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Chroniques BD, Recommandé par IDDBD

Jane, le renard & moi (Arsenault & Britt)

Hélène est une fille à peine sortie de l’enfance qui subit harcèlement et intimidation de la part de ses « amies d’écoles ». Heureusement, pour l’aider à surmonter sa solitude, elle se réfugie dans le monde de Jane Eyre, dans le réconfort de sa mère et dans son imagination débordante. Avant de commencer cette chronique je tiens à remercier mes camarades de KBD qui m’ont poussé à relire Jane, le renard & moi sur lequel je m’étais arrêté distraitement il y a quelques mois. Fatigué, mal luné ou que sais-je ? J’avais lu et n’avais pas trouvé dans ces pages l’œuvre époustouflante dont tout le monde parlait. Je refermais donc l’album et passais à autre chose. A vrai dire, je suis peut-être un sombre blogolecteur de mauvaise foi mais il devait quand même me rester un soupçon de doute quand Mo’ proposa cet album à la lecture pour une future synthèse de KBD. Je m’inscrivais donc sur la liste en me disant qu’il faudrait bien une voix dissonante pour donner un peu de fil à retordre au rédacteur de la synthèse dominicale. Ainsi, installé sur mon canapé, je me replongeais dans la première bande dessinée du duo Isabelle Arsenault et Fanny Britt. Immédiatement, la magie opéra, m’emmenant dans cette école très commune où une enfant très commune se retrouve dans une situation, elle aussi, des plus communes. Retour vers le futur… et les mots de la petite Hélène, unique narratrice de l’histoire, qui résonne dans mon esprit. Ce sentiment de rejet que, vous, moi, elle, avons tous un jour connu avec plus ou moins de force. Et la cruauté des enfants. Et l’envie de trouver une échappatoire à l’ordinaire stupide et méchant. Les textes de Fanny Britt sont d’une justesse incroyable et prennent leurs aises grâce au travail d’illustration remarquable d’Isabelle Arsenault. Avec son utilisation très surprenante d’une couleur capable d’éclater au milieu d’un océan de gris, elle réussit à créer l’atmosphère nécessaire à l’épanouissement des mots. Une véritable osmose se créent naturellement entre les deux auteurs. Quand Hélène parle, le dessin d’Isabelle absorbe les non-dits, les descriptions, tout ce qui pourrait « polluer » ou alourdir le texte de Fanny. Mais quand le texte laisse toute la place, alors c’est une puissance créatrice – celle de l’imagination –  qui se réveille avec des doubles pages fantasmagoriques qui entrainent encore un peu plus le lecteur dans ce monde à la fois fabuleux et réaliste. Cette osmose entre les éléments graphiques et narratifs crée un album particulièrement fort, et surtout très juste. Tour à tour ou ensemble, les deux auteurs savent jouer sur les rythmes, sur la finesse des sentiments, sur les petits riens qui, sans être explicites, font toute la différence entre une simple histoire et un récit qui touche profondément. Et pourtant, si peu d’effets de style ! Beaucoup de simplicité – ou en tout cas d’épure – dans une forme qui définit pour moi toutes les qualités de la bande dessinée québécoise et plus largement nord-américaine. Si on connait depuis longtemps les qualités des auteurs américains, leurs cousins canadiens n’ont rien à leur envier. Avec un vrai souci du récit intime loin d’un nombrilisme de plus en plus pénible dans la BD européenne (dois-je vous reparler de Paul ?), une qualité graphique indéniable (ou de Jocelyn Houde ?), une forme d’autodérision et de fantaisie (au hasard Rémy Simard), on peut admettre qu’il se passe des choses Outre-Atlantique. Pour terminer sur Jane, le Renard & Moi, on ne peut être qu’admiratif devant ce travail d’une réelle justesse et d’un équilibre parfait. Un album qui saura toucher grand, petit, moyen, un travail à montrer aux apprentis auteurs. Ce récit parlera aux jeunes collégiens mal-à-l’aise dans leur peau, à leurs parents qui ont connu cela, à ceux qui l’ont fait subir aussi. Et puis, comme le monde n’est pas si noir, cette fable moderne a sa morale. Là aussi tout en naturel et en simplicité. A lire : les chroniques de Mo’, Lunch, Badelel et Bidib A découvrir : la fiche album sur le site de La Pastèque

