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Chroniques BD

Chronique | L’histoire du Corbac aux baskets

Un jour, le docteur Verlecorbo, pyschiatre, voit sonner à sa porte un étrange individu. Armand Corbackobasket a un problème. Il y a encore quelques mois, il était un homme comme vous et moi. Aujourd’hui il est couvert de plumes et ressemble à un corbeau. En fait, il est un corbeau. Mais le plus grave, ce qui ne pardonne pas, la chose la plus inimaginable possible, c’est qu’il porte des baskets !

Un conteur de l’universel

Dans la bande dessinée contemporaine, nous avons des formidables auteurs, des gens capables de nous  emmener dans leur univers, de nous émouvoir, de nous faire rire aux larmes et parfois même de  changer notre vision de la vie. Ce média et ses auteurs sont capables des mêmes petits miracles que les plus grandes œuvres d’art.

Pourtant, peu d’auteurs sont véritablement des conteurs comme Fred. Oui, je fais une différence entre un conteur et un raconteur. Fondamentalement, ils créent des histoires tous les deux, c’est vrai. Cependant, quand le second fait appel à notre raison et notre culture, le premier tire sur la bobinette de l’enfance, joue avec nos sens premiers.

Avec Fred, lire une histoire est comme jouer aux billes ou à la marelle, il y a à première vue une joie innocente et une absence de raisonnement qui en devient presque extraordinaire. Une innocence que l’on retrouve dans les deux personnages principaux de cette histoire, le psy comme Armand. Ici, nous sommes tout simplement portés par une espèce de magie informe, une auto-dérision constante qui nous fait perdre nos repères et qui ne lâche pas jusqu’aux dernières pages… et un peu après.

Un capharnaüm organisé

Mais comment fait-il ? Les magiciens partagent assez peu leurs secrets, nous ne pouvons qu’entr’apercevoir ce qu’ils daignent nous laisser. Qu’est-ce qui frapppe chez l’ami Fred ? Décrire son dessin est compliqué car c’est une espèce de joyeuses fêtes de soirées entre un Reiser et un Gébé (dont il fut acolyte chez Hara-Kiri) avec un Jean-Jacques Sempé venu par hasard parce qu’il a vu de la lumière. Tout cela donne un trait à la fois souple et précis, à la fois caricatural et réaliste. Mais son dessin fourmille avant tout de mille détails qui feront sourire les lecteurs les plus attentifs. Résultat, des planches graphiquement très fournies.

Des planches fournies aussi par une écriture omniprésente. Éléments graphiques au même titre que les dessins, ces bulles jouent sur le rythme de la lecture. Ainsi, on passe de très longs récits de la part du corbeau à des dialogues très courts et dynamiques. En fait, l’esprit des textes de Fred peut tout à fait être comparé à celui d’un Raymond Devos. On y retrouve la même recherche du plaisir du bon mot, de la plaisanterie suspendue sous les jeux de langage. Il y a comme un élan d’insouciance, d’une profonde légèreté teinté d’un bon brin d’anarchie.

Rire pour pleurer, pleurer pour rire

Et pourtant, sous cette étonnante légèreté, L’histoire du corbac aux baskets aborde des thèmes très lourds : xénophobie, culte de l’apparence, traditionalisme à outrance, folie…  Des thèmes qui sont encore (et même encore plus) d’actualité aujourd’hui. Mais pour éviter d’en pleurer, Fred décide de jouer sur la métaphore en faisant de « l’étranger » un corbeau rejeté sous un prétexte fallacieux : les indécentes (et bien pratiques) baskets ! Entre crises sociales et préjugées, Fred dresse un catalogue des situations et des phrases classiques de l’hypocrisie et du racisme ambiant. Quelques chansons de Zebda nous reviennent alors en tête. A la fois dérangeant par sa simple présence, unique détenteur de l’atteinte à la bonne morale et boucs émissaires évident,  rien ne sera épargné au pauvre Armand. Il est à son tour l’étranger, l’artiste, le jeune, le pauvre, le fou… Mais je ne vais rien vous dévoiler, sinon que les surprises et les rebondissements cocasses seront au rendez-vous sous l’égide de ce docteur étrange qui pratique une psychiatrie fredienne.

