L’après-guerre voit la mise en place d’une censure et la définition de certains codes graphiques mais cela n’empêche pas une nouvelle génération d’auteurs de se révéler et de révolutionner leur discipline. Cette seconde période est riche en création: en Europe les revues spécialisées forment des mouvements artistiques, aux Etats-Unis le Comics Code perd en puissance et les alternatifs connaissent une reconnaissance mondiale. Quant au Japon, l’influence du Gekiga renouvèle profondément le paysage de l’édition manga.

L’émergence de la bande dessinée adulte européenne

Pilote, le creuset historique de la BD adulte francophone

En 1960, les éditions Dargaud rachètent Pilote, un petit journal illustré généraliste. En 1964, René Goscinny devient rédacteur en chef. Le créateur d’Astérix va alors installer les circonstances favorables à l’émergence d’une véritable bande dessinée d’auteur. Intégrant tout d’abord ses propres créations (dont Astérix, phénomène d’édition), il travaille régulièrement avec de jeunes auteurs comme Cabu (La Potachologie), Franquin (Modeste et Pompon), Sempé (Le petit Nicolas) ou Gotlib (Les dingodossiers) ; se bat pour faire reconnaître le statut de scénariste de bande dessinée ; et intègre peu à peu de nouveaux auteurs (F’mur, Brétecher, Bilal…). Pilote possède un groupe d’auteurs aux horizons esthétiques et narratifs variés : du dessin de presse (Reiser, Cabu, Gébé) aux réalismes décalés de Gotlib , en passant par le non-sens de Mandryka, le cynisme de Claire Brétécher ou les talents novateurs d’Enki Bilal, de Phillipe Druillet ou de Jean Giraud (Moebius). A son apogée dans les années 1968-1972, Pilote devient un laboratoire d’idée et de création. Des pages d’actualités sont intégrées au journal et les thèmes progressistes (féminisme, écologie…) entrent par l’intermédiaire des auteurs les plus politisés (notamment la bande de Charlie). La fin des années 60 offre à la revue un public bien plus âgé que ses concurrents. Ainsi, Pilote est lu sur les bancs des facultés. L’heure est venue pour les jeunes auteurs de prendre la main.

Charlie Mensuel, la diffusion d’une BD internationale

Directement inspiré par le journal italien Linus (le nom est tiré d’un personnage de Peanuts (Linus Von Petit), Delfeil de Ton, membre d’Hara-Kiri, créé en 1969 Charlie Mensuel. Sous l’impulsion de Wolinski, le journal se dote d’une ligne éditoriale patrimoniale et internationale. Ainsi, le public français découvre Krazy Katt, Peanuts, Mafalda (Quino), Crepax, Buzzelli ou l’argentin Alberto Breccia dont l’Eternaute marque l’histoire de la bande dessinée de science-fiction. Racheté par Dargaud en 1982, il publie les jeunes auteurs phares du catalogue, notamment Loisel (La quête de l’oiseau du temps).

L’aventure des revues spécialisés : prise de conscience

Cependant, en 1972 quand Marcel Gotlib, Claire Brétécher et Nikita Mandryka quittent « le tas de chouettes copains » de Pilote pour fonder leur propre journal, la rupture est brutale avec René Goscinny. La nouvelle génération vient de « tuer le père ». Cet acte marque véritablement la bascule vers une prise de conscience artistique et traduit la volonté de toucher un nouveau public plus mature. Ainsi, jusqu’à la fin des années 80, la bande dessinée francophone est marquée par des expériences créatives variées dans des revues devenues aujourd’hui mythiques pour les bédéphiles.

De l’écho des savanes à Fluide Glacial : Umour et provocation

L’écho des savanes est la première revue créée par la génération Pilote. Elle est la première à porter la mention : « Réservé aux adultes ». Le succès est immédiatement au rendez-vous. Brétecher et Mandryka développent des histoires très personnelles, s’épanchant sur leur « moi », tandis que Gotlib se lâche joyeusement entre pornographie et scatophilie (Rhââ Lovely). Un ton qui marque rapidement. Après les départs de Gotlib et Brétecher, l’équipe se constitue autour de Jean Teulé (Gens de France), Martin Veyron (L’amour propre) ou Philippe Vuillemin (Les Sales Blagues) puis dans les années 1980 autour d’auteurs comme Milo Manara (Le déclic), Baru, Margerin (Lucien), Alex Varenne, Didier Tronchet (Jean-Claude Thergal). Rapidement lassé par ses expériences « pipi-caca », Gotlib quitte l’Echo des Savanes en 1975 pour fonder Fluide Glacial avec ses amis Jacques Diament et Alexis (avec qui il créé SuperDupont). Il ne cache pas son admiration pour MAD magazine et tente de reproduire la même formule : de la dérision, de l’humour tout en évitant la vulgarité ou l’obscénité. Dans le cadre de Fluide, une nouvelle génération d’humoriste s’épanouit : Binet (Les Bidochons), Edika, Goosens… Fluide Glacial devient ainsi un nouveau vivier d’humoriste et on parle rapidement d’un « style Fluide Glacial » caractérisé notamment par son traitement noir et blanc.

