A la mort de leur grand-mère, Kentarô et Keiko apprennent la vérité : leur véritable grand-père était pilote de chasse dans l’armée japonaise durant la seconde guerre mondiale. Il est mort dans une opération kamikaze. Keiko demande à son frère de se lancer sur la piste de cet aïeul dont ils ne connaissent rien. Une occasion pour Kentarô désabusé par des échecs successifs à un concours de la magistrature de retrouver et de faire parler les vétérans qui ont bien connu Kyûzo Miyabe. Lâche ou héros ? Le jeune homme va trouver bien plus que des réponses.
Drôle d’histoire ?
Adapté de l’œuvre originale de Naoki Hyakuta, qui signe également le scénario du manga, Zéro pour l’éternité nous plonge dans les mythes de l’histoire militaire que sont les fameux Zéro, les avions de chasse de l’armée japonaise dont le créateur a fait l’objet de l’ultime film de Hayao Miyazaki, mais aussi de ces fameux Kamikaze, jeune pilote envoyé à la mort par une armée japonaise en déroute.
Le postulat de départ du scénariste, qui pose la question à travers le discours d’un personnage journaliste ami de Keiko, est de s’interroger sur la réutilisation du terme « kamikaze » pour nommer les terroristes. Les kamikazes japonais étaient-ils des terroristes ? Dès le départ, j’ai trouvé cette question pour le moins incongrue pour une série qui se veut historique. Comment peut-on comparer deux périodes qui n’ont rien à voir, deux situations géopolitiques et sociales totalement différentes ? C’est quand même la base de l’interrogation historique d’éviter ce genre de question qui ne font jamais avancer les choses… à moins de vouloir justifier une réponse qu’on devine rapidement évidente et mettre en avant un nationalisme historique exacerbé. « Gloire aux jeunes héros qui ont sacrifié leur vie pour leur pays » serait-on tenter de dire…
Mémoire militaire
Mais peu importe après tout, l’idée principale étant de nous raconter l’histoire de l’aviation militaire durant la guerre du pacifique à travers les yeux de l’un de ses pilotes. De ce côté-là, il faut admettre la réussite du projet. Durant les entretiens de Kentarô avec les vétérans, nous découvrons pas à pas les victoires du début (notamment l’attaque de Pearl Harbor) puis les défaites traumatisantes jusqu’à la folie des opérations sans retour. Honneur, courage ou lâcheté, survie sont autant de mots qui reviennent sans cesse au travers des différents chapitres. Les témoignages des vétérans forment des séries de flashbacks impressionnant ou émouvant. D’ailleurs, la qualité des dessins, très réalistes pour du manga, participent vraiment à la réussite de cet aspect de l’histoire.
Clairement, le scénariste souhaitait jeter des ponts entre les générations afin de faire passer une sorte d’héritage spirituel auprès des jeunes. La figure de Miyabe, héros de guerre ou véritable lâche, est le lien qui unit ce jeune homme paumé aux vétérans. Dès les premiers mots du texte, on comprend : cette quête permettra à Kentarô de s’épanouir en retrouvant les vraies valeurs, celles qui parsèment les témoignages des vétérans. Cependant, l’articulation entre présent et passé est particulièrement maladroite. Si, comme je l’expliquais plus haut, les flashbacks sont très bien réalisés, j’ai trouvé en revanche le présent bien trop lisse et fade. L’histoire personnelle de ce pauvre Kentarô, personnage sans grande profondeur comparé à la figure de son grand-père, ne provoque pas beaucoup d’empathie pour ses doutes et ses douleurs. Mention particulière au passage presque obligé où il rencontre une jeune fille charmante au hasard de son enquête. Forcément l’amour est aussi au rendez-vous de cette reconstruction. Là encore, on aurait pu s’en passer. Finalement, on arrive presque à se dire que cette quête servirait juste de prétexte à l’étalage d’une histoire militaire teintée de pseudo-conscience d’héroïsme national.
Pour conclure, c’est sans doute la première fois depuis que je rédige des chroniques sur IDDBD que je me pose sérieusement la question de l’idéologie sous-jacente à une histoire. Véritable livre d’histoire ou prêche militaro-nationaliste déguisé ? Difficile de le dire. Cependant, le côté histoire des faits militaires est, je pense sans pouvoir complètement le vérifier, tout à fait intéressant. Zéro pour l’éternité est un docu-fiction intéressant à découvrir malgré un côté fiction qui pêche un peu par la faiblesse de son héros et sa construction maladroite. Je suis sans doute un des rares à ne pas trouver ce titre inoubliable.
Zéro pour l’éternité (5 volumes, série terminée)
Titre original : Eien No Zero
Scénario : Naoki Hyakuta
Dessins : Souichi Sumoto
Editions : Delcourt, 2010
Editions originales : Futabasha, 2010Public : Ado-adultes
Pour les bibliothécaires : Série courte mais je reste réservé sur l’idéologie de l’histoire.