Exauce-nous (scénario de Pierre Makyo, dessins et couleurs de Frédéric Bihel, Futuropolis)

Léonard est un simple d’esprit, employé comme homme de ménage dans un théâtre du Mans. Personnage sympathique et attachant, il possède ses petites habitudes dans un bar du coin où, chaque soir, il retrouve des proches qui, le regard amusé par son éternel lait tiède, attendent avec impatience son incontournable question « tu l’as vue celle que j’cherche ?« . La personnalité de Léonard et cette phrase énigmatique pousse Frank, ami et scénariste en quête d’inspiration, à entreprendre un travail d’écriture et d’enquête sur l’étrange simplet. Ces recherches mènent l’écrivain vers des domaines et des découvertes insoupçonnées.

Voici un album qui mérite son lot de superlatif ! Une fois n’est pas coutume, commençons par le dessin. En toute franchise, je ne m’extasie pas souvent devant un dessin réaliste. J’admire le travail c’est vrai (je suis incapable de tracer une ligne correctement) mais ça me touche en général assez peu. Mais là, le dessin de Frédéric Bihel est simplement beau et d’une grande sensibilité. Les décors en particulier (les rues du vieux Mans, le Bar, l’échoppe du luthier, le théâtre) sont magnifiques. Cette réussite est dûe à une couleur impeccable et surtout lumineuse faisant resortir l’humanité des personnages. Ainsi, le dessin de Frédéric Bihel fait parfaitement écho au scénario de Pierre Makyo (qu’on ne présente plus). Et en bon bédéphile que vous êtes, vous savez que l’harmonie entre le dessinateur et scénariste est un gage de réussite en BD.

Exauce-nous est un album tenant autant à ses personnages principaux qu’à ses « seconds rôles ». Ces amis ou ces proches offrent autant de points d’encrage au récit par des petites histoires parallèles tout en enrichissant à la fois l’intrigue principale et les personnages de Léonard ou de Frank. Ainsi Antoine, Karim, René, Victorine, Ernest, Phil ou Macha sont autant d’éclairages nouveaux (les femmes surtout) pour nos deux protagonistes.
Quant à l’intrigue principale, elle est surprenante, mélangeant volontiers les genres par petites doses. On aime surtout cette façon de laisser le lecteur interpréter les choses à sa façon. Et c’est peu à peu, en compagnie de Frank, que l’on découvre la vérité. Bien souvent, le but est moins important que le chemin parcouru.

Et au final, comme doivent l’être les fables, car s’en est une, il y a une morale touchante et poétique (que je ne dévoilerai pas). Dans cette (en)quête de l’autre, dans cette recherche de la parole et du mot juste (il y a une belle réflexion sur ce sujet) on assiste à une valse des relations humaines, à une belle leçon d’amitié et de tendresse symbolisée par le regard attendri de ses amis sur Léonard, belle figure de l’innocence. Voici sans doute ce qui unit tous ces personnages et qui nous touche. Une belle réussite.

A voir : les planches en ligne sur le site de Futuropolis

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