Jane, le Renard et Moi (one-shot) Scénario : Fanny Britt Dessins : Isabelle Arsenault Editions : La Pastèque, 2012 Public : Tout public Pour les bibliothécaires : Vous ne l’avez pas encore ? En ados, en adultes, en jeunesse… ou vous voulez mais achetez-le ! Et faites ce qu’il faut pour le faire sortir !

Chroniques BD

Chronique | Le commun des mortels (Kokor)

Petite information : Pour une fois, pas de synthèse KBD ce week-end. Ça me permet de vous proposer une chronique écrite depuis un temps certain mais dont la mise en page a été plus que compliqué. Rassurez-vous, KBD reviendra lundi ou mardi. Alors ce dimanche, c’est un rendez-vous avec Kokor !

La digue du nord est un restaurant abandonné au milieu d’une étendue herbeuse. Rien à l’horizon sinon du vent et une camionnette orange. A l’intérieur, Factotum Ladislas Quint (Qu’un ? Oui, mais le bon) entrepreneur en bâtiment chargé de la rénovation de l’hôtel. A son arrivée, il trouve Gus McKolette, un barman. Tous les deux ont été engagés par téléphone par un mystérieux propriétaire. Ils ont 1 mois pile avant l’inauguration. Ce jour-là, ils découvriront l’identité de leur énigmatique patron.

L’ouverture d’un livre de Kokor est comme une loterie. Parfois, le lecteur se retrouve un peu seul au milieu des pages, abandonné dans un univers impénétrable où rien ne résonne vraiment pour lui. Mais, quand la porte s’ouvre, quand par bonheur l’univers peint par Kokor se dévoile sous vos yeux et que vous y pénétrer sans peine, alors vous trouvez de véritables petits bonheurs de lecture. Ce n’est pas que son travail soit inconstant. Il est surtout d’une originalité propre qui le fait prendre naturellement vers des sentiers parallèles. Un peu en dehors de toutes modes ou tous courants de la BD, Kokor a son propre univers. Il suffit de regarder son graphisme pour le comprendre. A qui fait-il penser ? Personne ou si peu. Aujourd’hui si tant de jeunes auteurs sont parfois influencés par leurs aînées – combien, et même des très bons, sont clairement influencés par le traits de SfarKokor n’a pas de filiations évidentes.

Mais plus que son graphisme, il possède une façon bien particulière de raconter ses histoires, de faire dialoguer ses personnages. A l’image du Commun des mortels, il est capable de se faire côtoyer réalisme et onirisme dans un équilibre subtil. Dans cet hôtel oublié qui n’est pas sans rappeler un peu celui de Bagdad Café se joue un drôle de jeu s’éclairant à la toute fin de l’album… Et encore, la fantaisie déroutante de Kokor n’est jamais très loin. Les dernières images sont un hymne à la liberté avec dans un coin, toujours une mouette au loin dans un ciel bleu d’azur. Là encore, une marque de fabrique. L’esprit s’envole, le voyage commence.

Mais comme je vous le disais plus haut, il est parfois difficile d’entrer dans ce monde très personnel. Et pour cet album, ce fut plus  difficile que prévu. En fait, je l’ai commencé plusieurs fois sans dépasser les 5 ou 6 premières planches. Pour tout vous dire, je l’ai en ma possession depuis 2007… Oui parfois, il faut patienter pour profiter d’un livre. Quand on vous dit qu’il y a des moments pour profiter d’un livre ! Mais voilà, un soir, j’ai passé l’obstacle.

