué que de plus en plus de monde le suivait. Au départ, je l’ai fait uniquement pour promouvoir mes albums. Résultat: plein de monde suit le blog et personne n’achète mes bds.

IDDBD : Dernière petite question, traditionnelle sur IDDBD, as-tu des conseils de lectures à nous donner ?
MS : Concours de circonstances et Gondoléances de Martin Singer. (faut bien que je paye mes impôts !)

Merci beaucoup à Martin Singer pour ses réponses… et en un temps record ! Et n’oubliez pas ses bons conseils… que nous tâcherons de suivre ici.

A découvrir : Bigger Than Life, le blog de Martin Singer
A lire : Fox, LE webcomic de l’été
A découvrir : les albums de Martin Singer sur le site des éditions Warum (avec en prime une interview comme il faut)

Chroniques BD

Garulfo

scénario d’Alain Ayroles
dessins de Bruno Maïorana
Editions Delcourt (Terres de Légendes)
6 volumes

Cloaque Humanitaire

Il était une fois l’histoire d’une grenouille prénommée Garulfo. Exaspérée par sa modeste et fragile condition d’amphibien, il décida – car Garulfo était un mâle, les grenouilles n’étant pas les femelles des crapauds – de devenir ce qui se faisait de mieux dans la condition terrestre : un homme ! Après une rencontre avec Madame la fée (qui est soit dit en passant est autant bonne fée que la non moins fameuse Radada), le voici plongé dans la dure réalité du monde féodal et sauvage de l’humanité.

Qu’est-ce qui est bon dans Garulfo ? Et bien tout, rien que ça ! L’univers d’abord. Il se nourrit des contes de l’enfance et des adaptations de ces derniers, allant y chercher images et personnages afin de remanier le tout dans de sempiternelles galipettes scénaristiques. Ainsi, le récit prend une profondeur surprenante pour ce genre de bd, la multiplication des personnages, des références, des petits détails prenant soudainement une importance inattendue ajoute à chaque fois un peu plus de piment à une histoire à priori simple.

L’écriture ensuite, celle d’Alain Ayroles (à ne pas confondre avec François, plutôt édité chez L’Association), le papa du nom moins mythique De Capes et de Crocs. Ici aussi, on retrouve ce même plaisir des (bons) mots, des dialogues ciselés et des surprises à chaque coin de case. La douce naïveté de son personnage principal, la cruauté et l’idiotie de la race humaine fournissent sans cesse des situations décalées et logiquement humoristiques. Alain Ayroles prend un malin plaisir à décortiquer les contes et à malmener ses figures emblématiques (du pourfendeur de dragon à la princesse bimbo). Mais l’idée principale, prendre une grenouille comme héros principal d’un roman d’apprentissage, un des thèmes favoris des conteurs/auteurs depuis la nuit des temps, est déjà en soi très iconoclaste.

Et enfin, le dessin celui de Bruno Maïorana, superbe dessinateur s’amusant autant à glisser des détails qu’à créer des décors somptueux et variés. Vous vous baladerez dans les bois, les châteaux, dans l’antre d’une sorcière, vous exploserez de rire en découvrant les attitudes des personnages et serez peut-être intimidé et curieux devant des scènes grandioses. Et tout cela dans un univers graphique très cohérent.

Garulfo est, dans le bon sens littéraire du terme, une vraie farce. Entre conte et pièce de théâtre où rebondissements et situations farfelues se mêlent aux petites attaques sur les travers de l’humanité. Mais Garulfo, c’est surtout deux auteurs qui ont pris une immense plaisir à façonner leur petite histoire de grenouille découvrant les joies de l’humanité. Évidemment, ce plaisir est communicatif et se transmet au travers de la lecture des deux « livres » constituant la série (tome 1 à 2, puis de 3 à 6). Sans aucun doute, Garulfo laissera forcement une marque différente dans votre esprit. Celle d’un petit sourire et d’une espèce de nostalgie inhérente à l’univers des contes.

