Fin 2009, une quarantaine de familles roms indésirables à Nantes, arrivent à Indre, une petite commune des bords de Loire. Dès le lendemain, le maire Jean-Luc Le Drenn décide de mettre un terme à ce qu’il appelle « la politique de la patate chaude », en refusant de les expulser à son tour. Grâce à l’engagement sans faille d’une poignée de citoyens et d’élus mobilisés par ce combat collectif et politique, les familles resteront 18 mois, avant qu’une solution digne et pérenne soit trouvée.
Récemment, une amie m’a envoyé un lien vers un article de Libération évoquant l’initiative d’un maire d’un village du Nord de la France. Ce dernier a déversé plusieurs tonnes de lisier sur un terrain occupé par un campement roms. Quelques jours plus tôt, nous avions évoqué ensemble les difficultés de proposer des œuvres abordant des thèmes polémiques, touchant ou marquant le spectateur par des partis pris « politique » (au sens de « vie de la cité ») tranchés. Peur de déranger ? Peur du conflit ? Peur du débat ? Peur de quoi au juste ? Telle était véritablement la question de notre discussion dont le point de départ avait été ce documentaire de Sophie Averty.
Sans aucune prétention, Cause Commune est un film interrogeant le spectateur sur sa place de citoyen et permet d’ouvrir le débat en dépassant l’unique question « roms ». Rôle de l’homme politique, de nos choix face à une situation jugée injuste, de notre implication à trouver des solutions sur le moyen ou le long terme… De nombreuses interrogations sont suscitées durant les 58 minutes proposées par Sophie Averty. Le propos est juste car elle prend soin de ne pas lui donner une dimension politicienne. En effet, elle recadre l’idée dans son contexte, à l’échelle d’une politique et d’une réalité locale bien souvent éloignée des idéologies nationales. Rare sont les films qui réussissent cette pirouette entre citoyenneté et politique.
Pour la réussir, la réalisatrice relate les événements chronologiquement. Elle interviewe les témoins et les différents acteurs. Ce procédé archi-classique est très vite enrichi par des idées simples mais diablement efficaces. Elles permettent de replonger les protagonistes et les spectateurs dans l’esprit de l’époque. Je pense notamment à quelques scènes rejouées pour l’occasion, en particulier ce conseil municipal extraordinaire dans le gymnase. Émouvant moment de cinéma où des prises de sons faites ce jour-là sont diffusées, où l’élue relie le discours puissant écrit par l’ensemble des représentants de la ville, où l’on comprend que l’engagement politique peut avoir une vraie consistance. Mais je n’oublie pas non plus l’incrustation d’images animées où la projection en plein air sur les lieux où les roms avaient été accueillis.
Au final, les réponses du comment et du pourquoi sont presque simples. Naturel, humanisme, empathie, honte, aide, intégration, joies, échanges sont des mots qui reviennent souvent dans la bouche des fonctionnaires, élus ou simples citoyens de cette petite ville. Comme un camouflet à la politique du rejet, leur histoire est forte, profonde et surtout, le plus important, n’a pas abouti à une impasse. Cause Commune est un film qui rend hommage à tous ces gens qui donnent un sens aux valeurs de notre République. Les habitants d’Indre en particulier. Il donne confiance dans la vraie action politique. Si comme moi, vous avez parfois envie de laisser passer des événements, paroles ou actions qui vous indignent, alors un conseil, repassez-vous ce film où juste sa bande annonce. Face aux événements de janvier ou aux dernières élections où quelques néo-fachos populistes déguisés en gentil Oui-Oui font 30% des voix , ce film est un gentil remède, un exemple pacifique mais résolu, une bonne dose de bon sens pour vous faire lever de votre canapé et vous dire, aller, aujourd’hui je change quelque chose.
Respect.
A lire : l’interview de la réalisatrice dans Libé
A voir : la bande annonce
Cause Commune
Réalisateur : Sophie Averty
Durée : 58′
Production / Diffusion : Z’azimut films, TVR – Televiziunea Romana (Roumanie), Tébéo – Télévision Bretagne Ouest, Ty Télé, Télénantes
Année de production : 2013