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Chroniques BD

Chronique | Les enfants de la mer (Daisuke Igarashi)

Au début des vacances d’été, Ruka est exclue de son club de sport pour s’être battue avec une camarade. Seule, elle ère dans sa petite ville portuaire quand elle décide de partir pour Tokyo… pour voir la mer. Une fois arrivée, elle rencontre un jeune garçon qui nage dans la baie. Mais Umi n’est pas comme les autres, son frère et lui auraient été élevés par des dugongs, des mammifères marins menacés de disparition. Ruka, fascinée par cette histoire, découvre alors un monde mystérieux et fantastique qui l’entraîne à la fois vers les profondeurs marines, dans la voute céleste et en elle-même… vers les origines.

Le retour à la mer

La première fois que j’ai lu un manga de Daisuke Igarashi IDDBD devait avoir 6 mois. Je n’avais pas encore rédigé la moindre chronique BD mais je souviens encore très bien de Sorcières, une mini-série en deux tomes, puisant dans les croyances populaires et le fantastique. 8 ans et des centaines de chroniques plus tard, je retrouve avec une certaine émotion son univers teinté de retour à la nature et de merveilleux.

Je me souvenais surtout de ce dessin particulier ne correspondant pas vraiment aux standards habituels du manga. Il me restait cette troublante fascination pour un trait tortueux oscillant entre séduction et laideur. Quelques années plus tard, ce graphisme s’est encore enrichi d’un équilibre subtil entre écriture et illustration. Graphiquement, le plus impressionnant reste sans conteste les magnifiques et vertigineuses scènes sous-marines où la frontière entre mer et ciel semblent avoir complètement disparue. On ne sait plus très bien si les créatures marines flottent ou nagent dans cet espace. Daisuke Igarashi réussit l’exploit de représenter une profondeur abyssale dans une minuscule case. J’avoue avoir été complètement subjugué par l’apparition d’un requin-baleine en plein milieu d’une planche.

La profondeur du personnage

Si les décors et les éléments aquatiques  sont particulièrement soignés, on sent surtout la patte du dessinateur dans la représentation des personnages et dans l’implication qu’il leur donne. Jouant avec un découpage faisant une belle part aux regards et aux mouvements, Daisuke Igarashi proposent une palette graphique très large entre trait jeté et réalisme frisant parfois l’érotisme. Ses héros possèdent chacun une esthétique propre, parfois volontairement exagérée dans certaines situations (les nages de Umi et son frère Sora par exemple). Cette dernière évolue au cours de l’histoire, rendant plus forte la présence ou l’absence de certains personnages.

Tous ces éléments graphiques participent à la très grande qualité de cette série au thème écologico-fantastique très « miyazakien ». Toutefois, il ne faut pas limiter Les enfants de la mer à cette référence, trop facile, au grand maître de l’animation japonaise. Par son travail, Daisuke Igarashi propose une aventure fascinante et originale qui se joue à la fois dans les abysses, dans le ciel mais aussi dans l’esprit de ses protagonistes… une quête de mystères devenant une quête de soi. Ce qui rend d’autant plus fort son travail sur la représentation de ses personnages. Toutefois, il serait malvenu de ma part de dévoiler les éléments de l’intrigue tant le scénario repose sur une succession de surprises. Je vous invite à faire, comme moi, confiance à votre instinct (ou à cette chronique) et commencer cette lecture sans avoir d’éléments probants qui viendraient gâcher votre plaisir. Je confirme, ça marche ! Bref, je ne peux que vous invitez à découvrir cette série (terminée en 5 volumes) et de pénétrer dans l’univers fascinant d’un mangaka d’exception.

A lire : la chronique de Bidib sur Ma petite Médiathèque

Les enfants de la mer (5 volumes, série terminée)
Scénario et dessins : Daisuke Igarashi
Editions : Sarbacane, 2012 (15€)
Editions originales : Shogakukan, 2007

Public : Ado, adultes
Pour les bibliothécaires : Pas d’excuses de la longueur pour cette série de grande qualité. Indispensable

Chroniques BD, Recommandé par IDDBD

Chronique | Les derniers corsaires (Houde & Richard)

Durant la seconde guerre mondiale, le lieutenant Woolf est le second du capitaine Wallis sur le Jason, un sous-marin de la Royal Navy prêt à partir en mission. Woolf est ambitieux et ne comprend pas pourquoi, après des années d’efforts, il n’a pas encore son propre vaisseau. Le destin ne va pas tarder à lui offrir des réponses…

L’appel du large est souvent un moyen bien utile de débuter une aventure. Rien de mieux que l’horizon pour se lancer dans des promesses : des jolies filles dans chaque port, du sang, des combats et des larmes. Bref, de quoi s’éloigner pour un instant de la froideur de nos écrans d’ordinateurs pour se chauffer un peu au soleil, sur le pont. Non vraiment, rien de mieux qu’un titre comme Les Derniers Corsaires pour souffler dans les voiles de notre imagination.

