Avec Ghostopolis, Doug TenNapel nous fait faire un plongeon la tête la première dans le royaume des morts. Quand un ado atteint d’une maladie incurable est recherché par un chasseur de fantôme fatigué amoureux d’une jolie spectre, on se dit que les vivants et les morts ont encore des choses à se dire…

Priorité aux personnages

Au départ, tout paraît simple dans cette histoire. Le dessin est inspiré d’une ligne claire dépouillée dans un style que j’ai trouvé assez proche d’une série comme Seuls. La couleur est elle aussi particulièrement simplifiée (mais pas simpliste). Les décors du monde humain sont eux aussi assez minimalistes.  Quant aux personnages : Frank Gallows, le chasseur de fantôme déprimé, a tout du privé cynique à l’américaine tandis que Garth est l’ado boutonneux un brin scatophile de service. Bref, Ghostopolis se présente comme une bonne BD ado fantastique relativement classique et efficace.

Mais la maladie incurable de Garth, le condamnant quasi-irrémédiablement à une mort certaine, creuse une première fissure dans ce récit… une fissure que Doug TenNapel ne cesse de creuser par la suite. Au moment où Garth est expédié par mégarde dans le royaume des morts par Frank, ce n’est pas seulement l’intrigue principale qui se lance mais toute la galerie de personnages.

Ghostopolis peut se lire comme un récit d’aventure-fantastique. Mais outre l’histoire qui se veut assez classique, le vécu antérieur des personnages (le background pour mes amis rôlistes) apportent une vraie finesse à l’ensemble. Dans des récits mal pensés, les personnages sont des marionnettes sans passé voire sans avenir une fois lue la dernière page de l’album. Bien souvent, ces histoires sont construites autour d’un ou deux personnages principaux, dédaignant les seconds rôles. Mais pas Ghostopolis. Au contraire, Garth, Frank, Claire, Vaugner et les autres sont tous des éléments d’un même récit. Chacun a sa place, chaque place est importante. Résultat, le scénario s’en trouve enrichi. Finalement, tout cela semble logique car Ghostopolis parle avant tout de l’être humain.

Une fable moderne et farfelue

Et oui ! Parler du monde des morts est un moyen malin d’évoquer la condition humaine. Non, je ne prendrais pas des airs à la Malraux. Mais, au cours de leurs aventures dans le royaume des morts, nos protagonistes se retrouvent face à face avec leurs propres contradictions… sans oublier celles de leurs aïeux… Et bien oui, ne croyez pas que les morts oublient ! Je ne trahirais pas les multiples intrigues, les tenants et les aboutissants de l’ensemble de cette œuvre, ce serait vous gâcher le plaisir.

Car se promener dans ce monde est un vrai plaisir. Ghostopolis, la capitale du royaume des morts, constitue un ensemble de trouvailles farfelues. Du simple sourire au franc éclat de rire, Doug TenNapel a créé un univers joyeux habité par des peuples haut-en-couleur (plus ou moins belliqueux), des dangers symbolisés par des prédateurs assez surprenant et ses propres règles (méta)physiques. Par exemple, les vivants ne sont pas soumis aux normes habituelles de la physique terrestre. En gros, les vivants sont des fantômes au pays des morts. Simple, mais un élément de scénario original.

Tout au long du récit, l’auteur joue avec les mythes… et leur fait des misères dès qu’il le peut tout. Il multiplie les bonnes répliques sans jamais en abuser. Ces dernières tombent au bon moment et ne semblent pas faire partie d’un cahier des charges. L’art du comique est de parfois ne pas trop en abuser sous peine d’écoeurement. Mais hors de ces dialogues et de cet humour noir  parfaitement taillés, l’auteur possède un don pour les enchainements de situations. Les temps morts sont peu nombreux et le récit se déroule très naturellement. Les intrigues se dénouent et les vérités éclatent les unes après les autres… de quoi tenir en haleine.

Finalement, Ghostopolis apparaît comme une véritable fable dont les différents thèmes (la vie, la mort, l’amour, le destin, le regret, la puissance…) sont abordés avec maîtrise et pudeur. Comme dans toutes fables, on n’échappera pas à une morale finale. Là encore, plutôt bien maîtrisée. Si ce livre est destiné essentiellement à un public jeune (12-16 ans), les plus âgés apprécieront la qualité de sa construction. Une très bonne surprise !

A lire : la chronique de Choco
A découvrir : le blog de Doug TenNapel

Ghostopolis (one shot)
Scénario et dessins : Doug TenNapel
Editions : Bragelonne, 2011 (22,90€)
Collection : Milady Graphics
Edition originale : Scholastics, 2010

Public : Ado… et vieux ados
Pour les bibliothécaires : Indispensable dans un fonds pour adolescents.

A noter : cet album a été sélectionné aux Eisner Awards 2011 dans la catégorie « Meilleure BD pour adolescents)

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