A lire : l’interview d’Alain Ayroles dans BD sélection
A lire : la chronique de Mo’ la fée

Attention : cette chronique s’inscrit dans le Challenge BD lancé par Mr ZOMBI et auquel participe IDDBD

Chroniques BD

Engagez-vous qui disait !

Dol (scénario et dessins de Philippe Squarzoni, Les Requins Marteaux, 2006)

En 2006, un an avant l’élection de qui-vous-savez, un pavé plus que conséquent paraissait chez Les Requins Marteaux. Son auteur avait déjà signé auparavant un diptyque remarqué (et remarquable) : Garduno en temps de paix & Zapata en temps de guerre. Partant d’un petit village mexicain, il y évoquait la mondialisation et ne se privait pas de décortiquer et de critiquer toute la sauvagerie d’un système. Si, dans une boutade dont il avait le secret, Desproges se disait artiste « dégagé« , Philippe Squarzoni se présente comme son contraire. Membre de la première heure du mouvement ATAC, il est de ces noms devenus incontournables lorsqu’on évoque une bd franco-belge militante.

Ainsi, après la mondialisation, Philippe Squarzoni s’attaque à la politique française des années Raffarin et reprend une formule déjà utilisée dans ses albums précédents. Dol est construit comme un reportage télé : multiples interviews de spécialistes face à la « caméra » (économistes, journalistes, sociologues, élus),  graphiques et images commentées, narration à la première personne, science du corrosif et de la question rhétorique. Tout cela dans un style graphique changeant, allant du montage d’images aux crayonnés les plus simples en passant par des caricatures élégantes et bien souvent efficace. Dans l’ensemble, les enchainements entre les sujets et les images sont naturels et la lecture se fait, avec concentration certes, plutôt facilement. Tout cela avec un seul souci : expliquer le plus clairement possible les éléments d’une politique complexe.

Cette façon d’utiliser la BD, comme support de démonstration d’idées politiques, la plonge dans un champ relativement nouveau. Bien entendu, la BD n’a pas attendue Philippe Squarzoni pour s’engager, beaucoup de grandes BD sont nés dans les pages de la presse quotidienne, mais Dol est véritablement un essai politique déguisé en bande dessiné… Je dirais même plus, une bande dessiné déguisé en essai politique. Ici, l’auteur utilise les règles narratives de la BD au profit de sa démonstration. Rythme des cases, gestion des effets,  les interviewés se succèdent face à la caméra et l’histoire se met en place… comme une œuvre de fiction ! Oui mais voilà, on parle politique et le narrateur nous le rappelle. Peu à peu, le message passe… Place au débat !

La politique étant une chose trop sérieuse pour être confiée à des blogueurs BD, le rôle d’IDDBD n’est pas d’analyser ce contenu. Ni même de dire si telle ou telle démonstration est fausse ou biaisé. Le point de vue est clair, chacun son opinion… L’intérêt de cet album est aussi dans sa forme. Cependant, Philippe Squarzoni pose avec une extrême rigueur, un humour juste et un talent certain de vraies questions et force le lecteur à la réflexion. Clairement, Dol n’est pas une bande dessinée faite pour se vider la tête, mais plutôt pour la remplir… C’est une définition assez juste d’un bon livre, non ?

A lire aussi : Garduno… et Zapata… (site des Requins Marteaux)
A découvrir : la fiche album et une interview de Philippe Squarzoni (toujours chez les Requins)

Attention : cette chronique s’inscrit dans le Challenge BD lancé par Mr ZOMBI et auquel participe IDDBD

Chroniques BD

Welcome to the Death Club

(scénario et dessins de Winshluss, 6 pieds sous terre/Cornélius (2002), (2010) )

Quand vous aimez l’humour noir, quand Les Idées Noires de Franquin sont autant de textes sacrés pour l’athée que vous êtes, le titre même de cet album à quelque chose d’attirant.