Pourtant, dans cet album dont les qualités m’ont rendu très difficile la rédaction de cette chronique, il ne s’agit pas de cela. Ici point de flibustiers mais  la marine militaire avec toute sa rigueur, sa discipline, son honneur, son mérite et sa confiance ne se gagnant que par modestie et travail. Dans ce sous-marin, il n’y a pas de place pour l’approximation. L’horizon est celui du périscope, le sang est dilué dans l’eau de mer, les combats se déroulent sous le secret des vagues dans un jeu de cache-cache mortel. Quant aux femmes : pas l’ombre d’une chevelure, parbleu !

Les derniers corsaires est une évocation des combats sous-marin durant la seconde guerre mondiale. Comme Soldats de Sable (cf chronique de la semaine dernière) Jocelyn Houde et Marc Richard, les deux auteurs québécois de cet album, n’ont pas pris le parti de la fresque historique majeure mais la petite histoire de quelques personnages. En fait, il s’agit surtout d’un récit d’apprentissage. Si le lieutenant Walter Woolf connaît la théorie du combat, il est vite confronté à la réalité et surtout au capitaine Wallis, alias Ed Le Puant. Ce personnage austère particulièrement réussi allie la sagesse du vieux briscard, la noblesse de l’homme d’honneur et la morgue de l’officier. On appréciera également le personnage du capitaine Fielding, fin stratège et orfèvre en combat sous-marin. En y repensant, il n’est sans rappeler le capitaine Stark (Chargez !!!) des Tuniques bleues. Bref, la narration repose essentiellement sur leurs rapports, parfois conflictuels, parfois cocasses, de maître à disciple. Par ce biais, le lecteur est entraîné dans les profondeurs du récit. Les situations s’enchaînent entre moments de tensions,  de guerres et instants de calme, voire de réflexions. Combats et stratégies sont démontrés et expliqués sans lourdeur, les situations sont amenées avec beaucoup de finesse, laissant la place à des rebondissements inattendus. Au bout du compte, tout est précis, orchestré, fluide. La construction en trois temps est impeccable, ça file, on veut en savoir plus. Bref, un récit aussi construit et pensé que les opérations décrites.

Cette super-précision pourrait être un frein à l’émotion. Or, c’est là qu’intervient le travail magnifique du dessinateur Jocelyn Houde qui n’est pas sans rappeler le Christophe Blain d’Isaac le pirate. Une référence ! A première vue pourtant, le trait est simple. Des trames garantissent une relative obscurité à l’ensemble, la couleur est simple également, jouant sur les tons chauds ou froids quand nécessaire. Mais plus on pénètre dans le cœur du récit, plus on s’aperçoit de la virtuosité du dessinateur. C’est puissant et beau quand nécessaire, dynamique ou contemplatif au besoin, ça accroche l’œil immédiatement. Les émotions comme la panique ou la honte sont palpables. Et que dire des brouillards ou des vagues, superbe ! N’ayant pas les qualités techniques pour juger de la qualité d’un dessin, je m’enthousiasme rarement autant sur un illustrateur. Mais il faut bien avouer que peut avant sa mort en 2007, Jocelyn Houde montrait une qualité époustouflante à chacune de ses cases. Loin des critères réalistes, il donnait pourtant une vraie présence à ses personnages et à ses histoires. De quoi laisser un goût très amer à tous les amateurs du 9e art qui aurait pu bénéficier de son talent. Je suis triste à retardement.

Je ne sais qu’ajouter de plus sinon vous inciter à découvrir cet album réédité par La Pastèque cette année. Un album magnifique dressant le portrait de héros méconnus, soldats de l’ombre sous-marine, adepte du jeu d’échecs. Des hommes vrais avec leurs faiblesses et leurs victoires. Un bel hommage par des auteurs québécois qui, une fois de plus, on pense à Michel Rabagliati ou Jimmy Beaulieu, nous gratifient d’un album tout simplement merveilleux. Merci !

Merci aux éditions La Pastèque pour cette découverte (j’ai beaucoup de chance avec cette maison d’édition)

A voir : la fiche auteur sur le site La Pastèque

Les Derniers Corsaires (one-shot)
Scénario : Marc Richard
Dessins : Jocelyn Houde
Éditions : La Pastèque, 2012 (première édition en 2006)

Public : Amateurs de livres historiques, Ado-adultes
Pour les bibliothécaires : Il y a tant de BD historiques qui n’ont aucun intérêt… Pour une fois que vous avez un bijou, sautez dessus sans attendre. Vos lecteurs vous remercierons !

