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Chroniques BD

Chronique | En Mer (D.Weing)

Dans un endroit que l’on imagine être l’Amérique ou l’Angleterre du 17e siècle, un colosse, poète sans le sous en manque d’inspiration, écume les bars d’un port. Kidnappé pour servir de matelot dans un navire en route pour Hong-Kong, il se frotte à la dure réalité de la vie en mer. (synopsis éditeur)

A la recherche de la poésie

Utiliser le terme poésie à longueur de chroniques afin de montrer toute la capacité d’une œuvre à nous emmener vers des horizons narratifs inattendus, c’est un peu le défaut de nombreux blogueurs (et je m’inclus dedans). Pourtant, parfois son utilisation n’est pas galvaudée quand, au détour d’une librairie, au coin d’une pile de livre aux couleurs fluorescentes ou vaguement marronnasses genre grosses épées et filles dénudées, on la découvre sous les airs insoupçonnés d’un petit livre aux couleurs d’embruns et aux dorures subtiles.

En Mer est l’histoire d’un poète devenu marin. Ou d’un marin devenu poète. Ou d’un homme. Non pas d’un homme comme les autres, d’un colosse haut et large comme deux colosses. Un sur-homme aux mains et pieds gigantesques qu’on s’attendrait à retrouver dans les séries plus grands publics américains mais qui est échoué là, sur l’île de la bande dessinée indépendante. Que fait-il ce personnage sans nom dont l’âme semble prise au piège dans un corps trop grand, dans un corps trop fort ? Il dort, cherche l’inspiration sans la trouver, fait des poèmes mais n’écrit pas de poésie. Personnage perdu graphiquement, personnage perdu tout court.

Et c’est la rupture, le mot qui définit le mieux la démarche de Drew Weing. En effet, En Mer est un œuvre où brutalité, subtilité, intériorité, camaraderie, travail physique et écriture se côtoient, se croisent, s’imbriquent sans jamais s’éclipser totalement. La poésie de cette histoire ne naît pas de jolis mots bien emmenés – le récit est presque muet d’ailleurs – mais par la cohabitation de ces états successifs permettant de découvrir, non pas des trésors enfouies sur des îles perdures, mais une véritable richesse intérieure qu’on n’aurait même pas imaginé à la lecture de la première planche.

Subtile simplicité

En Mer est également –  ce que j’ai qualifié en référence à l’œuvre de Marc-Antoine Matthieu – un « anti-3 secondes ». Si ce dernier multipliait les cases pour montrer une utilisation potentielle de la bande dessinée, Drew Weing fait strictement l’inverse en ne jouant que sur une seule case par planche. Oui, une seule case par planche. Bon, ben ce n’est pas de la BD alors ? Déjà, si dans 3 secondes quelques cases étaient véritablement utiles (le reste étant des intervalles à mon goût d’un intérêt limité), ici chaque dessin est à la fois porteur d’une idée et moteur pour la suite. Du coup, on se laisse entrainer par un séquençage quasi-naturel renforcé par une utilisation de la double page bien pensée. De plus, son choix d’une case par planche permet de gérer la temporalité de l’histoire. Vous le constaterez, Drew Weing joue sans cesse avec le temps de son récit. Il peut lui donner un rythme classique (temps présent, simple), le faire accélérer, le ralentir voire même lui faire faire du surplace. Un procédé qui se relève très astucieux, qui évite l’ennui et surtout, qui sert son récit.

Un récit total

Car, tout est au service du récit : le graphisme des personnages jouant sur les aprioris graphiques de ses lecteurs s’attendant à un récit d’aventure en découvrant des personnages cartoonesques, la composition case par planche qui se révèle être un jeu subtil mais aussi la dimension physique du livre qui est elle-même un aspect important de l’œuvre.

Qu’entends-je par là ? Je suis désolé mais je vais devoir spoiler un peu donc si vous n’avez pas lu En Mer, vous pouvez peut-être passer au paragraphe suivant. Je reprends : le format du livre type XIXe siècle, sa page de titre (avec la gravure et le terme « illustré ») et son titre lui-même ne sont pas sans rappeler le recueil de poésie écrit par notre héros et qui lui vaudra cette paix recherchée. Oui, ce livre est LE livre. Il serait facile d’y voir un parallèle avec le parcours de Drew Weing qui a mis 5 ans à écrire. Et si le but de ce livre n’était pas autre chose qu’une réflexion autour du pourquoi fait-on un livre et la recherche de l’inspiration ?

Sur la forme comme sur le fond, En Mer est un livre réussi. C’est une œuvre dense et subtile, jouant sur les ruptures et les paradoxes afin de désarçonner son lecteur pour l’emmener, loin très loin, non pas au milieu de la mer, mais en lui-même, dans une réflexion intérieure qui lui donnera envie de rouvrir ce livre, comme on parle à un camarade, sans trop de discours inutile. Ici, graphisme, composition et scénario sont en harmonie et offre un panel narratif superbe. Un livre joyeux et d’une humanité rare. Beau.