Metal Hurlant : Science-fiction et esprit rock

En 1974, sur les conseils de Mandryka, Jean-Pierre Dionnet, Philippe Druillet et Jean Giraud (Moebius) quittent à leur tour Pilote pour fonder Les Humanoïdes Associés afin d’éditer leur propre revue : Métal Hurlant. Ce magazine est réservée au public adulte jusqu’en 1978. Dès le premier numéro en janvier 1975, Métal Hurlant s’oriente vers les récits fantastiques et l’ouverture vers l’international : au sommaire on trouve Moebius (Arzach), Druillet (Gaïl), Jean-Claude Gal (Les Armées du conquérant) et l’américain Richard Corben (Den). Dessins et sujets psychédéliques, marqués par un symbolisme très fort et des innovations étonnantes sont au rendez-vous. Dès 1976, l’arrivée de Philippe Manoeuvre imprime un esprit rock à l’ensemble. Entre les critiques (souvent virulentes) de livres de SF, de disques, de films, l’équipe s’agrandit et les collaborations avec des auteurs déjà reconnus sont régulières, notamment des « anciens » de la maison Pilote (Tardi, Gotlib, Caza, Jean-Claude Forest, Jacques Lob) ou des petites jeunes (Serge Clerc, Franck Margerin, François Schuiten, Chantal Montellier…). La publication s’ouvre petit à petit aux hors fantastiques et accueille des histoires d’Hugo Pratt (hors Corto Maltese), Loustal, Arno, Dodo et Ben Radis ou l’américain Charles Burns.

(A suivre) : le souci romanesque

En 1978, le groupe Casterman fonde une nouvelle revue à l’ambition avouée : faire entrer la bande dessinée dans la littérature. (A suivre) met en avant la bande dessinée d’auteur aux scénarios pourvus d’une véritable densité romanesque. Corto Maltese en est l’exemple le plus frappant. Edité ensuite en album souple, les Romans (A Suivre) s’étalent sur 80, 100, 120 pages ! Faisant appel à des auteurs chevronnés, le magazine produit rapidement d’authentiques chefs-d’œuvre : Silence (Didier Comès), La fièvre d’Urbicande (premier volume des Cités Obscures de Schuiten et Peeters), Ici-même (Tardi & Forest). Jacques Tardi est l’auteur le plus prolifique de cette période avec des personnages cultes comme Adèle Blanc-Sec, ses œuvres historiques, ses reprises de Nestor Burma ou des œuvres de Jean-Patrick Manchette.

Futuropolis, auteurs et patrimoine

En 1972, Étienne Robial et Florence Cestac créé Futuropolis. Chose rare à l’époque, c’est d’abord une librairie spécialisée en bande dessinée parisienne. En 1974 les premières publications des Éditions Futuropolis sont la redécouverte de Calvo (La Bête est morte !), Popeye de Segar, Krazy Kat de George Herriman ou encore La véritable histoire du soldat inconnu de Tardi. Les publications de Futuropolis suivent l’évolution des nouvelles revues spécialisées de l’époque et la maison d’édition prend en charge sa propre distribution. En 1980, ils lancent la mythique collection Copyright, qui rend hommage aux grands auteurs de la bande dessinée (il réédite notamment Terry et les pirates de Milton Canif). Ce travail de mise en valeur du patrimoine (dans l’esprit de Charlie Mensuel) se double d’une volonté de mettre en avant l’auteur et de dénicher de jeunes talents. Il découvre notamment Jean-Christophe Menu, Jean-Claude Götting, Stanislas, Edmond Baudoin, Chauzy. Ainsi, Futuropolis s’est fait le chantre d’une bande dessinée d’art, tant par le fond que par la forme luxueuse des ouvrages.  À la fin des années 1980, la structure connaît des difficultés, tout comme l’ensemble du secteur de la bande dessinée En 1988, Futuropolis trouve un nouveau souffle avec l’entrée au capital des Éditions Gallimard qui deviennent actionnaires majoritaires. Quelques classiques de la NRF ressortent en grand format, illustrés par les auteurs de la maison (Götting illustre Kafka, Tardi s’empare de Voyage au bout de la nuit de Céline). En 1994, alors que l’activité éditoriale de Futuropolis s’est considérablement ralentie, Étienne Robial quitte la maison d’édition qu’il avait fondée.