Chroniques BD

Chronique | En Mer (D.Weing)

Dans un endroit que l’on imagine être l’Amérique ou l’Angleterre du 17e siècle, un colosse, poète sans le sous en manque d’inspiration, écume les bars d’un port. Kidnappé pour servir de matelot dans un navire en route pour Hong-Kong, il se frotte à la dure réalité de la vie en mer. (synopsis éditeur)

A la recherche de la poésie

Utiliser le terme poésie à longueur de chroniques afin de montrer toute la capacité d’une œuvre à nous emmener vers des horizons narratifs inattendus, c’est un peu le défaut de nombreux blogueurs (et je m’inclus dedans). Pourtant, parfois son utilisation n’est pas galvaudée quand, au détour d’une librairie, au coin d’une pile de livre aux couleurs fluorescentes ou vaguement marronnasses genre grosses épées et filles dénudées, on la découvre sous les airs insoupçonnés d’un petit livre aux couleurs d’embruns et aux dorures subtiles.

En Mer est l’histoire d’un poète devenu marin. Ou d’un marin devenu poète. Ou d’un homme. Non pas d’un homme comme les autres, d’un colosse haut et large comme deux colosses. Un sur-homme aux mains et pieds gigantesques qu’on s’attendrait à retrouver dans les séries plus grands publics américains mais qui est échoué là, sur l’île de la bande dessinée indépendante. Que fait-il ce personnage sans nom dont l’âme semble prise au piège dans un corps trop grand, dans un corps trop fort ? Il dort, cherche l’inspiration sans la trouver, fait des poèmes mais n’écrit pas de poésie. Personnage perdu graphiquement, personnage perdu tout court.

Et c’est la rupture, le mot qui définit le mieux la démarche de Drew Weing. En effet, En Mer est un œuvre où brutalité, subtilité, intériorité, camaraderie, travail physique et écriture se côtoient, se croisent, s’imbriquent sans jamais s’éclipser totalement. La poésie de cette histoire ne naît pas de jolis mots bien emmenés – le récit est presque muet d’ailleurs – mais par la cohabitation de ces états successifs permettant de découvrir, non pas des trésors enfouies sur des îles perdures, mais une véritable richesse intérieure qu’on n’aurait même pas imaginé à la lecture de la première planche.

Subtile simplicité

En Mer est également –  ce que j’ai qualifié en référence à l’œuvre de Marc-Antoine Matthieu – un « anti-3 secondes ». Si ce dernier multipliait les cases pour montrer une utilisation potentielle de la bande dessinée, Drew Weing fait strictement l’inverse en ne jouant que sur une seule case par planche. Oui, une seule case par planche. Bon, ben ce n’est pas de la BD alors ? Déjà, si dans 3 secondes quelques cases étaient véritablement utiles (le reste étant des intervalles à mon goût d’un intérêt limité), ici chaque dessin est à la fois porteur d’une idée et moteur pour la suite. Du coup, on se laisse entrainer par un séquençage quasi-naturel renforcé par une utilisation de la double page bien pensée. De plus, son choix d’une case par planche permet de gérer la temporalité de l’histoire. Vous le constaterez, Drew Weing joue sans cesse avec le temps de son récit. Il peut lui donner un rythme classique (temps présent, simple), le faire accélérer, le ralentir voire même lui faire faire du surplace. Un procédé qui se relève très astucieux, qui évite l’ennui et surtout, qui sert son récit.

Un récit total

Car, tout est au service du récit : le graphisme des personnages jouant sur les aprioris graphiques de ses lecteurs s’attendant à un récit d’aventure en découvrant des personnages cartoonesques, la composition case par planche qui se révèle être un jeu subtil mais aussi la dimension physique du livre qui est elle-même un aspect important de l’œuvre.

Qu’entends-je par là ? Je suis désolé mais je vais devoir spoiler un peu donc si vous n’avez pas lu En Mer, vous pouvez peut-être passer au paragraphe suivant. Je reprends : le format du livre type XIXe siècle, sa page de titre (avec la gravure et le terme « illustré ») et son titre lui-même ne sont pas sans rappeler le recueil de poésie écrit par notre héros et qui lui vaudra cette paix recherchée. Oui, ce livre est LE livre. Il serait facile d’y voir un parallèle avec le parcours de Drew Weing qui a mis 5 ans à écrire. Et si le but de ce livre n’était pas autre chose qu’une réflexion autour du pourquoi fait-on un livre et la recherche de l’inspiration ?

Sur la forme comme sur le fond, En Mer est un livre réussi. C’est une œuvre dense et subtile, jouant sur les ruptures et les paradoxes afin de désarçonner son lecteur pour l’emmener, loin très loin, non pas au milieu de la mer, mais en lui-même, dans une réflexion intérieure qui lui donnera envie de rouvrir ce livre, comme on parle à un camarade, sans trop de discours inutile. Ici, graphisme, composition et scénario sont en harmonie et offre un panel narratif superbe. Un livre joyeux et d’une humanité rare. Beau.

A noter : Cette chronique s’inscrit dans le Reading Comics Challenge de Mister Zombi (option Mort aux super-héros encore une fois !).

dessin et scénario : Drew Weing
traduction : Fanny Soubiran
éditions : çà et là (2011) 13€
éditions originales : Fantagraphics Books (2011)
public : Ado-adulte
pour les bibliothécaires : A faire découvrir absolument. Une œuvre accessible à tous les publics. Se lit vite, ne s’oublie pas.

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