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Chroniques BD

Chronique : El Borbah

scénario et dessins de Charles Burns
éditions Cornélius, 2008 (première publication en 1981)
Public : Adulte et amateur de comics alternatifs américains
Pour les bibliothécaires : Indispensable pour les fonds importants, sinon préférez Blackhole

Freak story

Charles Burns a connu un succès mondial avec Black Hole, une métaphore carnassière de la jeunesse américaine. Mais plusieurs années auparavant, il avait créé un détective au look et à la gouaille bien particulière. Mais non, ce n’est pas Colombo ! El Borbah, le détective privée aux allures de catcheurs mexicains et aux réparties fleuries constitue l’une de ses premières créations.

Comme expliqué dans le petit texte à la fin de ce recueil d’histoires, c’est en regardant par hasard un match de catch à la télévision que Charles Burns dessine les premiers croquis de son personnage. Publié initialement dans le magazine Heavy Metal, El Borbah rencontre un succès rapide et trouve sa place dans la mythique revue d’avant-garde Raw dirigée par Art Spiegelman.

A mi-chemin entre Sébastien Chabal (pour le physique) et Les Tontons flingueurs (pour les dialogues). Toujours prêt à tout pour se faire un maximum d’argent frais (ou pas, mais il n’en a rien à faire tant que c’est de l’argent), El Borbah se retrouve régulièrement dans des postures complexes face à des personnages farfelues et/ou monstrueux. Bien avant Black Hole (1994), Charles Burns aimaient déjà jouer avec le glauque et la difformité. Ici, il les prend comme des métaphores de l’esprit humain, le corps devenant une représentation véritable de l’esprit. Dans El Borbah, les méchants ont l’air méchants et les imbéciles aussi ! Impression renforcée par cette déjà grande maîtrise du dessin et ces atmosphères noires et blanches reconnaissables entre 1000.

Mais tout ceci n’est qu’un prétexte, car tout comme au catch, le lecteur se retrouve au milieu d’un jeu. L’intrigue en elle-même est moins importante que les personnages ou l’univers. Charles Burns ne cherchent pas à faire briller ses talents d’auteur de polar. Il s’amuse, joue et détourne les règles. Pourquoi ? Pour le plaisir de pointer du doigt les vices de la bonne société et des bonnes mœurs avec un joli brin de cynisme, pour rire de la bêtise humaine tout simplement.

Incontestablement, on retrouve déjà les prémisses de Black Hole dans cette première œuvre majeure. Une œuvre tout à fait sympathique et haute en couleur. Originale ! Saluons encore l’extraordinaire travail des éditions Cornélius. Encore du bel ouvrage !

A lire : l’entretien de du9 avec Charles Burns
A découvrir : le blog des éditions Cornelius
A noter :
cette chronique s’inscrit dans le challenge BD de Mr Zombi auquel IDDBD participe !

Chroniques BD

Garulfo

scénario d’Alain Ayroles
dessins de Bruno Maïorana
Editions Delcourt (Terres de Légendes)
6 volumes

Cloaque Humanitaire

Il était une fois l’histoire d’une grenouille prénommée Garulfo. Exaspérée par sa modeste et fragile condition d’amphibien, il décida – car Garulfo était un mâle, les grenouilles n’étant pas les femelles des crapauds – de devenir ce qui se faisait de mieux dans la condition terrestre : un homme ! Après une rencontre avec Madame la fée (qui est soit dit en passant est autant bonne fée que la non moins fameuse Radada), le voici plongé dans la dure réalité du monde féodal et sauvage de l’humanité.

Qu’est-ce qui est bon dans Garulfo ? Et bien tout, rien que ça ! L’univers d’abord. Il se nourrit des contes de l’enfance et des adaptations de ces derniers, allant y chercher images et personnages afin de remanier le tout dans de sempiternelles galipettes scénaristiques. Ainsi, le récit prend une profondeur surprenante pour ce genre de bd, la multiplication des personnages, des références, des petits détails prenant soudainement une importance inattendue ajoute à chaque fois un peu plus de piment à une histoire à priori simple.

