scénario et dessins de Julie Maroh Editions Glénat (2010) Public : A partir de 15/16 ans Pour les bibliothécaires : cet album fait tout simplement partie de ma bédéthèque idéale. Comme ça c’est réglé. Prix du public Angoulême 2011 (14,90€)
« Si j’avais été un garçon, Clém’ serait tombé amoureuse de moi quand même… »
Clémentine a 15 ans et se rend à son premier rendez-vous galant lorsqu’elle croise une jeune femme aux cheveux bleus dans la rue. Quelques mois plus tard, alors qu’elle est entrainée dans un bar gay par son meilleur ami, elle la retrouve. Elle s’appelle Emma. C’est un coup de foudre et le début d’une histoire d’amour à la fois douloureuse et profonde entre les deux jeunes femmes… J’ai la faiblesse de croire que les livres peuvent changer l’existence des gens, de croire que l’imagination et la créativité peuvent être plus fort que mille discours moraux. Je suis persuadé que des albums comme Le Bleu est une couleur chaude peuvent apporter des réponses ou apaiser des jeunes gens qui luttent contre leur propre nature, parce qu’elle n’est pas « bien », parce qu’elle n’est pas « normale ». Pourtant, je n’ai pas non plus l’impression que cette BD ait été écrite pour prouver ou démontrer quoique se soit mais bien dans le seul but de raconter une histoire. Le Bleu est une couleur chaude est une simple histoire d’amour, plus compliquée que les autres c’est vrai, mais qui n’en demeure pas moins véritable et terriblement humaine. Cette BD n’est pas militante par son approche, elle l’est par la justesse de ses propos. Julie Maroh réussit à dépasser cette soi-disant différence pour nous montrer un véritable amour romantique. Ici, il n’est pas question de soleil illuminant les champs de blé ni de chamallows grillés au coin du feu, dans ce récit tout est digne malgré la réalité qui n’épargne pas les amours outrageants. Au bout, les sentiments affluent comme une vague… bleu évidemment. En lisant Le Bleu est une couleur chaude, vous passerez par tous les états possible. Cet album fait parti de ces œuvres qui, par on ne sait quelle magie, réussissent l’exploit de former un tout, une copie presque parfaite de l’existence, où durant quelques pages se mélangent la vie et la mort, la renaissance et l’éternité, la joie, les peines, les déceptions… Tout cela est rendu possible par les qualités d’écriture indéniables de Julie Maroh. Son style est impeccable, clair, son scénario alterne les phases d’emballement et de calmes, laissant les silences, l’attente et les sentiments s’installer. Côté graphisme, elle étonne en mélangeant des influences assez classiques (sa bichromie bleu/noir et son trait me rappelle dans une certaine mesure les Sambre de Yslaire) et une part d’onirisme magnifique (des planches pleines pages de toute beauté). Cet album, outre son titre, n’est pas non plus sans rappeler Blue, le chef d’œuvre de la mangaka de Kiriko Nananan. On y retrouve le même plaisir du silence, la même finesse de trait, la même volonté intimiste, la même force surtout. Si je voulais être pénible, je dirais que Julie Maroh n’a pas encore donné toute la mesure de son talent. On peut en effet discuter de certains passages, moins brillant sur le plan graphique et/ou narratif. Mais incontestablement, avec ce premier album – son premier album – elle entre directement dans l’antichambre des grands. Si je voulais m’avancer, ses qualités graphiques et surtout d’écriture lui permettront sans doute de signer des œuvres de très hautes qualités, à la hauteur d’un Fred Peeters ou d’un Larcenet. Il suffit de lire Blast ou Lupus pour vous faire une idée de mon point de vue. Maintenant la patience est de mise. En attendant, je vous invite à relire et à faire lire cet album rare. Le Bleu est une couleur chaude a reçu le prix du public au FIBD d’Angoulême en 2011. Cet album m’ayant été conseillé par Mo’, Choco (et mon Padawan, elle se reconnaitra) il entre donc dans le challenge Pal Sèches de Mo’ (ouf plus que 2 !). Et comme Julie Maroh est une bien jolie fille, il entre également dans le cadre du challenge Women BD de Théoma. Et zou ! A découvrir : le très beau blog de Julie Maroh A voir : toujours sur le site de Julie Maroh, l’émission Un Monde de Bulles consacré à l’homosexualité dans la BD A lire : la critique de Ginie sur B&O, celle de Mo‘ et tiens celle de Choco aussi !