Pour la plupart issues de la magnifique et démoniaque revue Jade (oui, je soupçonne les gens de 6 pieds sous terre d’avoir pactisé avec le démon pour réaliser leur revue !!), ces nouvelles de Winshluss sont des petites pierres à l’édifice de l’humour sombre, décalé, franchement gore et politiquement incorrect. Vous, ô ami respectueux de la belle BD, du beau graphisme, de la belle morale à la fin qui finit bien, du scénar’ qu’ont a vu 10 fois, de la série à 19 tomes qu’on vous remet un 2e cycle derrière parce que la vache a encore un peu de lait, passez votre chemin. Welcome to the Death Club est une insulte à tout ce que vous aimez, mais certainement pas à la bande dessinée.

Si le dessin reste en noir et blanc (revue Jade oblige), on retrouve déjà ce trait énergique à la fois expérimental et très inspiré des comics underground. Winshluss s’amuse et varie son trait en fonction de ses besoins. Mettant tour à tour en scène, et sans aucun dialogue, un écrivain bohème, un détrousseur de cadavres, le fils de la mort rêvant d’être un ange, la Mort elle-même passant un bien mauvais quart d’heure au bord d’une route, un mécano rêvant d’être célèbre, bref toute une galerie de personnages qu’il va maltraiter au plus haut point. Winshluss joue avec les petits et les grands travers de l’humanité pour rendre ses histoires encore plus cyniques, sordides, immorales… et drôles. Car ne l’oublions pas, l’humour noir est ici la règle d’or. Et quand l’humour noir devient satire sociale, alors on atteint des sommets dans le macabre.

Évidemment, cet album est bien en-dessous du chef d’œuvre stratosphérique qu’est Pinocchio (ne cherchez pas il n’est pas encore sur IDDBD). Mais Welcome to the Death Club est une petite pépite à lire et à relire les soirs de dépr… Euh, non quand il fait beau et que vous venez d’avoir une augmentation.

A noter, initialement publié chez 6 pieds sous terre en 2002, l’album a été réédité (en version augmentée) en 2010 par Cornélius avec toujours ce même souci de qualité. On les en remercie (encore) !

A lire : les chroniques sur Le Cafard Cosmique et Fluctuatnet
A voir : le reportage de l’emission Kultur sur Arte consacré à Winshluss et son Pinnochio

Attention : cette chronique s’inscrit dans le Challenge BD lancé par Mr ZOMBI et auquel participe IDDBD

Chroniques BD

Le Retour du p’tit bolet

Litteul Kévin T.8 (dessins et scénario de Coyote, ed. Le Lombard, 2009) 

Au-delà de la nuit dans le Kalahari
Le lion va rugissant comme un gros chat qui miaule…

Ceux qui connaissent la fin de cet authentique joyaux poétique peuvent entrer dans la cabane des lions, les autres devront avoir lu les aventures du plus jeune biker de l’histoire de la BD pour connaître la fin.
Dans la précédente chronique, je vous avais parlé du petit plaisir de revenir dans les lieux que l’on sait agréable. Plus heureux encore est de retrouver, après bien des années d’attentes, les amis perdus de vue. Dans une certaine mesure, les héros de BD sont autant de copains que l’on attend avec impatience au fil des parutions.
Et c’est donc avec une joie quasi-enfantine que j’ai retrouvé Kévin, Gérard (euh… Chacal), Sophie, Hulk  et tous les autres (les
Lions et les frères du Club) et bien entendu la poésie du Kalahari. Si tous ces noms n’évoquent rien pour vous alors il est grand temps, ô chanceux que vous êtes, d’ouvrir les albums de Litteul Kévin, dessiné par Coyote.
On les avait quitté en 2003 dans le tome 7, à l’époque ils s’envoyaient en l’air dans les alpes en pissant sur les castors (non, le
s marmottes) et on les y retrouve (avec de la couleur pour l’édition simple, noir et blanc pour la collector) toujours présent. Nous avons quelques années de plus et eux n’ont pas pris une ride.

