d’après le film M le maudit de Fritz Lang
adaptation et dessins de Jon J. Muth
scénario de Thea Von Harbou et Fritz Lang
Editions Emmanuel Proust (collection Atmosphères)
Public : adulte et cinéphile accompli ou en devenir
Pour les bibliothécaires : une expérience graphique impressionnante, pour un public averti
Bulle cinématographique
Berlin, années 30.
Impuissant face à un tueur en série, la police harcèle la pègre. Les chefs du milieu décident alors de se faire justice eux-mêmes. Commence alors une impitoyable chasse à l’homme.
Reprendre en BD l’une des œuvres majeures de l’un des plus grands réalisateurs du 7e art, voici une entreprise à la fois passionnante et risquée. Mais après tout pourquoi pas ? Le film de Fritz Lang, tourné au début des années 30, reste d’une modernité exceptionnelle et ses thèmes résonnent encore dans le paysage politique et social d’aujourd’hui.
D’ailleurs, Jon J. Muth, lui-même grand artisan de l’essor du roman graphique américain dans les années 80, n’a pas pris de risques avec le scénario original. Il y ajoute seulement quelques passages. On ne pourra pas le lui reprocher tant l’écriture de Théa Von Harbou et de Fritz Lang explore finement les côtés obscures de l’âme humaine, pose des questionnements autour de la justice et de la morale tout en interpellant le spectateur/lecteur au plus profond de lui-même. C’est vrai, pour l’ensemble, Jon J. Muth met en image sa propre vision de l’œuvre… Oui, mais quelle vision !
Car il ne se contente pas seulement d’illustrer. Il met lui-même en scène un « roman-photo », positionnant des acteurs dans des décors réels avant de les photographier. Ces photos sont ensuite reproduites en tableau. Cette technique « photo-réaliste » donne véritablement un ton particulier à l’ensemble. Jon J. Muth s’attache à créer des atmosphères proches de l’univers original tout en ajoutant une touche bien à lui, plus moderne et surtout plus proche du média BD. Car, même si cette technique est souvent critiquée, on lui reproche notamment de cacher le manque de qualité de certains dessinateurs, elle permet de créer une passerelle véritable entre le 7e et le 9e art tout en conservant à chacun sa spécificité. Et puis, entre nous, l’auteur n’a plus besoin de prouver quoi que se soit depuis bien longtemps.
Au bout du compte, cette histoire monumentale est magnifiquement bien servie par cette adaptation respectueuse, splendide sur le plan de la construction et du graphisme. Un livre qui vous donnera forcément envie de découvrir ou redécouvrir une des plus belles pages de l’histoire du cinéma.
A lire : le très bon article sur ActuaBD
A découvrir : le point de vue de collègues bibliothécaires dans l’Essonne
A lire (encore) : la critique sur sceneario.com
A noter : cette chronique s’inscrit dans le challenge BD de Mr Zombi auquel IDDBD participe !