L’écriture ensuite, celle d’Alain Ayroles (à ne pas confondre avec François, plutôt édité chez L’Association), le papa du nom moins mythique De Capes et de Crocs. Ici aussi, on retrouve ce même plaisir des (bons) mots, des dialogues ciselés et des surprises à chaque coin de case. La douce naïveté de son personnage principal, la cruauté et l’idiotie de la race humaine fournissent sans cesse des situations décalées et logiquement humoristiques. Alain Ayroles prend un malin plaisir à décortiquer les contes et à malmener ses figures emblématiques (du pourfendeur de dragon à la princesse bimbo). Mais l’idée principale, prendre une grenouille comme héros principal d’un roman d’apprentissage, un des thèmes favoris des conteurs/auteurs depuis la nuit des temps, est déjà en soi très iconoclaste.

Et enfin, le dessin celui de Bruno Maïorana, superbe dessinateur s’amusant autant à glisser des détails qu’à créer des décors somptueux et variés. Vous vous baladerez dans les bois, les châteaux, dans l’antre d’une sorcière, vous exploserez de rire en découvrant les attitudes des personnages et serez peut-être intimidé et curieux devant des scènes grandioses. Et tout cela dans un univers graphique très cohérent.

Garulfo est, dans le bon sens littéraire du terme, une vraie farce. Entre conte et pièce de théâtre où rebondissements et situations farfelues se mêlent aux petites attaques sur les travers de l’humanité. Mais Garulfo, c’est surtout deux auteurs qui ont pris une immense plaisir à façonner leur petite histoire de grenouille découvrant les joies de l’humanité. Évidemment, ce plaisir est communicatif et se transmet au travers de la lecture des deux « livres » constituant la série (tome 1 à 2, puis de 3 à 6). Sans aucun doute, Garulfo laissera forcement une marque différente dans votre esprit. Celle d’un petit sourire et d’une espèce de nostalgie inhérente à l’univers des contes.

A lire : l’interview d’Alain Ayroles dans BD sélection
A lire : la chronique de Mo’ la fée

Attention : cette chronique s’inscrit dans le Challenge BD lancé par Mr ZOMBI et auquel participe IDDBD

Chroniques BD

Engagez-vous qui disait !

Dol (scénario et dessins de Philippe Squarzoni, Les Requins Marteaux, 2006)

En 2006, un an avant l’élection de qui-vous-savez, un pavé plus que conséquent paraissait chez Les Requins Marteaux. Son auteur avait déjà signé auparavant un diptyque remarqué (et remarquable) : Garduno en temps de paix & Zapata en temps de guerre. Partant d’un petit village mexicain, il y évoquait la mondialisation et ne se privait pas de décortiquer et de critiquer toute la sauvagerie d’un système. Si, dans une boutade dont il avait le secret, Desproges se disait artiste « dégagé« , Philippe Squarzoni se présente comme son contraire. Membre de la première heure du mouvement ATAC, il est de ces noms devenus incontournables lorsqu’on évoque une bd franco-belge militante.

Ainsi, après la mondialisation, Philippe Squarzoni s’attaque à la politique française des années Raffarin et reprend une formule déjà utilisée dans ses albums précédents. Dol est construit comme un reportage télé : multiples interviews de spécialistes face à la « caméra » (économistes, journalistes, sociologues, élus),  graphiques et images commentées, narration à la première personne, science du corrosif et de la question rhétorique. Tout cela dans un style graphique changeant, allant du montage d’images aux crayonnés les plus simples en passant par des caricatures élégantes et bien souvent efficace. Dans l’ensemble, les enchainements entre les sujets et les images sont naturels et la lecture se fait, avec concentration certes, plutôt facilement. Tout cela avec un seul souci : expliquer le plus clairement possible les éléments d’une politique complexe.

Cette façon d’utiliser la BD, comme support de démonstration d’idées politiques, la plonge dans un champ relativement nouveau. Bien entendu, la BD n’a pas attendue Philippe Squarzoni pour s’engager, beaucoup de grandes BD sont nés dans les pages de la presse quotidienne, mais Dol est véritablement un essai politique déguisé en bande dessiné… Je dirais même plus, une bande dessiné déguisé en essai politique. Ici, l’auteur utilise les règles narratives de la BD au profit de sa démonstration. Rythme des cases, gestion des effets,  les interviewés se succèdent face à la caméra et l’histoire se met en place… comme une œuvre de fiction ! Oui mais voilà, on parle politique et le narrateur nous le rappelle. Peu à peu, le message passe… Place au débat !