A ma décharge, l’atmosphère du Commun des Mortels est particulièrement oppressante. Pourtant, il n’y a pas d’agressivité, pas de morts, pas même une quelconque terreur. Nous sommes loin de l’ambiance d’un Ben Templesmith. Mais, malgré une introduction purement graphique qui laisse au lecteur de temps d’entrer dans ce monde, les premiers dialogues sonnent comme si un danger imminent allait advenir. Il ne nous reste plus qu’à attendre… Mais quoi ? Toutes ces questions en suspens sont le moteur de ce récit. Des réponses ? Elles sont à chercher dans les détails, dans le jeu subtil entre dialogues, dessins, couleurs et surtout dans la relation réussie entre les deux personnages… et même l’hôtel, ce troisième protagoniste qui semble posséder une vie propre. Mais Gus McKolette et Factotum Ladislas Quint ont tout pour réussir un bon couple de fiction : le petit gros et le grand maigre, l’excité et le flegmatique, le dur et le mou… On a déjà vu ça chez des comiques et des hommes politiques ! Mais, il convient de ne jamais se fier aux apparences avec cet auteur. Mais là, il est inutile d’en dire plus sinon que comme l’indique le titre, l’humain est au milieu de toute cette histoire, au milieu de toutes les œuvres de Kokor d’ailleurs.

Pour en revenir à la couleur – désolé je suis désordonné aujourd’hui – ces dernières sont particulièrement réussies. Elles apportent un réel plus au dessin de Kokor et sont bien plus qu’un élément graphique dans cette histoire. Je n’ai pas dis que je me taisais plus haut ? Bref, il utilise toute la palette offerte par la bande dessinée pour nous raconter son histoire.

Vous vous dites qu’encore une fois, je suis dithyrambique sur cet auteur. Et pourtant, j’en sors moins enthousiasme que d’habitude. Je n’ai pas beaucoup d’explications à vous donner. Cela rejoint un peu ce que j’écrivais en début de chronique. Kokor joue un jeu subtil auquel il faut accrocher. Sur Le Commun des mortels, j’ai trouvé que l’on tombait parfois dans une certaine monotonie, voulue par l’auteur certes, mais qui peut parfois paraître un peu longuette. Cependant, le travail est très fluide et une fois passé les premiers moments, le lecteur peut aisément se laisser porter jusqu’au bout. Avec 62 planches, le livre est également plus court que d’autres productions. Sur 120 ou 140 planches avec aussi peu de ruptures pour relancer la machine, je crois que j’aurais lâché rapidement. Là, ça reste acceptable. Après l’histoire n’a pas non plus la part de folie douce d’une œuvre comme Balade, Balade (qui reste pour moi sa plus grande réussite) ou le côté onirque des Voyages de Gulliver. Je suis moins emmené par ce genre de récit. Toutes mes remarques sont bien personnelles mais il faut vraiment prendre en compte le côté résonnance intime dans la lecture d’un livre de Kokor. Aimer ou pas, c’est toujours notre propos. Mais dans ce cas ce critère est essentiel, bien plus que pour un auteur prêt à prendre moins de risques.

Le Commun des mortels se situe dans la grande tradition des œuvres de Kokor. Toujours en équilibre entre rêve et réalité, on peut tout à fait être désarçonné par ce Bagdad Café de la bande dessinée. Maîtrisé comme souvent avec le travail de cet auteur, ce livre manque parfois un peu de rythme mais si les premières pages sont un peu difficile, la suite s’avère plutôt fluide. Que vous aimiez ou pas, Kokor ne risque pas de vous laisser indifférent. Au milieu de ce café, c’est bien l’humanité la plus importante.

A lire : la chronique de Mo’

Le Commun des mortels (one-shot)
Scénario et dessins : Kokor
Éditions : Vents d’Ouest, 2004 (13€)
Collection : Equinoxe

Public : Adulte
Pour les bibliothécaires : peut-être pas le plus essentiel des livres de Kokor.

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