Avant-propos
Le 24 et 25 septembre 2015, j’ai animé une formation de deux jours autour de la bande dessinée pour adultes. Je vous propose donc, comme lors de la formation manga, de découvrir un dossier fruit de mon travail sur l’histoire du média depuis 1945 dans les trois principales zones géographiques (Japon, Amérique du Nord, Europe).
Je n’ai pas du tout la prétention d’être un historien de la BD, et ce texte se veut plus synthétique et factuelle. Il y a cependant quelques points de vue personnel qui peuvent être discutés. Ce n’est pas un travail figé, je n’ai rien contre le débat.
J’ai volontairement débuté après la seconde guerre mondiale pour des raisons de pertinence et de temps (une formation de deux jours, ça reste court dans ce domaine).
Pratiquement, le dossier est composé de 6 articles :
- L’introduction ci dessous
- La 1ere partie consacré à l’état de la BD après-guerre puis à la naissance des mouvements alternatifs (1945-1970)
- La 2e partie dédiée à l’éclosion de la BD pour adultes (1960-1990)
- Une 3e partie sur l’affirmation du média BD (et sur ses récupérations inévitables (1980-2010)
- Une 4e partie, moins historique, sur la nouvelle donne numérique
- Enfin, la conclusion…
- … et un bonus : 226 bandes dessinées à lire pour crâner en soirée
Petite introduction
Quand Rodolphe Toppfer publie L’histoire de monsieur Jabot en 1831, considéré par beaucoup comme la première manifestation de la bande dessinée en Occident, il ne la destine pas au jeune public. Ce premier essai de « littérature en estampe » est une œuvre satirique inspirée du Bourgeois Gentilhomme de Molière. Cependant, il avait bien conscience du potentiel expressif de sa création. Elle liait deux formes de communication dans le but, unique, de raconter ou de témoigner : force des mots et puissance du dessin pouvaient lui permettre d’aborder n’importe quel sujet. Cependant, il ne dépassa lui-même jamais la limite du simple objet de divertissement et le 9e art trouva peu à peu sa place dans les journaux, se transformant rapidement en objet simpliste baptisé funnies, comics ou « images dérisoires » (manga). Hormis quelques créations exceptionnelles, la bande dessinée devint un « mauvais genre ».
Mais à partir de la fin de la seconde guerre mondiale, les scénaristes et dessinateurs redécouvrent peu à peu les capacités d’expression de leur discipline. Malgré la censure et sa « mauvaise » réputation, la bande dessinée mondiale et ses auteurs tracent alors le chemin vers la reconquête d’un public et de sujets plus exigeants. Cette prise de conscience artistique s’est faite au gré des ruptures, censures, provocations et échanges qui ont jalonné l’histoire de la seconde moitié du 20e siècle. En Asie, Amérique ou Europe, les trois grandes zones géographiques du développement de la bande dessinée mondiale, nous présentons ici les grandes étapes de cette évolution de l’émancipation vers l’affirmation d’une forme artistique.