La politique étant une chose trop sérieuse pour être confiée à des blogueurs BD, le rôle d’IDDBD n’est pas d’analyser ce contenu. Ni même de dire si telle ou telle démonstration est fausse ou biaisé. Le point de vue est clair, chacun son opinion… L’intérêt de cet album est aussi dans sa forme. Cependant, Philippe Squarzoni pose avec une extrême rigueur, un humour juste et un talent certain de vraies questions et force le lecteur à la réflexion. Clairement, Dol n’est pas une bande dessinée faite pour se vider la tête, mais plutôt pour la remplir… C’est une définition assez juste d’un bon livre, non ?

A lire aussi : Garduno… et Zapata… (site des Requins Marteaux)
A découvrir : la fiche album et une interview de Philippe Squarzoni (toujours chez les Requins)

Attention : cette chronique s’inscrit dans le Challenge BD lancé par Mr ZOMBI et auquel participe IDDBD

Chroniques BD

Welcome to the Death Club

(scénario et dessins de Winshluss, 6 pieds sous terre/Cornélius (2002), (2010) )

Quand vous aimez l’humour noir, quand Les Idées Noires de Franquin sont autant de textes sacrés pour l’athée que vous êtes, le titre même de cet album à quelque chose d’attirant.

Pour la plupart issues de la magnifique et démoniaque revue Jade (oui, je soupçonne les gens de 6 pieds sous terre d’avoir pactisé avec le démon pour réaliser leur revue !!), ces nouvelles de Winshluss sont des petites pierres à l’édifice de l’humour sombre, décalé, franchement gore et politiquement incorrect. Vous, ô ami respectueux de la belle BD, du beau graphisme, de la belle morale à la fin qui finit bien, du scénar’ qu’ont a vu 10 fois, de la série à 19 tomes qu’on vous remet un 2e cycle derrière parce que la vache a encore un peu de lait, passez votre chemin. Welcome to the Death Club est une insulte à tout ce que vous aimez, mais certainement pas à la bande dessinée.

Si le dessin reste en noir et blanc (revue Jade oblige), on retrouve déjà ce trait énergique à la fois expérimental et très inspiré des comics underground. Winshluss s’amuse et varie son trait en fonction de ses besoins. Mettant tour à tour en scène, et sans aucun dialogue, un écrivain bohème, un détrousseur de cadavres, le fils de la mort rêvant d’être un ange, la Mort elle-même passant un bien mauvais quart d’heure au bord d’une route, un mécano rêvant d’être célèbre, bref toute une galerie de personnages qu’il va maltraiter au plus haut point. Winshluss joue avec les petits et les grands travers de l’humanité pour rendre ses histoires encore plus cyniques, sordides, immorales… et drôles. Car ne l’oublions pas, l’humour noir est ici la règle d’or. Et quand l’humour noir devient satire sociale, alors on atteint des sommets dans le macabre.

Évidemment, cet album est bien en-dessous du chef d’œuvre stratosphérique qu’est Pinocchio (ne cherchez pas il n’est pas encore sur IDDBD). Mais Welcome to the Death Club est une petite pépite à lire et à relire les soirs de dépr… Euh, non quand il fait beau et que vous venez d’avoir une augmentation.

A noter, initialement publié chez 6 pieds sous terre en 2002, l’album a été réédité (en version augmentée) en 2010 par Cornélius avec toujours ce même souci de qualité. On les en remercie (encore) !