La crise de la bande dessinée

La fin des années 1980 est marquée par la crise de production la plus grave de l’histoire de la bande dessinée francophone adulte. Victime d’une standardisation éditoriale à outrance (sur la forme comme sur le fond), de mauvais choix éditoriaux, de la chute des ventes, les revues sont rachetées par de grands groupes ou disparaissent. La fin des années 80 voit la disparition de Métal Hurlant, Charlie Mensuel, Pilote, de Tintin, de Pif Gadget, le rachat de l’Echo des Savanes ou des éditions Futuropolis… Seul Fluide Glacial résiste. Dans ce climat un certain nombre de jeunes auteurs non conventionnels se trouvent dans l’impossibilité de se faire éditer tandis que les plus académiques voient leurs projets refusés par des éditeurs préférant s’appuyer sur des valeurs sûres.

La nouvelle Amérique

Fin de l’innocence : âge d’argent et âge de bronze du comics

Le début de la fin pour le comics code authority

L’âge d’or du comics se termine avec l’instauration du fameux Comics Code Authority. C’est le début du Silver age qui voit le retour en grâce des super-héros et notamment l’émergence du second mastodonte de l’édition américaine : Marvel. Sous l’impulsion du célèbre duo Stan Lee / Jack Kirby, de nouveaux personnages à succès apparaissent : Spiderman, les 4 fantastiques, X-men, le retour de Captain America… Cet âge intermédiaire se termine au début des années 70 avec le début du déclin du CCA. En effet, Marvel décide d’aller à l’encontre de ce dernier en intégrant une histoire de drogue dans un épisode de Spiderman. Plus tard, l’équipe Marvel décide de franchir un nouveau tabou en tuant Gwen Stacy, la petite amie du héros. Pour beaucoup de spécialiste, cet épisode marque « la fin de l’innocence » et l’entrée dans l’âge de bronze du comic book. Les super-héros se retrouvent face à la mort, au danger et surtout à eux-mêmes.

Nouveau mode de diffusion, premières mini-séries

L’évolution majeure de l’âge de bronze des comics books, outre l’arrivée de nouveaux genres comme le kungfu ou le retour en grâce des « monstres », est pour la première fois la mise en place de mini-séries. Si les comics books de super-héros n’ont pas de fin, ce n’est pas le cas de ces dernières. The World of Krypton écrit par Alan Kupperberg, dessiné par Howard Chaykin et Murphy Anderson date de 1979. Elle est constituée d’une histoire qui à l’origine devait paraître dans le comic books Showcase. A la disparition de ce dernier, les responsables de DC Comics décident donc de la publier dans un nouveau format proche de la bande dessinée européenne classique. Cette diffusion est également possible grâce à la mise en place de librairies spécialisées qui remplacent les traditionnels kiosques à journaux. Le comic books n’est plus un support de presse. Ce qui peut apparaître comme des évolutions mineures marquent en fait l’ouverture à des créateurs plus ambitieux qui proposent de nouvelles formes. On pense notamment à la notion de « graphic novel ».

Graphic novel : un format en question

Le terme de « Graphic Novel » avait déjà été utilisé par un critique américain en 1964. Toutefois, on attribue sa paternité à Will Eisner lors de la publication de A Contract with God (un pacte avec Dieu) en 1978. Avec ce recueil d’histoires se passant dans le petit milieu des juifs New Yorkais, le prof de dessin, théoricien exemplaire du média, rompt avec les habitudes de la BD américaine : nouveau format, pagination plus étoffée (plus de 100 pages), utilisation du noir et blanc, découpage inédit où textes et dessins s’entremêlent étroitement.

Cette nouvelle forme connaît tout de suite un vrai succès. Majors et alternatifs s’emparent de cette appellation et font pénétrer la BD dans les librairies généralistes. Ainsi, on découvre des histoires de Batman en noir et blanc sur plusieurs centaines de pages. Aux Etats-Unis, ce terme perd peu à peu de la valeur pour se transformer en tout ce qui n’est pas du comic books.

En Europe, cette appellation trouve un écho dans la revue (A suivre) de Casterman. On peut rétrospectivement l’utiliser pour des œuvres telles que Barbarella ou Corto Maltese ou des publications issues de revues exigeantes telles que Charlie Mensuel. Mais le terme est repris bien plus tard par les éditeurs indépendants des années 1990 afin d’identifier leurs livres face aux standards du 48CC.

