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Chroniques BD, Recommandé par IDDBD

Wet moon T1 (Atsushi Kaneko)

Dans le Japon des années 60, le jeune inspecteur Sata revient d’une longue période d’absence. Qu’est-il arrivé ? Il ne le sait plus très bien. Il se rappelle de cette femme, accusé du meurtre d’un ingénieur fabriquant des modules pour un étrange programme spatial. Mais avec ce bout de métal dans son cerveau, il n’est plus sûr de rien. Une enquête entre hallucination et réalité.

Lynch, Burns… Kaneko !

Quand un éditeur essaye de vendre son livre à travers sa 4e de couverture, il aime parfois faire des références à des œuvres ou des auteurs majeurs. Ainsi, il n’est pas rare de retrouver les mêmes créateurs sur certains genres de livres. Par exemple, dès qu’il y a un peu d’écologie et de poésie, paf, on vous balance un Miyazaki ! C’est effectivement plus facile. Miyazaki, ça rassure quant à la qualité même si la plupart du temps, on se paye un peu notre tête.

Bref, en lisant la 4e de Wet Moon, j’ai souri en voyant les références à l’univers de David Lynch et à l’univers graphique de Charles Burns. Pour ceux qui ne suivraient pas, grosso-modo, une référence « lynchienne » correspond à un univers évoluant dans des sphères entre fantasmagorie et réalité, où le lecteur se trouvera sans repère. Normalement, au bout de l’histoire, chacun aura son interprétation… ou pas. Bref, Lynch c’est beau mais personne ne comprend vraiment ce qu’il veut dire. Je caricature un peu évidemment. Je ne voudrais pas me fâcher avec la secte lynchienne qui ne me lit sûrement pas de toute façon.

Pour continuer sur des bases plus simples pour un amateur de bande dessinée comme moi, une référence graphique à Charles Burns indique une très bonne maîtrise du noir et blanc. Si l’absence de couleurs dans le manga n’est pas rare, faire référence à un artiste américain en parlant d’un illustrateur japonais est en revanche plutôt une surprise.

Créateur en liberté

Mais n’oublions pas qu’il s’agit d’Atsushi Kaneko. Après Bambi et Soil, il nous entraine encore dans un univers complètement déjanté à la limite de… de quoi d’ailleurs ? Cet auteur bénéficie vraiment d’une liberté créative rare dans le milieu du manga des années 2010 et c’est véritablement toute sa force !

Dès les premières planches, nous voici plongés dans l’univers d’un roman noir : meurtre sadique, gueules de monstres, moiteur d’une station balnéaire, obsessions, flics ripoux. Au milieu, la lune où les russes viennent de débarquer, où le Japon souhaite se poser. Quel rapport avec notre histoire ? Bonne question. Mais pour résoudre cette énigme, il y a notre héros. Un personnage à la hauteur de ce monde, un tout jeune inspecteur de police qui porte dans son cerveau les germes de la folie, un petit bout de métal qui se balade et qui dérègle sa réalité…

La suite ? Une perte rapide de repères entre passé et présent dans des effets de découpages souvent hallucinés. Comme Sata, nous ne savons pas vraiment où Atsushi Kaneko nous entraine et quels sont les réalités des images que l’on perçoit. Entre métaphores, souvenirs et fantasmes, le chemin sera long avant de connaître le dénouement d’une histoire déjà bien prenante. Car l’auteur, loin de nous perdre complètement, nous laisse des indices, nous éclaire peu à peu sur les zones d’ombres… mais sommes-nous assurés de recevoir les bons éléments ? De là naît l’intérêt de suivre le récit jusqu’à son terme.

Pour une fois, je dois admettre que les références choisis par les éditions Casterman sont plutôt bien vues. Avec son trait noir épais et ses codes graphiques bien plus proche de l’univers des indépendants américains, Atsushi Kaneko rappelle assurément d’un auteur comme Charles Burns (je pense à El Borbah par exemple). Quant à l’univers ? Un seul adjectif me vient en tête : lynchien !

A noter que Wet Moon a reçu le Prix Asie de l’ACBD 2014.

A lire : la chronique d’Yvan et celle de Marie

Wet Moon T.1 (séries en cours, 2/3 tomes parus, série terminé)
Scénario et dessins : Atsushi Kaneko
Editions : Casterman, 2014 (8,50€)
Collection : Sakka
Editions originales : Kadokawa, 2012

Public : Adulte
Pour les bibliothécaires : plus court que Soil, bien parti pour être une série intéressante. A suivre mais pour 3 volumes, ça vaut le coup.