A lire : les chroniques sur Le Cafard Cosmique et Fluctuatnet
A voir : le reportage de l’emission Kultur sur Arte consacré à Winshluss et son Pinnochio

Attention : cette chronique s’inscrit dans le Challenge BD lancé par Mr ZOMBI et auquel participe IDDBD

Chroniques BD

Un monde précieux

La cité saturne (scénario et dessins de Hisae Iwaoka, Kana, série en cours)

Dans un futur plus ou moins proche, la terre est devenue une zone inhabitable. Les habitants se sont donc réfugiés dans un anneau orbital entourant la planète à plusieurs millieurs de kilomètres de distance. Cet anneau est divisé en 3 niveaux, correspondant chacun à une strate sociale. Le niveau supérieur est composé des plus hauts dirigeants et des personnes les plus riches, les niveaux inférieurs étant réservés aux « gens du commun ». C’est dans le niveau intermédiaire que Mitsu termine ses études. A peine sorti du collège, le voici recruté par le syndicat des laveurs de vitres. A priori, un petit job tranquille ? Sauf, qu’il ne s’agit pas de laver les carreaux de mamie ! Non, Mitsu et ses collègues sont chargés des vitres extérieures de la méga-structure. Autant dire que ce n’est pas un travail de tout repos ! Entre les chutes d’objet stellaires, les glissades, les UV et les vents, ce travail est même dangereux. D’ailleurs, 5 ans auparavant, le propre père de Mitsu est tombé. Depuis, le syndicat refusent systématiquement les contrats rares mais trop dangereux émanant du niveau inférieur. Ce dernier est donc condamné à la crasse des poussières stratosphériques. Voici donc Mitsu, avec le souvenir de son père en tête, faisant l’apprentissage d’un monde professionnel propre à ces métiers durs, où honneur, courage & humilité sont au rendez-vous.

Malgré des normes graphiques historiquement établies, l’univers du manga possède des dessinateurs avec des traits particulièrement reconnaissables. Je songe en particulier à des auteurs comme Taniguchi, Kiriko Nananan, Ebine Yamaji, Hiroaki Samura (L’habitant de l’infini). Au hasard de mon butinage hebdomadaire dans ma librairie, j’ai entr’aperçu ce petit manga au dessin arrondi et immédiatement un doute m’a assailli… J’avais déjà vu ça ! Ce dessin faussement naïf mais fourmillant de détail, cette atmosphère particulière plongée dans un univers cotonneux prenant, attirant, une atmosphère où réalisme et songe se retrouvent. Ah oui j’avais déjà vu ce dessin ! J’ai acheté ce premier volume et ce n’est que rentré chez moi que j’ai levé le mystère : YumenosokoHisae Iwaoka était donc cette formidable mangaka qui m’avait enchanté il y a deux ans avec ce one-shot déjà enthousiasmant !

C’est donc avec un apriori favorable que j’entamais complètement la lecture de cette Cité Saturne… et c’est avec ce même sentiment que je la refermais. Ce premier volume est assez classique pour un manga. Il pose les jalons de l’univers, situant les personnages principaux et secondaires et déroulant le fil rouge de l’histoire : le mystère entourant la chute de son père et indirectement la fascination du père et du fils pour la planète originelle. Mais la grande force de ce manga tient tout autant à sa construction solide qu’à la multiplication de trouvailles farfelues et poétiques symbolisés par les multiples découvertes de notre héros. L’extérieur regorge de détails et finalement, ce no man’s land apparaît bien plus peuplé que prévu. De souvenirs évidemment, mais aussi de rencontres avec les êtres improbables le peuplant et surtout avec les clients. Entrant indirectement dans l’intimité de ces gens, ces laveurs de carreaux bénéficient d’une liberté aérienne qui font d’eux des êtes à part dans cette civilisation enfermée et constituent peut-être un élément lui permettant de rester liée. Mais en ont-ils conscience ? Pas sûr. Certainement pas. Et pourtant, même s’il se l’explique mal, tous ces travailleurs de l’extrême sont attachés à cette façon de vivre un peu particulière. Finalement, avant d’être de la SF, La Cité Saturne parle avant tout de l’humain, de la vie.

Cette improbable histoire de laveurs de carreaux stratosphériques est entrainante, surprenante et d’une poésie qui semble propre aux œuvres d »Hisae Iwaoka. Une œuvre légère, simple mais loin d’être superficielle. Bref, une série à suivre (tome 3 prévu début mai 2010) et comptez sur nous pour ça !

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