A noter : Cette chronique s’inscrit dans le Reading Comics Challenge de Mister Zombi (option Mort aux super-héros encore une fois !).

dessin et scénario : Drew Weing
traduction : Fanny Soubiran
éditions : çà et là (2011) 13€
éditions originales : Fantagraphics Books (2011)
public : Ado-adulte
pour les bibliothécaires : A faire découvrir absolument. Une œuvre accessible à tous les publics. Se lit vite, ne s’oublie pas.

Chroniques BD

Chronique | Isaac le Pirate

(scénario et dessin de Christophe Blain, couleurs de Walter et Yuka, aux éditions Dargaud, collection Poisson Pilote, 2001)

La série Isaac le Pirate est l’occasion de faire le point sur un sujet qui peut dérouter le néophyte : le dessin d’une bande dessinée doit-il être « beau » ?
Sans hésiter, la réponse est « oui, évidemment », s’agissant d’une oeuvre d’art (car n’en déplaise aux esprits chagrins, la BD est un art à part entière, et non des moindres…).
Pour autant, le trait, le dessin doit-il être nécessairement « académique » pour être beau. Et avec le même aplomb, IDDBD répond « non, évidemment ». Comment ça « évidemment » ?

Pour simplifier à l’extrême (les spécialistes vont lancer un « contrat » sur ma tête), la BD se divise en deux catégories, selon le genre de dessin utilisé : d’un côté la BD « académique« , de l’autre la BD « expressionniste« .

Même si les styles peuvent être très différents d’un dessinateur à l’autre, la première catégorie utilise un trait classique, de celui dont on peut dire immédiatement « ouah, le mec, y sait dessiner, la vache » (c’est une image : les dessinateurs savent généralement dessiner autre chose que des vaches…). On peut classer dans cette catégorie des bandes dessinées comme Blacksad, Où le regard ne porte pas, Le Marquis d’Anaon, Cuervos, Rapaces ou Luuna pour reprendre des exemples de BD qu’IDDBD a récemment chroniqué. Pour enfoncer le clou, des BD telles qu’Astérix, Tintin ou Lucky Luke sont emblématiques du genre.

La deuxième catégorie utilise un trait moins conventionnel et des formes graphiques plus originales, plus détachées de la contrainte immédiatement esthétique au profit de l’expression des personnages, des sentiments, du mouvement, etc…
Le néophyte identifie facilement ce genre (par opposition à ce qu’il connaît déjà visuellement de la BD), et rajoute souvent des commentaires du style « Peuh, trop naze, mon neveu de 5 ans dessine pareil« . Outre qu’il est grammaticalement incorrect, cet avis dénote un esprit fermé qu’IDDBD se propose d’ouvrir, à grand coup de claques s’il le faut… (bien entendu, c’est une image… quoique…).
On peut classer dans cette catégorie des bandes dessinées comme Lincoln, la série Donjon, le Combat ordinaire, ou les Imposteurs pour reprendre encore une fois des exemples dont IDDBD a récemment parlé.
Incontestablement, Isaac le Pirate appartient à cette deuxième catégorie. Il en est même emblématique.
Si vous débutez en BD, ne vous laissez pas rebuter par un dessin auquel vous n’êtes pas habitués mais qui se révèle d’une justesse incroyable. C’est déjà ce que je vous conseillais pour les Imposteurs.
Par nature, la BD est un art qui mêle inextricablement le trait et l’écrit. Dans la BD expressionniste, cette définition prend encore plus de son sens.

Aussi laissez-vous emporter par Isaac le Pirate, jeune peintre du XVIIIème siècle embarqué presque malgré lui par un étrange médecin dans le monde de la piraterie, loin de sa belle fiancée Alice.
Des Caraïbes aux glaces de l’Antartique, il y rencontrera des personnages hauts en couleur mais toujours très humains, très vrais : Jean Mainbasse, le Baril, la Teigne, Jacques (dont il deviendra l’ami que nous retrouverons dans tous les autres épisodes). Il y vivra aussi des aventures palpitantes, mêlant action et philosophie, amitié et amour…
Isaac le Pirate, c’est beau, c’est intelligent, c’est sensible ! Le trait de Christophe Blain traduit parfaitement les sentiments, les ambiances, l’action… Son scénario est impeccable, plein des rebondissements que l’on est en droit d’attendre d’une grande fresque romanesque, et plus encore (Alice succombera-t-elle ?).
N’hésitez pas une seconde et lancez-vous à l’abordage des 5 tomes actuellement disponibles !
Isaac le Pirate est un trésor de la BD (et même pas enterré avec ça !).

Vous aimerez si vous aimez : les vraies histoires de pirates (ah les scènes d’abordage ou de combat), les vraies histoires d’amour et d’amitié (nous suivons, en parallèle la vie d’Alice et celle d’Issac…).

A lire (avant de partir à l’abordage) : les cinq premières planches des tomes 1 (Les Amériques), 2 (Les glaces), 3 (Olga), 4 (La capitale) et 5 (Jacques), disponibles sur le site Poisson Pilote (ne ratez pas les galeries d’images, superbes !).

A lire (en escale) : les interviews de Christophe Blain sur bdparadisio.com et sur artelio.org

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