Chroniques BD

Chronique | Les enfants de la mer (Daisuke Igarashi)

Au début des vacances d’été, Ruka est exclue de son club de sport pour s’être battue avec une camarade. Seule, elle ère dans sa petite ville portuaire quand elle décide de partir pour Tokyo… pour voir la mer. Une fois arrivée, elle rencontre un jeune garçon qui nage dans la baie. Mais Umi n’est pas comme les autres, son frère et lui auraient été élevés par des dugongs, des mammifères marins menacés de disparition. Ruka, fascinée par cette histoire, découvre alors un monde mystérieux et fantastique qui l’entraîne à la fois vers les profondeurs marines, dans la voute céleste et en elle-même… vers les origines.

Le retour à la mer

La première fois que j’ai lu un manga de Daisuke Igarashi IDDBD devait avoir 6 mois. Je n’avais pas encore rédigé la moindre chronique BD mais je souviens encore très bien de Sorcières, une mini-série en deux tomes, puisant dans les croyances populaires et le fantastique. 8 ans et des centaines de chroniques plus tard, je retrouve avec une certaine émotion son univers teinté de retour à la nature et de merveilleux.

Je me souvenais surtout de ce dessin particulier ne correspondant pas vraiment aux standards habituels du manga. Il me restait cette troublante fascination pour un trait tortueux oscillant entre séduction et laideur. Quelques années plus tard, ce graphisme s’est encore enrichi d’un équilibre subtil entre écriture et illustration. Graphiquement, le plus impressionnant reste sans conteste les magnifiques et vertigineuses scènes sous-marines où la frontière entre mer et ciel semblent avoir complètement disparue. On ne sait plus très bien si les créatures marines flottent ou nagent dans cet espace. Daisuke Igarashi réussit l’exploit de représenter une profondeur abyssale dans une minuscule case. J’avoue avoir été complètement subjugué par l’apparition d’un requin-baleine en plein milieu d’une planche.

La profondeur du personnage

Si les décors et les éléments aquatiques  sont particulièrement soignés, on sent surtout la patte du dessinateur dans la représentation des personnages et dans l’implication qu’il leur donne. Jouant avec un découpage faisant une belle part aux regards et aux mouvements, Daisuke Igarashi proposent une palette graphique très large entre trait jeté et réalisme frisant parfois l’érotisme. Ses héros possèdent chacun une esthétique propre, parfois volontairement exagérée dans certaines situations (les nages de Umi et son frère Sora par exemple). Cette dernière évolue au cours de l’histoire, rendant plus forte la présence ou l’absence de certains personnages.

Tous ces éléments graphiques participent à la très grande qualité de cette série au thème écologico-fantastique très « miyazakien ». Toutefois, il ne faut pas limiter Les enfants de la mer à cette référence, trop facile, au grand maître de l’animation japonaise. Par son travail, Daisuke Igarashi propose une aventure fascinante et originale qui se joue à la fois dans les abysses, dans le ciel mais aussi dans l’esprit de ses protagonistes… une quête de mystères devenant une quête de soi. Ce qui rend d’autant plus fort son travail sur la représentation de ses personnages. Toutefois, il serait malvenu de ma part de dévoiler les éléments de l’intrigue tant le scénario repose sur une succession de surprises. Je vous invite à faire, comme moi, confiance à votre instinct (ou à cette chronique) et commencer cette lecture sans avoir d’éléments probants qui viendraient gâcher votre plaisir. Je confirme, ça marche ! Bref, je ne peux que vous invitez à découvrir cette série (terminée en 5 volumes) et de pénétrer dans l’univers fascinant d’un mangaka d’exception.

