Vincent est un trentenaire paumé. Pour sortir de sa condition, il prépare l’attaque d’un fourgon blindé avec son vieux pote, Gabriel, alias Gaby Rocket, un quinquagénaire tout aussi perdu que lui. Pour cela, ils vont prendre le fils du chauffeur en otage. Mais voilà, nos deux apprentis malfrats ne sont pas des pros et les imprévus se succèdent.
Faux polar
Ma révérence a reçu le prix polar au festival d’Angoulême en 2014. Bravo à Rodguen (aux dessins), Ohazar (le coloriste) et à Wilfrid Lupano qui est décidément un scénariste qui a le vent en poupe. C’est très bien excepté que Ma révérence n’est pas un polar.
Si on se base sur une définition stricte, à savoir qu’un polar intègre une enquête, un mystère et un policier (ou un détective) comme personnage principal. Ici, rien de cela. A y regarder de plus près, même sans cette définition stricte, cette histoire est avant tout une affaire de personnages, de contexte social, d’utopie et de quête de soi. Les deux apprentis malfrats ne sont pas des durs, mais deux types un peu paumés en décalage avec la réalité qui les entoure. Bref, de magnifiques losers comme on les aime. L’un poursuit un rêve, l’autre survit malgré tout. Nous pourrions presque nous passer du « casse de fourgon » tant il paraît anecdotique à côté de l’aspect quasi-sociologique présentant une France des années 2000 en manque de repères.
Vrai réalisme
C’est là toute la force de l’écriture de Wilfrid Lupano. Il décrit avec beaucoup de justesse, mais aussi d’humour à travers des dialogues incisifs, une société où racisme, individualisme, quête de l’apparence, manque de courage sont au cœur des préoccupations et des débats. Vincent et Gaby n’échappent pas à ce contexte mais ce sont surtout les personnages secondaires nombreux qui enrichissent tour à tour le cadre de cette histoire.
Côté récit, l’ensemble est d’une grande fluidité et on prend plaisir devant les multiples rebondissements. Le dénouement ne surprendra toutefois pas vraiment le lecteur. Ce n’est pas grave car l’intérêt de cet album est ailleurs. Graphiquement, le dessin et la couleur rappellent le travail d’un illustrateur comme Gazzotti (Seuls). Un trait plutôt classique mais qui correspond à l’esprit particulièrement réaliste de cet album. Classique mais efficace, donc !
Finalement, cette lecture est agréable. Je doute toutefois que cet album demeure dans les mémoires très longtemps. Référence politique, sociale, graphisme très classique oblige. Toutefois, on prend un vrai plaisir à suivre les aventures de ce personnage plutôt positif qu’est Vincent. Looser ? Pas tant que ça. Un bon album, ça c’est sûr !
A lire : la critique de Mo’
Ma révérence (one-shot)
Scénario : Wilfrid Lupano
Dessins : Rodguen
Couleurs : Ohazar
Editions : Delcourt, 2013Public : Ados-Adulte
Pour les bibliothécaires : un bon album, un prix, de quoi plaire aux lecteurs.