Au Japon, ce terme n’existe simplement pas mais nous pourrions tout à fait le rapprocher de l’esprit du Gekiga ou des formes alternatives.

Difficile donc de donner une véritable définition car elle reste floue d’un continent à l’autre. Globalement, « graphic novel » désigne ce qui n’entre pas dans les standards locaux (comic books, story manga, 48CC). Ce concept provient surtout de la volonté artistique de proposer des thèmes ambitieux, des formats alternatifs et une approche éloigné du simple objet de divertissement. « Littéraire » ou « graphique », il est donc la conséquence des ruptures et des oppositions de l’histoire de la bande dessinée.

Maus et l’affirmation des alternatifs

En 1980, Art Spiegelamn et sa femme Françoise Mouly fondent la revue américaine RAW. Reconnue encore aujourd’hui comme d’une qualité exceptionnelle, RAW est la publication référence de l’avant-garde américaine et le lieu de diffusion des publications européennes. Avec l’affaiblissement du courant underground, même si Crumb continue de publier en parallèle son magazine Weirdo, Spiegelman craignait de voir disparaître la scène indépendante pour adultes. Sa femme le pousse à mettre en valeur ses propres goûts littéraires et graphiques. Pour éviter tout amalgame avec les comics, le couple utilise l’appellation « GraphiX magazine ». Ainsi, dès les premiers numéros (entre 1 ou 2 par an jusqu’à en 1992), RAW mélange les auteurs nord-américains (Ben Katchor, Charles Burns, Richard McGuire, Julie Doucet), européens (Joost Swarte, Loustal, Jacques Tardi), argentins (José Muñoz et Carlos Sampayo), des japonais issus du magazine Garo (Yoshiharu Tsuge). De nombreux numéros incluaient de l’illustration, des textes illustrés ou des essais. L’œuvre majeure publiée dans RAW est Maus, le roman graphique d’Art Spiegelman. Elle est pour beaucoup considérée comme le chef d’œuvre de la bande dessinée du 20e siècle, voire de toute l’histoire. Maus (souris en Allemand) est le témoignage du propre père de l’auteur, rescapé des camps de concentration. Il s’agit à la fois d’un document historique mais également d’une mise en avant de la relation des deux hommes. Spiegelman se met en scène, confronté au vieil homme qu’est devenu son père mais également aux conséquences de la transmission de ce récit. Relation père/fils, homme/homme, homme face à son histoire, homme face à la petite et à la grande histoire. Œuvre monumentale où le choix de transformer les personnages en animaux n’est pas anodin. Il déshumanise le propos pour le rendre encore plus fort. Mais cette histoire est lourde à porter. Spiegelman exprime lui-même son point de vue dans le volume 2 de son récit : « Je me suis embarqué dans un truc qui me dépasse. Peut-être que je devrais tout laisser tomber. Il y a tant de choses que je n’arriverai pas à comprendre ou à visualiser. J’veux dire, la réalité est bien trop complexe pour une BD… Il faut tellement simplifier ou déformer. » En 1992, pour la sortie du second et dernier volume, il reçoit successivement le prix Will Eisner, le Prix Harvey, le prix du meilleur album étranger à Angoulême et le prix Pulltizer (actuellement la seule bande dessinée récompensée). En fer de lance de l’édition alternative, cette réussite traduit véritablement l’impact de ce milieu artistique et l’affirmation d’un comics pour adulte. Entre mise en avant des jeunes créateurs, diffusion de la bande dessinée européeene (Tardi, Pratt ou Bilal en tête), le travail mené depuis plusieurs années par des maisons d’édition indépendante tels que Fantagraphics books ou NBM (créées toutes les deux en 1976) semble en effet porter ses fruits.

La maturité japonaise : d’Ashita No Joe à Akira

La création de magazine pour adultes

En 1959, Yoshishiro Tatsumi et son groupe créé l’atelier du Gekiga. Cette forme va progressivement monter en puissance jusqu’aux début des années 80. Avec la fin des libairies de prêt – qui correspond à une amélioration notable des conditions de vie au Japon (le fameux « Miracle Japonais ») mais aussi aux évolutions du marché, il faut retrouver un moyen de diffusion de cette bande dessinée alternative. L’éditeur Katsushi Nagaï créé alors la revue d’avant-garde Garô qui publiera jusqu’en 2002 la fine fleur de la création. Ainsi, les auteurs de Gekiga comme Tatsumi trouvent leur place. On y découvre Shigeru Mizuki mettant en valeur les croyances populaires, Sanpei Shirato et sa fresque historique Kamui-den ou encore Yoshiharu Tsuge, créateur du watakushi manga (le manga autobiographique). L’influence est telle que les éditeurs traditionnels, soucieux également de toucher les baby-boomers devenant adulte créent les premiers magazines pour jeunes adultes. Les éditeurs japonais ajoutent les « Seinen » à leur catalogue (Weekly manga action en 1967, Big Comic en 1968) Pour les jeunes femmes, il faut attendre la fin des années 80 pour découvrir le « Redikomi » ou « Josei ».