A lire : la chronique de Bidib sur Ma petite Médiathèque

Les enfants de la mer (5 volumes, série terminée)
Scénario et dessins : Daisuke Igarashi
Editions : Sarbacane, 2012 (15€)
Editions originales : Shogakukan, 2007

Public : Ado, adultes
Pour les bibliothécaires : Pas d’excuses de la longueur pour cette série de grande qualité. Indispensable

Chroniques BD, Recommandé par IDDBD

Chronique | Beauté (Hubert & Kerascoet)

Morue est une paysanne peu gâtée par la nature. Pauvre et laide, elle se dirige vers une vie compliquée, très compliquée. Un jour, elle sauve par hasard une fée qui lui accorde un don. Malgré sa laideur, tous les humains la perçoivent désormais comme la plus extraordinaire beauté du monde. Rapidement, elle devient l’objet de toutes les convoitises et surtout de celles des puissants. Un conte de fée moderne réunissant à nouveau le trio gagnant de Miss pas Touche.

Du contre-pied comme art du conte

Cela commence comme un conte de fée, une jeune femme, des difficultés et un don du ciel. Cela finit avec une morale. Classique et facile. Mais, l’art de bien raconter une histoire, et en particulier ce genre si ancien du conte, se mesure à la capacité de l’auteur à nous emmener avec lui dans son monde. N’oublions pas non plus que quelle que soit l’imagination du scénariste, il faut tout de même de bons personnages.

Alors Hubert, fait-il partie de ces auteurs qui se prennent les pieds dans le tapis de la tradition ? Dans Beauté on retrouve les grands classiques : la belle, le preux , la bonne fée et la méchante sorcière… Tout est là mais… Hubert n’est pas un scénariste à s’émerveiller devant de jolies personnages ni à se laisser prendre dans mille ans de traditions populaires. Il aime jouer avec ces figures et propose très régulièrement à ses lecteurs des scénarios qui ne ressemblent à aucun autre, faits de surprises, de virevoltants rebondissements enchanteurs, drôles et bien souvent teintés d’une pointe de sarcasmes. Ceux qui auront lu les Miss Pas touche ou autre Sirène des Pompiers comprendront mieux l’idée (les autres auront l’amabilité de se rendre dans leurs bibliothèques ou librairies les plus proches).

Bref, dans l’univers merveilleux de Beauté, la princesse est une mocheté, le preux est un imbécile et la bonne fée… Ah la bonne fée ! Difficile d’en parler sans mettre en péril les tenants et les aboutissants de cette histoire d’apparence qui n’a d’apparence que le nom. Malgré tout, et justement parce que le scénariste s’évertue à prendre les chemins de traverse, il crée une galerie de personnages particulièrement  imparfaits. Ce qui contribue grandement à la noirceur général qui inonde ce conte pas vraiment fait pour les enfants. Mais quel bonheur de voir Morue, personnage sensible, naïf, généreuse ou jalouse, commettre des erreurs aux conséquences dramatiques tout en tirant une expérience peu commune ! Pourtant, Morue reste une véritable héroïne de contes de fées qui doit faire preuve d’audace, de bon sens, parfois de chance pour se tirer (ou non) de ses mauvais choix. Une description qui conviendrait tout aussi bien à Blanche, l’héroïne de Miss pas Touche.

Justement. Pour compléter cette histoire qui s’inscrit à la fois dans la tradition et dans le rupture avec le conte traditionnel, Hubert se fait accompagner au dessin pour ses vieux acolytes, le très fameux duo de dessinateur Kerascoët. Ça fait maintenant longtemps qu’ils nous émerveillent par la qualité de leur travail. La réussite de l’album leur doit beaucoup car ils ont su trouver l’équilibre entre dynamisme et grâce sans jamais tomber dans une forme de réalisme. Du coup, les moments difficiles, parfois particulièrement violents, restent dans le domaine de la fiction. Quant à Morue/Beauté, par je ne sais quel artifice, ce double-personnage reste toujours unique quelque soit sa forme.

Du coup, ses aventures prennent d’autant plus d’épaisseurs. Car au-delà de la simple apparence, thème important de l’œuvre, on perçoit sa véritable nature et tout ce qu’elle représente. Beauté est une série qui, pour moi, parle magnifiquement de la lutte des femmes pour l’égalité. Et malgré sa fausse légèreté, montre toute la difficulté du combat. Les hommes n’y ont pas la vie facile, posséder qu’ils sont à la seule vue de cette Beauté magique. A l’image de son héroïne, cette histoire repose sur les ressorts de la logique, de l’intelligence, du courage et de la prise de conscience d’une force intérieure. Un beau message qui frappe d’autant plus qu’il est écrit par un homme.