Vous l’aurez compris, je vous invite avec insistance à découvrir Fred, auteur majeur des années 80/90, malheureusement un peu oublié depuis l’avènement de la Nouvelle BD. Mais que ce soit avec L’histoire du Corbac au basket, L’histoire du conteur électrique, le Magic Palace Hotêl, Le Petit Cirque ou Philémon, lire les œuvres de cet auteur à la fois tendre et cruel est un rafraichissement total, un bonheur pour nos cerveaux englués de réalité visqueuse.  Par le biais du rire, Fred dénonce les travers de nos sociétés avec la grâce des artistes du bon mot. Car, il y a tout un plaisir de l’écriture, une volonté de montrer que la bande dessinée est avant tout un art narratif avant d’être un art uniquement graphique. Un chef d’œuvre couronné à juste titre par le Prix du meilleur album 1994.

scénario et dessin de Fred
Editions : Dargaud (1993)
Public : Ado-Adultes
Pour le bibliothécaires : si vous ne l’avez pas déjà c’est que vous avez un souci… Grand classique et prix d’Angoulême 1994

A lire : Fred, sa vie son œuvre sur wikipédia
A découvrir : une présentation de la série Philémon
A voir : la présentation de la retrospective Fred
A lire : La chronique de l’album dans la bodoïthèque

Chroniques BD, Interview

Chroniques de vacances #8 : Le Blog de Martin Singer

Bigger Than Life

Dans le monde des blogs BD, il y a ceux qui racontent leurs achats de chaussures, la vie de leur chat, leur dernière soirée, ceux qui font dans du kawaï (rien à voir avec une célèbre marque de vêtements imperméables), des mangas-camemberts ou des dessins politiques. Il y a les grands noms qui s’amusent et les petits qui cherchent à se faire découvrir. Et puis, il y a les perles, les ovnis, des blogs qui sous des couverts de normalité cachent des petits bonheurs de vachardises, de bon mots, des dessins à la finesse rare (sous réserve d’être assez ouvert pour comprendre le 6 ou 7e degré). C’est dans cette catégorie que je classerai Bigger Than Life, le blog de Martin Singer.

Il ne m’a fallu qu’une visite pour devenir vraiment fan de cet humour noir. J’ai même été parfois remué par les propos politiquement incorrects. Alcool, sexe, mysoginie,  Martin Singer rit de la vieilliesse et de la mort, fait tourner les féministes en bourrique, joue avec les valeurs morales et l’assume avec autodérision et détachement. Il est drôle, irrévérencieux comme les vrais humoristes savent l’être. Bien entendu les culs pincés auront vite fait de condamner l’espèce de folie douce émanant de ses dessins. Ils prouveront encore une fois que le regretté Pierre Desproges (le grand maître de l’humour irrévérencieux) avait raison (vous savez : « on peut rire de tout… »).

Convaincus ? Pas encore ? Alors, je vais laisser Martin Singer vous expliquer lui-même de quoi il en retourne. Ce dernier a bien voulu répondre à nos pseudo-questions pseudo-journalistiques. Et ça vaut bien toutes les chroniques écrites avec les pieds, non ?

IDDBD : Martin Singer bonjour, peux-tu te présenter ?
Martin Singer : Je suis prof dans une école d’art périscolaire de province et mon blog s’appelle Bigger than life en hommage à tous ceux qui ne rentrent pas dans les cases.

IDDBD : Alcool, sexe, déprime, misogynie, bref de belles valeurs totalement saines dans notre société où le retour à la bonne morale est au goût du jour. Peux-tu qualifier ton travail sur le blog de « mauvais goût » ?
MS : Pour faire un mot prétentieux, je dirais que je lui trouve du goût et un goût pas si mauvais que ça. Mais je m’inscris en faux: je suis pour le retour des bonnes vieilles valeurs morales ! Je milite pour des sentences qui fleurent bon la France d’antan: l’humiliation cul nu en place publique par exemple.

IDDBD : …dans la lignée des Fluide Glacial et autres Echos des Savanes ?
MS : J’aimais beaucoup Edika, son humour absurde et ses filles bien proportionnées…mais pourquoi limiter ses influences à la bd ? J’aime aussi Samuel Beckett et les Beatles.