Après 6 ans d’attente, on retrouve cet humour biker décalé, la famille de Kévin étant tout sauf aux normes, les jeux de mots foireux (ou pas) et surtout la grande tendresse de Coyote pour ses personnages. Et, pour ce nouvel opus, il a fait le choix de mettre en lumière des personnages secondaires (et d’en introduire de nouveaux) en particulier la belle-mère « adorée » de Chacal. Et c’est sous un jour nouveau, et dans des situations toujours aussi cocasses que Coyote nous fait rire. Comme d’habitude, l’album est composé d’historiettes qui se succèdent pour autant de moments-clefs de la vie de nos héros. Ici, pas de cynisme ou d’humour noir, juste un mélange d’humour (de) brut(e), de finesse et de fausse naïveté pour finalement une série qui n’est pas réservé au gros motards barbus balèzes et buveurs de Jack Daniel’s. Personnellement, à part le fait d’être gros et barbu, je n’appartiens pas à cette catégorie.

Alors bien sûr, j’aurais été sans doute plus exigeant si ce tome était sorti un an après le précédent. A mon humble avis, toutes les histoires ne sont pas de la même qualité. Mais malgré cela, le mérite de Coyote a été de garder l’esprit original de la série tout en faisant évoluer ses personnages et leur univers. Pour le coup, c’est un retour réussi (contrairement à des livres d’or parus récemment mais je ne balance pas).
De toute manière les aficionados comme moi sauront apprécier ce retour, les autres pourront profiter du nouveau tirage de la série (chez Fluide du tome 1 à 7, Le Lombard pour le dernier) pour se pencher avec délice sur les tomes précédents.
A titre d’information, Litteul Kévin (et surtout le tome 5, l’apogée de la série) est l’une des trois séries d’humour à m’avoir fait, au sens propre, pleurer de rire. Les deux autres étant Gaston Lagaffe et Rubrique à brac. On passe vraiment pour un imbécile quand on pleure de rire en plein milieu d’une librairie, croyez-moi !

Bon, je vais m’arrêter là pour aujourd’hui alors salut mes gueules et bonne bourre !!! [Rassurez-vous c’est une citation ]

A découvrir :
le site de Coyote

Chroniques BD

Always « No future » ?

No comment (histoires et dessins d’Ivan Brun, éditions Drugstore, 2008)

Connaissez-vous l’excellente émission de la télévision publique belge Streap-Tease ? Et bien No comment d’Ivan Brun pourrait en être l’équivalent en bande dessinée !
Tout d’abord par l’approche silencieuse de celui qui donne à voir le monde. Les quelques bulles qui émaillent les cases standards (format gauffre 3 x 4) de l’album utilisent les signes de communication internationaux ($, %, etc…).
Pour le reste, les histoires se comprennent d’elles-mêmes. D’autant mieux qu’elles décrivent le monde dans lequel nous évoluons. Et si la plupart du temps nous réussissons à fermer les yeux sur la réalité qui nous entoure, lorsqu’un artiste nous la jette à la figure, nous la reconnaissons instantanément… Nous en faisons aussi partie.

Le travail d’Ivan Brun est remarquable d’acuité et d’intelligence. Bien qu’il dénonce les hypocrisies sociales, politiques et culturelles qui fondent notre société contemporaine (aussi bien en occident qu’ailleurs, du reste), Ivan Brun ne fait pas preuve d’exhibitionnisme gratuit. Tout sert son propos. Même l’économie de son trait et de sa mise en scène (que je trouve personnellement superbe…).

En définitive, No comment est une belle démonstration graphique et narrative qui, contrairement à certaines formes d’art, est aussi utile qu’intelligente…

A lire : une interview d’Ivan Brun sur le blog Black Cat Bones

A voir : quelques toiles d’Ivan Brun sur le site Diogene.ch

A savoir : les éditions Drugstore sont le nouveau nom du Vent des Savanes (racheté par Glénat)

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