Étonnement et surprises sont des mots qui reviennent régulièrement dans cette chronique. C’est effectivement le sentiment qui m’a traversé tout au long de la lecture de ce triptyque. Iconoclaste, sombre et intelligente, cette aventure est une quête féminine et féministe à la fois. Sous le format classique de la BD franco-belge, Beauté est une série qui fait réfléchir son lecteur avec délice, à la fois en douceur et en violence. La morale finale est à l’image de l’ensemble, d’une très grande finesse. Bref, juste indispensable !

A lire : la chronique de Tristan sur B&O et la chronique de Paka (2e tome)

Beauté (série en 3 volumes – terminée)
Scénario : Hubert
Dessins : Kerascoët
Edtions : Dupuis, 2011

Public : Ados-Adultes
Pour les bibliothécaires : Série courte et juste indispensable

Chroniques BD

Chronique | L’histoire du Corbac aux baskets

Un jour, le docteur Verlecorbo, pyschiatre, voit sonner à sa porte un étrange individu. Armand Corbackobasket a un problème. Il y a encore quelques mois, il était un homme comme vous et moi. Aujourd’hui il est couvert de plumes et ressemble à un corbeau. En fait, il est un corbeau. Mais le plus grave, ce qui ne pardonne pas, la chose la plus inimaginable possible, c’est qu’il porte des baskets !

Un conteur de l’universel

Dans la bande dessinée contemporaine, nous avons des formidables auteurs, des gens capables de nous  emmener dans leur univers, de nous émouvoir, de nous faire rire aux larmes et parfois même de  changer notre vision de la vie. Ce média et ses auteurs sont capables des mêmes petits miracles que les plus grandes œuvres d’art.

Pourtant, peu d’auteurs sont véritablement des conteurs comme Fred. Oui, je fais une différence entre un conteur et un raconteur. Fondamentalement, ils créent des histoires tous les deux, c’est vrai. Cependant, quand le second fait appel à notre raison et notre culture, le premier tire sur la bobinette de l’enfance, joue avec nos sens premiers.

Avec Fred, lire une histoire est comme jouer aux billes ou à la marelle, il y a à première vue une joie innocente et une absence de raisonnement qui en devient presque extraordinaire. Une innocence que l’on retrouve dans les deux personnages principaux de cette histoire, le psy comme Armand. Ici, nous sommes tout simplement portés par une espèce de magie informe, une auto-dérision constante qui nous fait perdre nos repères et qui ne lâche pas jusqu’aux dernières pages… et un peu après.

Un capharnaüm organisé

Mais comment fait-il ? Les magiciens partagent assez peu leurs secrets, nous ne pouvons qu’entr’apercevoir ce qu’ils daignent nous laisser. Qu’est-ce qui frapppe chez l’ami Fred ? Décrire son dessin est compliqué car c’est une espèce de joyeuses fêtes de soirées entre un Reiser et un Gébé (dont il fut acolyte chez Hara-Kiri) avec un Jean-Jacques Sempé venu par hasard parce qu’il a vu de la lumière. Tout cela donne un trait à la fois souple et précis, à la fois caricatural et réaliste. Mais son dessin fourmille avant tout de mille détails qui feront sourire les lecteurs les plus attentifs. Résultat, des planches graphiquement très fournies.

Des planches fournies aussi par une écriture omniprésente. Éléments graphiques au même titre que les dessins, ces bulles jouent sur le rythme de la lecture. Ainsi, on passe de très longs récits de la part du corbeau à des dialogues très courts et dynamiques. En fait, l’esprit des textes de Fred peut tout à fait être comparé à celui d’un Raymond Devos. On y retrouve la même recherche du plaisir du bon mot, de la plaisanterie suspendue sous les jeux de langage. Il y a comme un élan d’insouciance, d’une profonde légèreté teinté d’un bon brin d’anarchie.