IDDBD : Est-ce que choquer est un petit plaisir de fin gourmet ?
MS : Je ne veux pas choquer dans les dessins que je fais mais dans les sous-entendus qu’ils recèlent. C’est un réel plaisir quand j’y arrive.

IDDBD : As-tu demandé ta carte au MLF ou vraiment c’est décidé elles ne peuvent plus te sentir ? Elles ne partagent peut-être pas ton humour ?
MS : J’ai eu des commentaires agressifs de la part de certaines filles mais sans plus. Ce n’est pas qu’elles ne partagent pas mon humour, c’est qu’elles en sont dépourvues.

IDDBD : Comment les femmes de ton entourage prennent-elles tes dessins ?
MS : Je tiens à ma vie: il n’y a aucune fille dans mon entourage !

IDDBD : Déjà deux albums publiés (mais pas encore lu, désolé) et Fox, un album en publication sur le web. Dans ce dernier, tu empruntes le point de vue d’un SDF et y montre le nécessaire instinct de survie dans la rue : est-ce une BD militante ? Ou c’est simplement l’envie de montrer les choses sous un angle différent ?
MS : J’ai un copain directeur d’une structure qui aide les SDF à se loger. Quand je lui ai parlé du projet et fait lire quelques planches, il m’a encouragé à continuer car il trouvait que ça parlait des SDF d’une façon réaliste et sans fioriture, c’est tout.

IDDBD : Te considères-tu comme un auteur à la Boulet (avec un parti pris très artistique sur le blog), ou le blog c’est juste un exercice pratique d’auteur de BD ?
MS : Le blog me permet d’expérimenter au niveau graphique et il a pris de l’importance quand j’ai remarqué que de plus en plus de monde le suivait. Au départ, je l’ai fait uniquement pour promouvoir mes albums. Résultat: plein de monde suit le blog et personne n’achète mes bds.

IDDBD : Dernière petite question, traditionnelle sur IDDBD, as-tu des conseils de lectures à nous donner ?
MS : Concours de circonstances et Gondoléances de Martin Singer. (faut bien que je paye mes impôts !)

Merci beaucoup à Martin Singer pour ses réponses… et en un temps record ! Et n’oubliez pas ses bons conseils… que nous tâcherons de suivre ici.

A découvrir : Bigger Than Life, le blog de Martin Singer
A lire : Fox, LE webcomic de l’été
A découvrir : les albums de Martin Singer sur le site des éditions Warum (avec en prime une interview comme il faut)

Chroniques BD

Chronique de vacances #2 : Double Trouble

Double trouble (scénario et dessin de Tanxxx, éditions Les enfants rouges, 2007)

Hé, hé, hé… vous croyez qu’il n’y a que les amerloques (le Jamie Hewlett de Tank Girl et Gorillaz, le Jaime Hernandez de Locas, le Charles Burns de Black Hole, ou le Daniel Clowes de Eightball…) pour faire de la BD « underground » déjantée, rock, ou psychédélique ?

Ce serait sans compter sur Mathilde Arnault, heu… Tanxxx !

Et avec Double trouble vous serez servi en histoires (courtes) complètement barrées, de ces histoires que l’on se raconte parfois dans sa tête sans jamais oser les raconter aux autres… Tanxxx, elle, n’a pas ce genre d’inhibition. Elle nous livre tout cru ce qui sort de sa cervelle cramée, avec une autodérision, une lucidité comique qui marche à tous les coups.

Pourtant, après chacun de ses sketchs, on se dit qu’on a atteint le fond de la folie, de la paranoïa ou de la schizophrénie. Et bien non, Tanxxx réussit l’exploit de nous entraîner toujours plus loin dans son univers délirant et en même temps tellement réjouissant.

Et le trait ! De la pure tradition américaine, en noir et blanc, expressif, nerveux, acéré comme un poignard… Une vraie alternative à ce que l’on peut voir par ailleurs… Du grand art…

A visiter : le site officiel de Tanxxx

A lire : le blog de Tanxxx

A fouiller : le Myspace de Tanxxx

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