L’influence du Gekiga sur le story manga

Il ne faut pas attendre très longtemps pour voir les conséquences de l’impact du gekiga sur le story manga traditionnel. Cela se traduit tout d’abord par une « ringardisation » du travail d’Osamu Tezuka. Le maître japonais n’approuvait pas la démarche sombre du Gekiga. Cependant au plus fort du mouvement, à la fin des années 1960, ses travaux résolument optimistes et enfantins rencontrent de vives critiques. En 1972, après une « relative » traversée du désert, il revient avec Ayako. Une courte histoire particulièrement sombre très loin de son univers habituel. Le contexte est celui de la reconstruction d’après-guerre, des drames familiaux et sociaux. Tout en conservant ses principes, il y intègre le réalisme et la noirceur de la bande dessinée adulte. Ayako est le début d’une très longue série de récits incontournables dans l’histoire du manga pour adulte (La Vie de Bouddha, Black Jack, l’Histoire des 3 Adolf). Autre phénomène important : le succès d’Ashita No Joe en 1968. Cette série raconte la vie de Joe Yabuki, jeune homme pauvre de 15 ans qui se découvre un talent pour la boxe. Fresque à la fois classique par son thème (le dépassement de soi). Ce manga est aussi une analyse très fine et profonde de la société japonaise des années 1960. Le manga devient même un symbole des mouvements d’extrême gauche qui se retrouvent dans le personnage de Joe. Le 31 mars 1970, l’Armée Rouge japonaise détourne un avion pour protester contre la guerre du Vietnam au cri « Nous sommes des Ashita No Joe ». Cet incident jouera sur l’arrêt du manga en 1973.

Akira : symbole des années dorées du manga

A la fin des années 1970, une nouvelle génération de mangakas arrive à maturité. Formée par les précurseurs, baignant à la fois dans le story manga classique et le Gekiga, ils vont proposer des œuvres incontournables qui toucheront à la fois le grand public et le manga d’auteur.

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On peut citer parmi eux, Tsukasa Hojo, créateur de Cat’s Eyes et City Hunter (plus connu en France sous le nom de Nicky Larson) mais surtout Katsuhiro Otomo, qui publie ce qui sera considéré comme l’œuvre majeure du manga contemporain, celle qui en compagnie de Dragon Ball ouvrira la porte du manga à l’internationale : Akira. Akira est une fresque post-apocalyptique mettant en scène une bande de motards dans un Néo-Tokyo ravagé par des expériences scientifiques. Outre les grands thèmes développés par le manga d’après-guerre (pertes de repères ou danger de la science), Otomo propose une forme novatrice, loin des critères de Tezuka. Actions, violences et remises en causes de la société sont au rendez-vous. Mais surtout, il ajoute une critique sociale virulente vis-à-vis du modèle de société japonais des années 80. La forme narrative développée par Otomo a une influence considérable sur les mangas des années 90 comme Gunmm (Yukito Kishiro) ou Ghost in the Shell (Masamune Shirow). La publication se termine en 1990, l’année même de la grande crise économique japonaise qui transforme le pays. De là à y voir une œuvre visionnaire… Au même moment, c’est aussi l’émergence d’un autre très grand créateur : Hayao Miyazaki. Si nous entrons ici dans le domaine de l’animation, il faut souligner l’importance de ce réalisateur de génie. Convaincu par son ami Toshio Suzuki, journaliste au magazine Animage, Miyazaki y publie les six premiers chapitres de Nausicaä de la Vallée du Vent afin de convaincre les producteurs de financer son film d’animation. Devant le succès immédiat de la série, le projet est coproduit en 1984 soit un an avant la création des studios Ghibli (Princesse Mononoke, Le Voyage de Chihiro…). Pour autant, le réalisateur ne laisse pas tomber un personnage qui lui tient particulièrement à cœur. Il y développe une histoire sombre, violente mais, comme souvent, pleine d’espoir. Il clôt son récit en 1996.

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