Rire pour pleurer, pleurer pour rire

Et pourtant, sous cette étonnante légèreté, L’histoire du corbac aux baskets aborde des thèmes très lourds : xénophobie, culte de l’apparence, traditionalisme à outrance, folie…  Des thèmes qui sont encore (et même encore plus) d’actualité aujourd’hui. Mais pour éviter d’en pleurer, Fred décide de jouer sur la métaphore en faisant de « l’étranger » un corbeau rejeté sous un prétexte fallacieux : les indécentes (et bien pratiques) baskets ! Entre crises sociales et préjugées, Fred dresse un catalogue des situations et des phrases classiques de l’hypocrisie et du racisme ambiant. Quelques chansons de Zebda nous reviennent alors en tête. A la fois dérangeant par sa simple présence, unique détenteur de l’atteinte à la bonne morale et boucs émissaires évident,  rien ne sera épargné au pauvre Armand. Il est à son tour l’étranger, l’artiste, le jeune, le pauvre, le fou… Mais je ne vais rien vous dévoiler, sinon que les surprises et les rebondissements cocasses seront au rendez-vous sous l’égide de ce docteur étrange qui pratique une psychiatrie fredienne.

Vous l’aurez compris, je vous invite avec insistance à découvrir Fred, auteur majeur des années 80/90, malheureusement un peu oublié depuis l’avènement de la Nouvelle BD. Mais que ce soit avec L’histoire du Corbac au basket, L’histoire du conteur électrique, le Magic Palace Hotêl, Le Petit Cirque ou Philémon, lire les œuvres de cet auteur à la fois tendre et cruel est un rafraichissement total, un bonheur pour nos cerveaux englués de réalité visqueuse.  Par le biais du rire, Fred dénonce les travers de nos sociétés avec la grâce des artistes du bon mot. Car, il y a tout un plaisir de l’écriture, une volonté de montrer que la bande dessinée est avant tout un art narratif avant d’être un art uniquement graphique. Un chef d’œuvre couronné à juste titre par le Prix du meilleur album 1994.

scénario et dessin de Fred
Editions : Dargaud (1993)
Public : Ado-Adultes
Pour le bibliothécaires : si vous ne l’avez pas déjà c’est que vous avez un souci… Grand classique et prix d’Angoulême 1994

A lire : Fred, sa vie son œuvre sur wikipédia
A découvrir : une présentation de la série Philémon
A voir : la présentation de la retrospective Fred
A lire : La chronique de l’album dans la bodoïthèque

Chroniques BD, Recommandé par IDDBD

Chronique | Amer Béton (Matsumoto)

(scénario et dessins de Taiyou Matsumoto, éditions Tonkam)

Contrastes Urbains

A Takara, mégalopole contemporaine où règnent misère et petites arnaques, Noiro et Blanko sont deux orphelins vivant de rapines et de racket. D’une remarquable agilité, les chats survolent les toits et sont impitoyables. Ils règnent en maitre sur « leur » ville.
Si Blanko est extraverti, complément déconnecté de la réalité, à la limite de la folie, son grand frère Noiro est sombre, secret, toujours prêt à dépasser les limites de la violence. Mais cet équilibre précaire est remis en cause le jour où une série d’évènements vient remettre en cause leur suprématie. Voici le début d’une quête initiatique pour les deux frères… et d’une oeuvre riche et magnifique.

Sorti en 1995 au japon, le manga de Taiyou Matusmoto est une chronique d’une urbanité oppressante, noyant ou plutôt conservant l’individu dans sa folie et dans sa démesure. Takara littéralement Trésorville, est bien plus qu’un décor. C’est un symbole. Si les deux orphelins portent même jusque dans leurs noms sa part d’obscurité et de lumière, les personnages secondaires (en particulier les deux figures formidablement réussies des Yakuza) font également parti de ce corps omnipotent.

Seule figure féminine importante du récit, Takara est une ville-mère, moteur de l’histoire. En effet, ce sont bien ses propres évolutions qui obligent les personnages à se découvrir eux-même, parfois pour leur plus grand malheur. Dans Amer Béton, peu d’entre eux échappent aux vicissitudes de leurs destins même si l’espoir ne disparait jamais.

Le dessin est très surprenant, loin des canons classiques du manga. Il indignera encore plus que d’habitude les ayatollahs du franco-belge. Pas grave on a l’habitude ! Si vous avez la chance de passer outre, alors vous découvrirez une histoire riche, parfois rude et sans complaisance, mais absolument passionnante qui, sous bien des aspects, me fait penser au cultissime Akira de Katsuhiro Otomo. Je regretterai seulement le travail un peu léger des éditions Tonkam. L’absence de traductions d’idéogrammes ou quelques pages d’explication aurait pu être un plus, surtout pour une édition intégrale… Enfin, je chipote…

Avant de refermer cette chronique, je ne saurais trop vous conseiller de voir la superbe adaptation du manga. Un pur joyau d’animation (pour les grands hein, évitez de regarder ça avec vos enfants) !

A lire : la chronique du Monde à l’occasion de la sortie du film

A lire (encore) : la chronique (énorme et archi complète : respect) sur du9.org

A lire (toujours) : le dossier réalisé par le site Akata (Delcourt) sur Amer Béton

A voir : des extraits vidéos du film

A faire : voter pour Jibé et Sans Emploi pour la révélation Blog

Chroniques BD

Billy Wild T1(/2) : Mais où est donc Linus ?

(scénario de Erick Lasnel dit Céka, dessin de Guillaume Griffon dit Sthrad, collection Regard Noir et Blanc, éditions Akileos, janvier 2007)

IDDBD vous a souvent parlé de western. Vous avez eu droit au western à la Sergio Leone, au western classique, au western humoristique, au western déjanté. Il ne vous manquait plus que le western gothique ! Gothique ? Vous avez dit gothique ? Pour ça, il n’y a qu’une maison d’édition qui puisse vous proposer du gothique de qualité : Akileos (non, cette chronique n’est pas un publi-reportage…).

En effet, vous connaissez maintenant les quelques titres d’Akileos qui ont plus particulièrement retenus l’attention d’IDDBD. Ils sont tous de cette veine fantastique, noire, avec une pointe d’humour (Akileos n’aime pas le gothique désespéré… voire désespérant !). Et bien vous retrouverez tout cela dans Billy Wild, version far west du bon vieux mythe de Faust.

Imaginez Clint Eastwood ayant pactisé avec le diable lui-même, John Wayne ayant vendu son âme (et son accent traînant…), James West ayant finalement préféré se damner avec le docteur Loveless et vous aurez une pâle idée de qui peut être Billy Wild, le chasseur de prime le plus sanglant du Darkwest. Billy Wild, c’est plus de 220 victimes au compteur (pas innocentes pour un cents…) et une insolente santé de fer, malgré les balles qui pleuvent comme long horn qui pisse. Sauf que cette santé de fer, cette « immortalité » à toute épreuve, Billy Wild la doit à la magic potion d’un certain Linus, être malfaisant et retors qu’il a rencontré dans sa jeunesse. Et que se passe-t-il lorsque Linus et son précieux breuvage disparaît ?

Ca, vous le saurez en lisant le premier tome de cet excellent diptyque noir et blanc, au dessin aussi classe que le scénario…

A visiter (impérativement !) : le site de Billy Wild

A lire : quelques pages de Billy Wild sur fnac.com

Chroniques BD

Koma

4 tomes parus (scénario de Pierre Wazem, dessin de Frederik Peeters, Les Humanoïdes associés).

Ah, je sais, vous pensiez être tranquille pour un moment avec Frederik Peeters. Mais voilà, à IDDBD, quand on aime, on le dit ! Et il me restait à vous parler de Koma. Sur cette série, scénarisé par l’excellent Pierre Wazem (Week-end avec préméditation, Promenade(s), Le chant des pavots, Monroe), Peeters passe pour la première fois à la couleur.

La petite Addidas (pas comme les chaussures) travaille avec son père, un petit ramoneur. Ils vivent dans une étrange ville industrielle où il règne une atmosphère à la 1984 de Georges Orwell. Addidas est très régulièrement frappé par une sorte de coma, elle tombe d’un seul coup pour se réveiller quelques minutes plus tard. Un jour, par hasard, elle découvre un passage dans une cheminée qui l’amène dans une salle où d’énormes monstres travaillent sur des machines. Je vous laisse découvrir la suite.

Encore, une merveilleuse histoire raconté par ces deux très bons auteurs. Elle tient par cette fantaisie incroyable qui s’en dégage, par un scénario totalement imprévisible, par ses personnages (la petite Addidas, son père et le monstre) et également par le dessin énergique et sensible de Peeters. Si certains « spécialistes » du noir et blanc perdent parfois en qualité avec la couleur, il reste égale à lui-même.

Bref, si ces deux auteurs ne s’étaient pas rencontrés, Koma aurait manqué au paysage éditorial car dans le brouhaha actuel c’est une belle série, douce et poétique, qui apporte un peu de frâicheur et d’imagination.

A lire : la (toujours) excellente chronique sur sceneario.com
A voir : les planches sur le site des humano

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